Dimanche dernier, la calme ville de province où j'habite organisait une chasse aux oeufs de Pâques pour les enfants, dans un grand parc public. Mes petits enfants, accompagnés de leurs parents s'y rendirent le coeur joyeux. Comme ils ont un peu la fibre écolo, les deux gamins 8 et 13ans allérent à vélo et les parents à pieds, pour faire un peu de sport à l'occasion, plutôt que de prendre la voiture. Super après-midi festive, sauf qu'au retour ma petite fille retrouva l'anti-vol de son vélo ouvert et plus sa bicyclette qu'elle avait reçu à Noel. Son grand frère, lui avait eu plus de chance, le sien était encore là. Ma petite fille était mortifiée et ses parents ulcérés car c'était le 4eme vélo volé dans la famille, entre le domicile, le collège du plus grand et là, le parc public. Petite délinquance ordinaire que chacun malheureusement subit un jour ou l'autre.
Je conseillais à ma belle-fille de porter plainte. Elle me répondit, fatiguée, que cela ne servait à rien puisqu'on ne lui avait jamais retrouvé aucun des vélos volés ! Je lui répondit qu'avec un tel laxisme, personne ne mesurerait la délinquence des vols et qu'en cas d'une perquisition quelconque, le vélo identifié avait plus de chance de lui être restitué et le voleur sanctionné.
Après les péripéties de l'affaire Cahuzac et certains des commentaires des lecteurs de Mediapart, je ne suis plus aussi sûre de mon coup et de ma morale citoyenne à deux balles. Entre les commentaires : "faute avouée, à moitié pardonnée" et les apitoyements sur l'avenir de ce pauvre Cahuzac, qui risquait de se suicider si on l'aculait trop dans les cordes, je réfléchis au sens moral et civique de mes concitoyens.
Donc ce soir, je vais prendre ma petite fille de huit ans entre quatre yeux et vais lui tenir ce discours : " J'ai bien réfléchis ma cocotte, ton biclo volé c'est pas grave... On va aller de se pas, ensemble, en chourrer un autre ! Cette nuit, on va partir en équipée, faire les cages d'escalier, les jardins isolés et la première bécane Décathlon qu'on repère, avec ou sans fleurs dessus, on s'la maraude vite fait, bien fait ! Une bonne pince coupante et vlan ! Le tour est joué, ni vu ni connu, j't'embrouille !"
Je sens qu'elle va me regarder avec des yeux de merlan frit, en se demandant si je ne déraillerais pas un tantinet. Mais il est vraiment temps que je reprenne en main cette gamine. sinon elle ne va jamais s'en sortir dans la vie et pour peu qu'elle se lance en politique plus tard... Je me rends compte avec effroi que ses parents et moi-même avons eu de grave lacunes dans notre système éducatif et il est peut-être encore temps de se reprendre.
Et si jamais elle me répond : "Mais Mamita, on risque de se faire gauler !" c'est déjà qu'elle est sur la bonne voie en matière de moralité et je lui rétorquerais derechef : " Mais ma poule, c'est pas grave ! Si on se fait alpaguer par les keufs ou le proprio, on se répendra en excuses bien dégoulinantes et baveuses. On repartira les mains dans les poches et deux ou trois jours après, on r'tente le coup, c'est tout !"
La connaissant, elle a de la répartie cette petite, elle va insister : "Mais Mamita, on va se retrouver au gnouf ! Enfin, surtout toi... " Et là, la mettant au parfum, j'la rassurerais : " Meuh non ! C'est fini tout ça... Maintenant, tu demande pardon, gentiment hein ! Tu pleures un peu, ça fait encore mieux et zouh ! T'es pardonnée, plus sanctionnée. Ah, mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'y t'apprenne aux écoles ? Ton ministre là, M'sieur Peillon, y devait pas vous r'mettre des cours de morale ? Pfff... C'est long le changement qu'il nous avait promis ! J'te jure..."
Et Madame Taubira, qui s'fait du souci... Mais elle va être première de la classe, à ce train là ! Des économies, elle va en faire la gueuse ! Plus besoin de prisons, plus besoin de tribunaux, plus besoin d'éducateurs spécialisés en primo-délinquants... On avouera - juste si on se fait chopper, hein ? - Et hop, on sera pardonné !
Tiens, regarder Mmme Bettencourt, elle a fraudé le fisc, nous sommes bien d'accord ? Et bien, prise elle aussi les mains en pleine fraude fiscale, elle a juste payé ce qu'elle aurait dû devoir. Et encore, rien n'est moins sûr... Et pouf-pouf ! elle est maintenant tranquille.
Mme Florence Lamblin, adjointe au maire du 13e arrondissement de Paris, du parti tout vert, a été mise en examen, pour blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs, tout ça parce qu'elle avait un tout petit compte en Suisse avec quelques patates dessus et qu'il serait vaguement question d'une histoire de cannabis. Elle aimait juste les plantes... Bertrand Delanoë, lui a suggéré de "tirer toutes les conséquences sur l'exercice de son mandat", estimant que l'affaire était "très très grave" (Oh ! la vilaine !) Elle a démissionné et payé ses impôts et voilà tout ! On va pas en faire un fromage, non plus... Les gens y disent : "Ben, elle a payé, on en parle plus..." Pis, elle a eu des regrets, hein ?
Liste infinie d'exemples à l'infini.
Tiens, voilà mes petits enfants qui rentre de l'école. "Hou, hou ! Les nains ! V'nez là, Mamita veut vous causer."