Je sais, le culte de l’individualité, de l’individualisme.
Terreur de notre contemporanéité. Oui mais.
Car le mais, indispensable à toute nuance, espérance, intransigeance.
Que de mots, que de maux ! Que de maux !
Moi, je. Je, moi. Lu, entendu. Jusqu’à satiété.
Mais. Le mais que j’adore.
Mais. Le moi sans l’autre. Existe-t-il ?
Triste rétrécissement de l’ego.
A ne plus voir, à ne plus savoir comment penser.
Parce que je me sens en danger ?
Parce que l’autre va me manger ?
Manger quoi ? Dites-moi. Manger quoi ?
La faim. La faim. L’estomac vide ne peut penser.
Le saviez-vous ? Vous en souvenez-vous ?
Non, la guerre ne pense pas aux estomacs vides
Non, la guerre ne pense pas. La guerre tue.
La guerre tue pour longtemps.
Pour longtemps la parole tue et s’est tue
Petite île de nos consciences en sommeil ?
Petite île de nos esprits embourbés, cadenassés ?
Petite île de nos certitudes faussement préservées ?
Mais vous êtes encerclés. Le savez-vous ?
Que dans la mer un cimetière est déjà là
Que dans la mer, nos semblables sont là
Que la mer n’avait pas demandé ça
Non, et le comble c’est qu’avec votre moi
C’est l’autre, cet autre là, qu’en vacances
Qu’en toute innocence, vous avez du regarder
Que vous avez du affronter, oui
Affronter votre moi, votre autre moi
Pas le même atterrissage, non
Pas le même abordage sur la plage
C’est indécent de vous voir en l’autre ?
C’est indécent ce mirage humain ?
Non, ce qui est indécent, c’est de ne plus voir
Que les frontières sont en nous
Que l’on nous somme d’ériger
Que l’on nous somme d’oublier
Qu’à frôler l’inhumain, le doute nous envahisse
Qu’à ne plus penser, ne plus se révolter
Notre ego, notre pauvre ego, si mal aimé
Dans le déni des nantis, se sera effondré