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Billet de blog 10 août 2012

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Au feu, au fou !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je voudrais ici présenter mes hommages respectueux et douloureux à celui, que les "autorités autorisées" s'arrogent avec l'arrogance qui les caractérisent, à traiter de fou. Quelqu'un qui tente de se suicider est forcément déséquilibré, n'est-ce pas ? Cet homme gît actuellement sur un lit d'hôpital avec de graves brûlures qui le font certainement souffrir le martyr et dont ils gardera sans doute des séquelles à jamais. Il a tenté de s'immoler par le feu en s'aspergeant la tête d'essence ou de white-spirit et en y mettant le feu avec un briquet. Ce qui augurait d'une mort très cruelle, à coup sûr. Les vigiles - car il y maintenant des vigiles dans les caisses d'allocations familiales - ont circonscrit le début d'incendie et la vie misérable de ce monsieur va pouvoir se poursuivre pour son plus grand malheur. On a bien entendu monté une cellule de crise psychologique en urgence, pour pallier à la douleur ineffable des pauvres employés de la Caf, traumatisés par cet acte insensé. L'agent payeur s'est fendu d'un communiqué relatant l'incident et le service public a fermé ces locaux 24h, pour pouvoir se remettre de ses émotions.

Si j'ai décidé d'écrire ce billet, c'est que je me sens très proche de cet hommes de 51ans, habitant la riante banlieue de Mantes-la-jolie. Je suis en totale empathie avec lui. J'ai aussi été confronté aux inénarrables tourmentes des zélés employés de la Caf (et autres administrations) en tant qu'allocataire du terrible RSA et bien qu'ayant toute ma raison, je comprends parfaitement le désespoir que l'on ressent lorsque l'on est privé de toutes ressources et ce depuis plusieurs mois ! Les ennuis s'accumulent en cascades, à une vitesse vertigineuse : perte de logement, descente infernale vers le statut de SDF, faim, humiliation sans nom, colère, impuissance, sentiment d'injustice. Vous n'imaginez même pas, avec toute votre sympathie ce que c'est que de tenter de survivre avec 418€ par mois, à moins d'y avoir été confronté. Non, ça dépasse l'imagination. On ne peut pas imaginer, il faut le vivre ! Alors, quand on vous supprime cette aumône depuis 3 mois, vous ne pouvez encore moins imaginer... Rien, nada ! Le vise sidéral en poche, vous ne savez pas, pour la plupart d'entre vous qui me lisez, ce que ça engendre dans la tête, dans les tripes. Cela bouillonne, c'est horrible, ça ne vous laisse aucune minute de répit, vous ne pouvez même plus dormir. Vous êtes en état de sidération douloureuse.

Si j'ai décidé d'écrire ce billet, c'est que je suis en colère. Une colère mêlée d'une infinie tristesse. Parce qu'en ce moment, des messieurs et des dames comme lui, il y en quelques millions en France, un des pays les plus riche du monde. Il y en quelques milliards de part le monde et je ressens physiquement leur peur panique, devant ce gouffre insondable.

Si j'ai décidé d'écrire ce billet, c'est que de bon matin en sirotant mon café, dans la chance que j'ai et que je mesure d'avoir un toit sur la tête, j'ai lu l'article et les premiers commentaires là : http://www.mediapart.fr/journal/france/090812/le-chomage-et-la-precarite-tuent?onglet=commentaires#comment-2409250

Mon café a pris un goût amer de bile. Me sont remontés toutes les cicatrices indélébiles de cette période, ô combien humiliante du RSA et son cortège de tracasseries stupides autant qu'inutiles et cruelles. Me sont revenus les emmerdes dans lesquelles je me débat depuis cinq mois avec ma caisse autiste de la Carsat (retraite de base de la sécu). Mais surtout l'insupportable pérorage des autorités concernées et quelques commentaires de gens bien intentionnés, m'ont collé la rage. Une envie de baffer, à tour de bras. L'impression que ce pauvre monsieur, on l'assassinait à nouveau !

J'ai enchaîné, quelques heures plus tard, sur l'article sur le RSA et la complainte abjecte de Martin Hirsch. La coupe était pleine !

Entre temps, comme j'avais réagit immédiatement, JJMU m'a envoyé un message, toujours sur tous les fronts JJMU ! Je me permets (ce que je ne fais jamais, habituellement) d'en reproduire une partie, parce qu'il cause bien, cet homme. Ce que votre écœurement dévoile, et, encore une fois, vous le dites très bien, c'est non seulement que chacun de nous a participé de près ou de loin à l'élimination physique d'un corps qu'on a trop tenu à distance de nous, mais, pire encore, que nous participons d'une seconde mort de cette personne en refusant de la prendre en charge, non pas en tant que personnes (nous ne connaissions pas cet homme) mais en tant qu'éléments du système qui a permis son élimination par lui-même. Je ne saurais dire mieux.

Je vais maintenant laisser mes états d'âme de côté et être pragmatique, en parlant de droit et de justice. La CAF, ses dirigeants, ses zélés employés et l'Etat (quelque soit le gouvernement) qui les chapeaute, sont en parfaite contradiction avec le droit constitutionnel, à mon humble avis. Quoi qu'il se passe, en France, quelque dettes que vous ayez, y compris saisies par huissier, on doit vous laissez bénéficier d'un reste à vivre, mensuel, équivalent justement, au montant du RSA. Donc, je voudrais comprendre comment on peut supprimer ce "reste à vivre" à quelqu'un et ce durant 3 mois ! Ce monsieur avait des droits acquis puisqu'il était déjà allocataire. J'ai bien constaté que ce droit n'était aucunement respecté puisque j'en ai été moi-même victime et que malheureusement nous sommes nombreux dans ce cas. Doit-on en appeler à l'arbitrage européen ? Puis que c'est maintenant eux qui décident, manifestement à la place de notre Assemblée Nationale et du Sénat, qui me semblaient garants des droits citoyens.

Nos dirigeants finissent de couler des jours heureux de vacances bien méritées à leur goût et un homme confronté à l'incurie administrative est sur un lit d'hôpital. Je ne doute pas un instant que son dossier va avancer fissa ! Maintenant. Fallait-il l'obliger à en venir à de telles extrémités ?  Fallait-il l'acculer à tant de désespoir ?

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