Alors voilà. On y est. Au changement possible, au changement déjà. Pourvu que ça dure !
Le 6 mai, j'avais dit à mon compagnon, qu'il était hors de question de revivre l'épreuve du premier tour et de passer mon temps sur internet pour essayer de savoir à l'avance le classement. J'y étais parvenue, grâce à la Libre Belgique et un autre site Suisse qui confirmait. Du coup, j'ai fait la gueule 2h à l'avance, parce que la Lepen était bien trop haute à mon goût et que dire du Président sortant suposément si impopulaire. Ce Président qui dans un système de vote par notation ou valeur était hors jeu, se retrouvait par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours toujours en course. Il pouvait donc de fait être ré-élu. Et je crois que de ma vie je n'ai jamais eu aussi peur de voir repasser un président. Nous avons donc décidé le 6 mai, d'aller prendre l'air et qu'après que Monsieur eut voté à son tour dans le sud - moi je vote tout bêtement là où je vis dans le nord, nous entamerions un tour de l'ile. Se faire la route des laves sous la pleine lune un jour d'élection, ça vous met une petite ambiance de circonstance. La lune se reflète dans les plis de la mer. Ce raie de lumière qui zigzaguait à la surface de l'eau me fascinait, cerné qu'il était par la noire profondeur de la nuit. Il était un peu comme mon petit espoir qui brillait tout au fond de moi, assailli par un himalaya de sombres incertitudes. Jamais je n'ai autant douté. Jamais je n'ai autant souhaité le changement. Comme si ma vie en dépendait. Et de fait, je voyais en cette élection une croisée des chemins : soit une chute vertigineuse vers les abymes, vers un monde que j'aurai détesté, soit un petit espoir - tout petit - de quelque chose de plus humain.
Lorsque nous sommes passés devant la banareraie de Piton Sainte-Rose, elle était bien entendue fermée. Trop tard pour s'acheter nos chères mysores. Tant que vous n'en avez pas mangé, vous n'avez jamais mangé de bananes (je sais ça fait du monde) ! Tant pis, on continue. Cette île est si différente la nuit. C'est à 20h que nous arrivons à Saint-Denis. Ca fait une demi-heure qu'on se tate pour savoir ce qu'on va faire : rentrer à la maison ou rester en ville. Mais 20h à la Réunion ce n'est que 18h à Paris et donc encore deux heures à se morfondre avant les résultats officiels. Hors de question d'aller sur internet et prendre le risque de savoir 2h à l'avance qu'on continue avec l'autre. Si c'est lui qui est à nouveau président, je veux profiter des dernières heures qui me restent. Je veux pouvoir associer le 6 mai à au moins un bon souvenir. Du coup, on évoque un restaurant. On a nos petites habitudes. Pas spécialement bon marché, mais spécialement bon, et c'est ce qui compte. Saint-Denis est quasi vide. On a même une place de parking juste devant le restaurant. Contents de le voir ouvert. Deux heures de ravissement au fond de la cour près de la petite fontaine qui gazouille dans son coin. Un groupe de jeunes débarque au moment où nous venons de recevoir notre entrée, et choisi la table juste devant nous. Puis une fille remarque que s'ils restent là, ils vont nous enfumer vu le sens du vent et ils choisissent donc d'aller plutôt sur la table de derrière. Alors là je suis hyper reconnaissante. Parce que j'abhorre de renifler le tabac des autres lorque je mange. Et ce n'est vraiment pas si souvent que les fumeurs font attention à ceux qui ne fument pas, surtout en extérieur. Comme nous, ces jeunes-là ne voulaient rien savoir du résultat, que le serveur avait l'air de connaître. Il sont partis ves les 21h30. J'ai cru comprendre que quelque part en ville, il y avait un écran géant qui donnerait l'image du vainqueur.
