On discute… Chut, taisez-vous.
On discute, on réfléchit, on s’écoute, on est sérieux…
On discute… Les humains en mer, entre deux eaux, entre les vagues, entre les mots, entre les morts. En mer, le péril sous vos yeux…
Chut, taisez-vous, laissez-nous réfléchir
Les humains attendent, les humains, les enfants, les enfants qui ne comprennent pas, les enfants. Consoler les enfants. Protéger les enfants.
C’est beau la mer, c’est profond, c’est inquiétant, c’est long. Attendre, c’est long, c’est beau, c’est effrayant… le bleu, le ciel, l’horizon… L’infini, le fini, c’est bientôt fini…
Chut, taisez-vous,
Les humains se taisent, là sur le bateau, à espérer, à tenter d’espérer, de consoler… Les enfants. Les larmes dans l’eau, dans la mer, pour pleurer, en silence. En silence, les noyés…
Chut, taisez-vous,
Les hommes, les femmes… Bientôt, oui, bientôt, pourront atterrir. La terre, la mer, le supplice de l’attente. L’espoir qui tient, qui retient et s’épuise, au fond, tout au fond, de la mer…
C’est urgent, urgent, urgent… Urgent.
L’urgence pour ces corps. Qui n’en peuvent plus les corps.
D’être là, pour rien, pour n’être plus rien. Que des corps.
Qui s’épuisent. Qui s’amollissent. Qui gardent leurs mots, en silence, pour ne pas penser la mort.
Pas encore. Pas encore…
Les enfants d’abord. Les femmes, les enfants… Plus un souffle. Les yeux toujours plus grands, d’effroi. De terreur.
Ne sont plus humains. Non. Objets de rejet et de réflexion. Pour savoir si. Si oui. Si non. Si peut-être.
La vie, la mort ? Pouvoir sur la vie ? La mort qui guette, la mort qui gagne. La mort n’attend pas les mots. La mort accueille.
Chut, taisez-vous,
Ils se sont tus. Oui. Ils se sont tus. L’un après l’autre, en nombre, ils se sont tus.
Ne vous ont pas attendus, ne vous ont pas entendus…
… Messieurs ? Messieurs ?
Messieurs, pourquoi vous taisez-vous. Messieurs ?