Désormais vous le savez, il se passe quelque chose à l'île de La Réunion. Nos ministres ont bombé du torse, condamnant avec force les pillages actuels. Seulement, ça ne fait pas trois jours - les trois jours d'émeutes - que ça a commencé. Non, ça fait 3 semaines qu'ici ça bouge, autour de la problématique des prix et de la vie chère. Retour sur événements ...
Acte I : La négociation
Tout à commencé par un mouvement de grogne des transporteurs. Ils protestent contre le prix du carburant, demandent un gazoil professionnel.
A passage, ce gazoil professionnel leur avait déjà été accordé l'année dernière, en mai, si je ne m'abuse. Il restait à trouver le comment de la mise en oeuvre. 9 mois plus tard, ne voyant toujours rien venir, c'est à la charge que sont revenus les transporteurs.
Le 6 février dernier, une table ronde est organisée à la Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, entre l'intersyndicale des transporteurs, des associations de consommateurs, le président du conseil régional, la présidente du conseil général, et le prefet.
Ce qui est obtenu au cours de cette réunion : la baisse du prix de la bouteille de gaz à 15 euros (contre 21,76 euros aujourd'hui, soit plus de 6 euros de réduction), jusqu'à 6 centimes de baisse sur le gazoil, pour les transporteurs et les taxiteurs. Ce qui n'a pas été obtenu : les 25 centimes de baisse sur les carburants pour tous, au prétexte que la SRPP (Société Réunionnaise de Produits Pétroliers) est absente de la table ronde.
Rendez-vous est pris pour le mardi suivant, pour rediscuter des prix du carburant.
Un résumé des événements du jour
Acte II : La Division
Prélude
Entre temps, ça jaze sur les ondes. Et petit à petit, le poison du conflit futur est instillé. Je résume : les transporteurs sont des égoïstes qui ne pensent qu'à eux. Ou encore, ils sont trop mous et n'obtiendront rien de plus, puisque 25 ct sur le carburant ce n'est pas raisonnable et ils ont déjà obtenu leur gazoil professionnel. Inutile de faire des bloquages. La population ne les soutiendra pas. Les commentaires sous les articles en ligne sont de véritables défouloirs ! Du coup, ça boue chez les transporteurs. Les gars ne veulent plus attendre. D'autant plus que le préfet s'est cru autorisé le 10 février à siffler la fin de la récréation. "La cour de récréation qui s’est instaurée à travers les médias doit s’arrêter. Le dialogue que nous avons entamé lundi dernier doit se poursuivre." C'est fin ! Du coup, on nous promet des actions dès le lundi 13 février. Sauf que : dans la nuit du 12 au 13, le cyclone Giovanna, qui n'est pas vraiment passé, nous laisse quand même dans sa traine une houle qui rend la route du Littoral extrêment dangereuse. En gros, pas vraiment le moment de faire des opérations escargots. Les actions sont reportées au mardi 14 février, juste avant la réunion à la Région. Sur la route du Littoral le 13 février 2012, la houle explosera le pare-brise d'un bus de transport en commun et de trois autres véhicules. Je vous laisse imaginer la force du phénomène et la frayeur de ceux qui étaient pris là-dedans.
La rupture
Le 14 février, les transporteurs décident de frapper fort. Ils bloquent la circulation sur toute l'ile. Il est très difficile de ralier Saint-Denis, ou d'aller de Saint-Louis à Saint-Pierre. Des embouteillages monstres se créent. A la Région, les alliances se déchirent. Sur le plan médiatique, les transporteurs sont clairement montrés du doigt, accusés de prendre les Réunonnais en otage. Réunionnais qui pour un certain nombre ont pris leur mal en patience, tant que les 25 centimes pour tous était dans la balance. Le soir à la télévision, il y a des coups de gueule, dont un personnage qui défendait la baisse de 1ct d'euros pour tous, après redistribution de je ne sais plus quoi. Mais je ne me souviens plus qui ...
Résumé de cette journée
Mais au deuxième jour de bloquage, ça rigole moins. Plus de tensions entre automobilistes et transporteurs. Le prefet prospose une réunion le vendredi suivant. Les barages sont levés. Sur les sites en ligne, ça raille à mort, les transporteurs qui se font manipuler par le Préfet et qui obeissent comme des petits garçons. Il y aurait aussi eu des verbalisation pour entrave à la circulation - 5000 euros ai-je entendu.