A 22h un monsieur à une table voisine a reçu un coup de fil. "C'est sûr ?" a-t-il demandé. Et j'ai entendu des klaxons dans la rue. Mon portable a bipé. Un SMS. "On a gagné, on a gagné, on a gagné" m'écrit une amie. Je pense à l'instant que je vais rudement bien digérer ! Nous partons du restaurant avec le sourire. Sur le chemin du retour, nous entendons le discours de Sarkozy à la radio. Arrivés à la maison, nous allumons la télé, pour voir qui ? Dati. Et le sifflet coupé à Eva Joly pour donner la parole - c'était urgentissime - à Marine Lepen. Je change de chaine, et je me dis que décidément, ça va être dur pour tous ces serveurs de plats et cireurs de pompes patentés du Sarkozysme de comprendre que c'est fini, et qu'il va falloir montrer un peu de respect à tout ce qui ne sort pas de la bouche de l'ex-empereur. J'éteins après le discours de Hollande.
Le lendemain j'apprendrai que la passation ce ne sera pas avant le 15 mai. Encore le temps de nuire un peu. Ce qu'ils ne manqueront pas de faire. Jusqu'au bout ! Le jour de l'investiture, je suis à la maison. A la Réunion, nos deux heures de décalage font que j'ai pu voir la passation entre midi et deux. J'ai adoré le discours de Hollande. Et je me suis dit "pourvu que ce ne soit pas que des paroles". Il m'a semblé quant à moi que le service minimum - même s'il reste plus positif - a aussi été assuré pour l'action de Chirac.
Contrairement à ceux qui ont raillé le Président détrempé, j'ai quant à moi apprécié que cet homme, vis à vis des gens qui eux se faisaient saucer pour l'apercevoir, leur ait donné plus à voir qu'une petite main qui s'agite au fond d'une voiture. J'ai préféré cette image de l'homme qui salue debout sous la pluie à celle plus tard du gugus qui tient un parapluie au dessus de sa tête. Il ne peut pas le tenir lui même non ? Enfin bref. Ca c'était le soir, dans les rétrospectives, puisque je suis retournée au travail. Je suis contente que Hollande ait été élu, mais pas au point de prendre une journée de congé pour voir sa journée d'inverstiture en entier !
S'en est suivi le "suspens" du premier ministre. Puis le coup de foudre sur le vol Présidentiel. Au départ je n'y ai pas cru. Mais bon. Il a eu une météo pourrie jusqu'au bout.
Le lendemain, les signes que le Sarkozysme fait encore des ravages se sont révélés au travers de cette lamentable polémique sur Hollande bousculé par Merkel. Juste histoire d'en profiter pour dire qu'il n'est pas à la hauteur. Hep ! Les gars, elle est finie la campagne, va falloir vous y faire ! Quansd on voit la vidéo, franchement, il n'y a pas de quoi casser 3 pattes à un canard. Il y a aussi l'image qui cherche à faire passer Hollande pour un débile profond regardant l'heure du mauvais coté de son poignet. Mieux vaut apparement se regarder le nombril pendant 5 ans.
Mais revenons à nos moutons (non je ne veux pas dire que les ministres sont des moutons). Les sites belges n'ont pas donné la composition du gouvernement avant tout le monde. Et je dois dire que mon premier étonnement a été la parité respectée à la lettre, et le deuxième, la création d'un ministère du "redressement productif". Kesako me suis-je demandé. Et puis j'ai vu Christiane Taubira à la Justice. Contente de la voir dans un ministère de cet importance. J'espère qu'elle aura le temps d'y laisser une trace positive, sachant que tout peu changer après les législatives.
Alors voilà. Mes premières heures Hollandes sont teintées de rose. C'est le moins qu'il pouvait faire. Quant à la suite, on peut quand même lui accorder de ne pas pouvoir tout changer en un jour. Mais ça n'empêchera pas que nous serons nombreux à être vigilants pour que soient portés hauts les projets avec "de l'humain d'abord" dedans.