C'est l'histoire d'une rencontre. Une ile : Noirmoutier. Un lieu : Le Gois. Un livre : Maléfices. Premier contact à marée haute : le Gois submergé, l'ile au loin. C'est par là que nous voulons passer. Nous sommes attendus à Saint-Jean de Mont pour la soirée. Nous reviendrons le lendemain. Le lendemain, Gois dégagé. On roule au pas sur les pavés mouillés. Puis l'ile. Un petit tour au Bois de la Chaize. Huppé. Bondé. On se sauve vite fait. Et en avant pour un tour de l'ile au radar, avec une carte à l'échelle pas suffisamment précise. On termine au port de l'Herbaudière. Il est midi. Le temps de manger, d'aller acheter quelques brioches. On repart par le pont en se promettant de revenir. Et on est revenu. Pour une semaine. Deux ans après.
Toujours le même appel du Gois. Encore marée haute. Donc obligation de passer par le pont pour se rendre à la location. Cette année là, nous passerons le Gois en vélo. Dans un sens. Puis l'autre. Avec un pique nique entre les deux. Observant le flot de voitures se déversant sur la voie blanchâtre découverte.
Mais le livre, me direz vous. Le livre, je l'ai trouvé en cherchant un restaurant. En pleine opération de repérage pour une soirée gastronomique à quatre, voila-t-y pas qu'une devanture attire notre attention. Une librairie comme on n'en fait plus. Avec des livres partout dans des rayonnages et sur des tables, dans un joyeux bazar apparent qui invite à s'approcher. Sur certains livres, une petite fiche manuscrite du libraire. C'est ainsi que j'ai trouvé le mien où était vantée une histoire bien ficelée dans le décors local, un "policier", mon genre préféré. Je ne pouvais pas partir sans lui. Il ne pesait pas bien lourd. Il a pris l'avion avec moi pour La Réunion. Puis je l'ai oublié. Jusqu'à la semaine dernière. Je suis retombée dessus. Mon livre de cet été, venu de Noirmoutier. Et je m'y suis laissé glisser. Les auteurs : Boileau et Narcejac, un tandem du passé qui a inspiré des films comme "Sueurs froides" d'un certain Alfred Hitchkock ou "les diaboliques" d'Henri-Georges Clouzot. L'histoire : un vétérinaire, une épouse, une femme, un guépard, le Gois.
Que dire de ce livre sinon qu'il se lit très vite et qu'on est embarqué dans une histoire au relent de colonialisme et de vieille France bercée de préjugés. L'intrigue est rondement menée. L'écrirure est fluide et surtout - très bon point pour moi - les chapitres sont courts, ce qui en fait un partenaire parfait pour la dégustation en tranches nocturnes. La bourgeoise au guépard habite sur l'ile au Bois de la Chaize. Le vétérinaire en tombe amoureux et se voit dans l'obligation de se lancer dans des aller-retours périlleux entre l'ile et Beauvoir, car à cette époque, seule cette route relie l'ile au continent. A chaque expédition, l'heure tourne toujours trop vite et la marée monte. Je n'ai pas compté le nombre de fois où ce pauvre François (c'est le nom du "héro") manque de louper la marée. Il serait alors coincé dans l'ile pour douze heures. Ce qui serait une absence, tout vétérinaire occupé qu'il soit, difficile à justifier à Madame. Nous voilà donc face à un homme partagé entre ses deux amours en lutte contre lui-même et les événements qui le dépassent. La fin est terrible, quand enfin tout est expliqué.
J'ai reposé le petit livre. Et j'ai tout de suite cherché mes images du Gois. Ce lieu exerce sur moi une véritable fascination. La mer monte si vite. On ne voit que les perchoirs à marée haute. Et il y a tellement de monde à marée basse, qu'il me semble que cette fascination quelque part est partagée par bien d'autres ! On se sent si petit sur ces 4,5 km que la mer nous abandonne quelques heures. Contente d'y passer, comme quand il n'y avait pas le choix. Un plaisir enfantin d'être là parce que la mer le veut bien. Ou de rester à observer, ou encore être chassé parce que la marée monte.
Voilà. Si vous allez en Vendée, pensez à Noirmoutier et empruntez son passage découvert à marée basse. Cherchez la petite librairie au delà du chateau. Laissez-vous guider par une petite fiche. Ou encore mieux : par le libraire ! Avec tous les livres qu'il y a là-bas, il y en aura bien un pour vous ...