Résumé de cette journée
Les jours suivant, le préfet perd encore une occasion de se taire. Je n'ai pas trop le temps de chercher ce qu'il a exactement dit, mais ça revenait en clair à humilier les transporteurs et les réunionnais, pas solidaires de toute manière, juste bons à veiller la coque, comme on dit ici (attendre que tout leur tombe tout cuit). En tout cas, moi c'est comme ça que j'ai ressenti les choses lorsque je les ai entendues, et là je me suis dit que ça allait dégénérer. Les transporteurs ne pouvaient pas laisser passer ça. La population, dès le jeudi 16 février se trouvaient des points de rassemblement, pour parler de la vie chère. Ça a commencé au Chaudron, fort pacifiquement. Des citoyens qui prennent la parole qu'on oublie de leur donner. Au national, on a ignoré tout ça. Des citoyens qui parlent de leur mal-être sans rien casser, ça ne présente aucun intérêt. Ici, la télé et la radio ont pris le temps de leur tendre les micros. Et ce que dit la population est simple : assez des tables rondes pour cerner les problèmes. Les problèmes on les connait parfaitement. Le hommes et les femmes politiques sont là pour trouver des solutions. C'est pour ça qu'on coule un bulletin dans l'urne. Ici, la vie est très chère. Les gens demandent de la transparence sur les prix et les marges. Beaucoup soupçonnent que cette situation est due à quelques goinfres. Et tous aimeraient pouvoir se nourrir correctement. L'augmentation des prix, parfois à 15 jours d'interval leur est insuportable et pas de quelques centimes sur certains produits comme les oeufs souvent cités en exemple. Les jeunes parlent du chomage et les retraités de leur pension. On a eu une vieille dame à 415 euros par mois qui remerciait sa famille de la soutenir financièrement.
Acte III : Les Emeutes
Or donc, lorsque le lundi 20 février, j'ai entendu que les transporteurs avaient encerclés les gendarmes qui encerclaient la SRPP pour la protéger, je me suis dit "on y est". Plus aucun camion ne pouvait sortir du Port.
Résumé de la journée
Qu'à fait le Préfet ? Le lendemain, il a envoyé les gendarmes verbaliser et a menacé de lancer l'assaut, alors que les transporteurs venaient de faire un geste et laissé passer quelques camions pour l'aéroport. Qu'ont fait les transpoteurs ? Ils ont appelé au soutien de la population, qui est venue. L'assaut n'a pas été donné. Une réunion est improvisée et là ça va dégénérer car les transporteurs acceptent une réunion pour vendredi. La population qui a attendu des heures dehors que la réunion se termine n'est pas d'accord et se sent trahie.
Résumé de la chronique d'émeutes annoncées
Et voilà les émeutes ont commencé ce soir là et ça fait trois jours que ça dure. Subitement la métropole découvre la Réunion en feu !
En isolant un syndicaliste, qui a le tord d'être plus un bon père de famille qu'une teigne, en attisant les rancoeurs de la population par des paroles irréfléchies, le préfet a sa part de responsabilités dans les événements actuels. Et à ceux qui n'ont rien fait ces dernières années, ceux qui ont été élus, qui connaissent la situation mais qui sont été plus occuppés à se créper le chignon pour des mairies ou des députations, ces jeunes-là disent "dehors". Depuis le 21 février, chaque soir, il y a des gens qui perdent leur commerce et d'autres leur voitures. Tout ça part en fumée. Jusqu'aux bibliothèques. La colère n'a pas de dicernement. La population qui en majorité n'est pas pour ce type d'action n'arrive pas à raisonner les casseurs. Voilà où on en arrive après trop d'année de Sarkozysme, de surdité face au peuple et d'oubli de l'intérêt général. Voilà où mène la division et la stigmatisation. L'Etat se réveille dès lors qu'il y a des coupables autre qu'eux mêmes à montrer du doigt. Mesdames et Messieurs les politiques, le peuple de La Réunion pourrait bien siffler la fin de la récréation. La votre. Celle où vous avez passé le temps à ne pas régler les problèmes urgents, basés sur l'intérêt général, où vous avez préféré défendre les intérêts particuliers de vos grands amis argentés. Tout le monde a pu voir au Chaudron que les petites boutiques ont morflés alors que le Jumbo Score était gardé comme une citadelle interdite. Tout le monde a bien vu où étaient vos priorités. Et si on ne règle rien en cassant, on ne règle rien non plus en faisant semblant de ne rien voir. Maintenant vous voyez. Serez vous seulement capables de faire autre chose que bomber le torse et montrer du doigt les émeutiers ?