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La Place relève bien des mystères, le plus épais étant l’essence même de ses habitants. Tout juste agé d’une 20 aine de jours, le mouvement - stagnant ou spiralant selon les avis - ne manque pas de susciter de belles analyses débordantes de bienveillance, de profondeurs, avec le recul sage que tout media digne de ce nom se doit. Ainsi, on a déjà une sociologie de la foule, établie à la précision du doigt mouillé, et une foultitudes d’avis fièrement alimentés aux préjugés mêmes des observateurs effarés. Un mouvement qui se veut sans leader, donc à gestion horizontale et qui libère la parole de gens qui ont la prétention en plus d’en faire quelque chose plus tard, ça dépasse décidement l’entendement de ceux qui d’ordinaire sont habitués à ne pas être dérangé pour si peu.
Interlude Paroles Debout
La Cour ricanante des “grands” de ce monde est-elle seulement capable de comprendre ce qu’il se passe ? Eux qui se piquaient il y a peu de pédagogie, pour démontrer au peuple ignare ô combien il se trompait au sujet de la loi El Khomri, se retrouvent subitement dans la position du malcomprenant pathologique. Privatisation de l’espace publique, déni de démocratie, chacune de leur objection emprunte au final la trajectoire délicieuse du boomerang. S’imaginant parler des autres, les oligarques ne parlent que d’eux-mêmes, de leur esprit étriqué et leur incapacité à s’ouvrir à un autre monde. Dans le leur, tout est plié, ils sont les maîtres et il n’y a pas d’alternative.
Interlude Lordon sur la démocratie, le tina et les grains de sable
Et c’est bien pour cela qu’il en faut un autre, de monde. Quand on s’aperçoit finalement qu’on est arrivé dans une impasse, faut-il vraiment argumenter longtemps pour comprendre que rester coincé devant le mur du fond n’est pas une option ? Il faut juste aller voir ailleurs, sous peine de se retrouver compressé, cabossé, écrasé par ce mur qui empêche toutes les générations d’avancer. CQFD
Je n’ai aucune idée de ce que va devenir ce mouvenent, ou de comment les choses vont évoluer sur les places et dans les quartiers. Mais ce que je sais, c’est que ce travail d’écoute et d’expression, ce préalable à toute contruction future, m'enchante au plus haut point et me réveille aux autres. Cesser de juger, tenter de comprendre, apprendre et imaginer c’est quand même beaucoup plus réjouissant que dénigrer, railler, juger et dézinguer. Ras le bol du coté obscure de la force.
Ce que m’apprend ce mouvement, c’est sortir du binaire, quand l’entre-soi n’est pas synonyme d’exclusion par exemple, même si ce n’est pas une évidence. Les commissions féministes non mixtes, sont à cet égard un cas très intéressant. J’avoue que la première fois que j’en ai entendu parlé, j’ai trouvé ça regrettable. Et puis, je suis tombée sur un article, où quelqu’un expliquait pourquoi ce genre de commission avait été créée.
« La non-mixité choisie, ce n’est pas pour se retrouver entre femmes mais entre personnes socialement dominées et opprimées[...]. Il faut des espaces pour que les dominés puissent prendre conscience ensemble des pratiques d’oppression et s’exprimer, sans la présence des dominants. »
Bref, un entre-soi pour que la parole se libère et être capable ensuite de passer à l’étape suivante.
Et c’est ça qui est bien à Nuit Debout, c’est que finalement, à force d’écouter les gens, on s’ouvre à leur monde et il est ainsi beaucoup plus facile à chacun de l’intégrer dans le sien. Ne plus être ignorant de l’autre et de son vécu, accepter qu’il y ait des tempos différents. On ne marchera jamais tous à la même vitesse, ni dans la même direction d’ailleurs, mais il est certainement possible de s’appuyer les uns sur les autres, grâce à des ponts de considérations.
S'appuyer, ce n'est pas s'assimiler ni se fagociter : je ne suis pas comme toi, parce qu’on n’a de toute manière pas à être pareil. Et c’est tant mieux, parce qu’on pourra découvrir des tas trucs qu’on ne connaissait pas. Je pense que c'est ça l'esprit debout, des petites voix qui donnent de la lumière, là où il en manquait cruellement. Et ça c'est déjà une grande victoire.
Et je finirai par un coucou amical à Radio Debout qui m’a éveillée à tout ça du fond de mes 10000 km de distance. Franchement un grand merci.
Paroles debout en friandise : la place ouverte à tous ?