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Billet de blog 25 octobre 2019

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Santé alimentaire et bouffe industrielle

Vis, os, plastique au menu des crèches franciliennes: jusqu'où ira l'industrialisation de notre alimentation?

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Vis, os, plastique au menu des crèches franciliennes: jusqu'où ira l'industrialisation de notre alimentation?

Nous apprenons avec stupéfaction grâce au travail remarquable de la cellule d'investigation de Radio France que depuis au moins deux ans l'entreprise Elior livre des repas aux crèches franciliennes Babilou dans lesquels se trouvent divers corps étrangers.

L'enquête des journalistes du service public est accablante. Les personnels des crèches ont découvert, à plusieurs reprises, au moment où les enfants étaient servis, des éléments solides dans les barquettes livrées par la cuisine centrale d'Elior, basée à Thiais (Val-de-Marne). Ces dysfonctionnements très graves, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques chez les enfants concernés, étaient connus de l'entreprise qui n'a pas eu de réaction à la hauteur des enjeux. Les services d'État chargés du contrôle de la sécurité alimentaire n'ont jamais été avertis. Pour des raisons budgétaires, la direction de l'entreprise a préféré se contenter d'un simple détecteur de métaux en fin de chaîne plutôt que d'investir dans un appareil de détection de tous les corps solides (y compris plastiques, cosses, arêtes...). Pire encore, il apparaît que les machines ne faisaient pas l'objet d'entretien adéquat et contenaient des restes en décomposition.

Il est évident que cette entreprise est responsable de ces dysfonctionnements et que le contrôle exercé sur l'hygiène et la sécurité de la restauration collective par les services d'État sont clairement insuffisants. Mais au-delà c'est un système complet qui marche sur la tête!

Alors que les familles ont bien conscience de la nécessité de veiller à une alimentation de qualité pour les enfants, les aliments qui leur sont servis par la restauration collective sont malheureusement bien souvent les moins chers, les plus insipides et même pas les plus sûrs! 

Si les réglementations renforcent régulièrement les normes de production, de transport et de service des aliments, si les personnels s'efforcent de respecter au mieux les procédures lourdes de contrôle des risques sanitaires (HAACCP), si certaines collectivités font le choix de développer le recours aux aliments biologiques, de mieux respecter la saisonnalité, de veiller à la provenance des aliments, la logique générale de la restauration collective reste bien souvent centrée sur une recherche du moindre coût, au détriment des enfants ou de nos aîné.e.s.

La concentration des cuisines centrales et la logique industrielle appliquée à la préparation des repas multiplie les facteurs de risques, comme on peut le constater dans le cadre de l'usine Elior. Il semblerait que la source de ces multiples dysfonctionnements vienne justement d'une mécanisation mal maîtrisée des process industriels. Or la réponse de l'entreprise est qu'elle investit dans un usine encore plus grosse, avec des machines toujours plus sophistiquées. Il s'agit d'une course en avant guidée par la croyance selon laquelle la mécanisation totale de toute production est la mieux à même de garantir la qualité des produits. Le secteur de l'élevage souffre des mêmes mirages: l'accroissement de la taille des élevages en batterie multiplie le risque de maladies de animaux et les risques sanitaires alors même que ce sont les élevages qui utilisent le plus d'antibiotiques et qui affirment mettre en oeuvre des contrôles poussés de la "production".

Il est évidemment nécessaire que nous garantissions à nos enfants une alimentation saine et répondant à de hautes exigences sanitaires. Cependant, là ou la logique productiviste n'atteindra ces objectifs, c'est qu'elle repose sur une logique de concentration, de rationalisation des coûts et de rentabilité. Elle est d'ailleurs difficilement capable d'appréhender la santé alimentaire au delà d'une logique de risque bactériologique. Manger sainement, ne pas risquer de s'empoisonner, ce n'est pas manger des aliments sans goût, servis dans des barquettes et produits au moindre coût à partir de produits standardisés et importés.

Au contraire, il faut appliquer à la restauration collective la même transition que celle en cours dans les familles: revenir au bon sens, rapprocher les lieux de production et le lieux de consommation, associer quand on le peut les enfants à la préparation des menus et même les initier à la cuisine, privilégier des aliments simples, bons, locaux et de saison. Il faut que l'ensemble des acteurs de la restauration collective se remettent en question. Sinon on continuera à trouver des vis dans les cuillères qu'on tend à nos bébés.

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