Annie Lasorne (avatar)

Annie Lasorne

Abonné·e de Mediapart

200 Billets

8 Éditions

Billet de blog 1 mai 2011

Annie Lasorne (avatar)

Annie Lasorne

Abonné·e de Mediapart

Pas fête du travail, mais des travailleurs ! Et ce n'est pas gagné...

Annie Lasorne (avatar)

Annie Lasorne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi dit-on que c'est la fête du travail alors que c'est notre seul jour où officiellement, on ne peut nous obliger à travailler ou alors, il faut nous payer la journée double ? Et pourquoi est-elle associée au muguet ?

Petit retour sur l'histoire du 1er mai

Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200.000 travailleurs américains d'obtenir la journée de huit heures. Le souvenir de cette journée amène les Européens, quelques années plus tard, à instituer une «journée internationale des travailleurs» ou «Fête des travailleurs». Les principaux syndicats ouvriers des États-Unis s'étaient donné deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai parce que beaucoup d'entreprises américaines entamaient ce jour-là leur année comptable. Beaucoup de travailleurs obtiennent immédiatement satisfaction de leur employeur. Mais d'autres, moins chanceux, au nombre d'environ 340.000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder. Le 3 mai, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse, une bombe explose. Elle fait une quinzaine de morts dans les rangs de la police. Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité. Cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886. Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l'un des condamnés, Augustin Spies : «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui». Trois ans après, la IIe Internationale socialiste réunit à Paris son deuxième congrès. Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé). Jusque-là, il est habituel de travailler dix ou douze heures par jour (en 1848, en France, un décret réduisant à 10 heures la journée de travail n'a pas résisté plus de quelques mois à la pression patronale). Le 20 juin 1889, ils décident qu'il sera «organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d'appliquer les autres résolutions du congrès.

Le 1er mai 1891, à Fourmies, une petite ville du nord de la France, la manifestation rituelle tourne au drame. La troupe tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers. Elle fait dix morts dont 8 de moins de 21 ans. L'une des victimes, l'ouvrière Marie Blondeau, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée. Avec le drame de Fourmies, le 1er mai s'enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens.

La Russie soviétique, sous l'autorité de Lénine, décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par d'autres pays... L'Allemagne nazie va encore plus loin ! Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fait, dès 1933, du 1er mai une journée chômée et payée. La France l'imitera sous l'Occupation, en... 1941.

En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci symbolise la division de la journée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. Le triangle est quelques années plus tard remplacé par la fleur d'églantine. En 1907, à Paris, le muguet, symbole du printemps en Île-de-France, remplace cette dernière. Le brin de muguet est porté à la boutonnière avec un ruban rouge. Le 23 avril 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée. Les manifestations du 1er mai 1936 surviennent deux jours avant le deuxième tour des élections législatives qui vont consacrer la victoire du Front populaire et porter à la tête du gouvernement français le leader socialiste Léon Blum. C'est pendant l'occupation allemande, le 24 avril 1941, que le 1er mai est officiellement désigné comme la Fête du Travail et de la Concorde sociale et devient chômé. Cette mesure est destinée à rallier les ouvriers au régime de Vichy. Son initiative revient à René Belin. Il s'agit d'un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT (Confédération Générale du Travail) qui est devenu secrétaire d'État au Travail dans le gouvernement du maréchal Pétain. En avril 1947, la mesure est reprise par le gouvernement issu de la Libération qui fait du 1er mai un jour férié et payé... mais pas pour autant une fête légale. Autrement dit, le 1er mai n'est toujours pas désigné officiellement comme Fête du Travail. Cette appellation n'est que coutumière...

C'est pourquoi je vous offre, en ce 1er mai, une églantine, en souvenir de Marie Blondeau, que vous pourrez agrémenter d'un ruban rouge, si le coeur vous en dit et j'espère que vous n'oublirez pas que cette fleur est aussi appelée "gratte-cul" pour ne pas oublier que rien n'est jamais acquis !!!

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.