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Billet de blog 25 juillet 2025

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Il faut vraiment que Aymeric Caron arrête de comparer les Juif·ves aux Nazis.

Que cherche vraiment Aymeric Caron avec un tel procédé qui n’apporte rien, sinon du poison, à la cause qu’il prétend défendre ? Qui pourrait être soudain convaincu de défendre la cause palestinienne grâce à une analogie aussi douteuse ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici ce que Aymeric Caron a publié sur son compte X, ces derniers jours : 

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    Si les mots peuvent aujourd'hui manquer pour dire ou dénoncer la situation à Gaza, cela ne justifie en rien d'utiliser une réthorique qui compare les Juif·ves au nazis.
Car il ne s'agit plus ici d'une critique ciblant un État: l’usage du mot « nazi » vise, consciemment ou non, l’identité juive elle-même.

Pour toute personne un tant soit peu sensée, cette comparaison devrait instinctivement apparaître comme profondément inappropriée.
Dès qu'on prend la peine d'y réfléchir un peu, l'indécence saute aux yeux.
Et pourtant, certain·es semblent prendre un malin plaisir à assimiler Israël au régime nazi et à imposer cette analyse, alors que ce type d'analogie n'est quasiment jamais mobilisé pour dénoncer d'autres crimes 

     Associer les Juif·ves aux nazis s'inscrit dans une vieille tradition antisémite : celle qui nie la spécificité (propre à chaque génocide) de la Shoah , accuse les Juif·ves d'être responsables de leurs propres malheurs, ou cherche à délégitimer leur souffrance en les présentant à leur tour comme des bourreaux.

    Instrumentaliser la Shoah de cette manière revient à humilier une population encore profondément marquée par ce traumatisme.
Et puisque la très grande majorité de cette population refuse à juste titre cette analogie, elle se retrouve aussitôt soupçonnée d'être "du mauvais côté".
Cette inversion volontaire, historiquement fausse et moralement perverse, ne fait que trahir la cause palestinienne.
Elle fracture délibérément le camp du soutien et l'empoisonne de l'intérieur.
Ces provocations pourraient être reléguées au silence qu'elles méritent, surtout en ces jours-ci, si elles n'étaient pas aussi toxiques et blessantes.

      Enfin, il serait malhonnête de dire que les propos d’Aymeric Caron visent «les Israélien·nes» et non «les Juif·ves». Les personnes qu’il cible sont israélien·nes, mais aussi juif·ves.

     Certaines attaques ne peuvent être dissociées de l’identité des personnes attaqué·es. La décence impose de tenir compte du contexte.
Certaines insultes prennent un sens particulier lorsqu'elles visent une communauté historiquement persécutée.

   Évidemment, et ce malgré la loi fondamentale adoptée en 2018 sous l’impulsion de Netanyahou, qui proclame Israël comme « l’État-nation du peuple juif », Israël ne constitue ni « la terre des Juif·ves » au sens universel, ni la représentation de l’ensemble du peuple juif. Mais il serait illusoire d’ignorer les liens profonds qu’entretiennent beaucoup de Juif·ves, y compris parmi les plus critiques, avec un pays dont environ 70 % de la population est juive, souvent issue de l’exil, de la persécution ou de la Shoah.

     Dans l’imaginaire collectif, Israël est associé au Juif·ves. 
Et manifestement, Aymeric Caron le pense aussi, puisqu’il affirme lui même qu’Israël bénéficierait de faveurs en tant qu’«État juif».

Si chacun·e de sensé·e sait que les juif·ves ne devraient pas avoir à souffrir de la politique israélienne plus que n’importe qui, comment ne pas comprendre que l’analogie avec les nazis provoque chez certain·es, et uniquement chez des juif·ves,  une douleur sincère, non instrumentalisée, liée à une histoire subie ? Et cela indépendamment de ce qu’ils pensent de la situation à Gaza et en Palestine. Même absurde, cette comparaison peut réactiver un traumatisme que nous devrions tou·tes avoir à cœur d’épargner.

Publier à grand fracas des posts sûrement inutiles sur X, sans prendre en compte “l’autre”, et l’exclure ainsi de sa pensée,  c’est manquer cruellement d’humanisme.
Et ce, quel que soit le combat ou le contexte.

Notre époque mérite au minimum réflexion, écoute et réponse.

Le refus systématique  d’accepter les affects qui ne sont pas les nôtres et même parfois les biais qui en découlent, cela va rebours de ce qu’il faudrait inventer aujourd’hui dans nos sociétés. 

Si plus personne ne fait l’effort d’avoir un peu de l’autre en soi, alors rien n’ira en s’arrangeant.


   « Ils ne nous pardonneront jamais le mal qu'ils nous ont fait »
        Phrase d'un rescapé juif exilé dans Welcome in Vienna - Santa Fé (1986), d'Axel Corti

    Quand on sait qu'Aymeric Caron a pour porte-parole de son mouvement politique (REV) Azelma Sigaux, qui a défendu son père qui s'était déguisé en déporté pour remettre un prix au négationniste Robert Faurisson sur la scène du Zénith, lors d'un spectacle de Dieudonné;

..quand on se rappelle qu'il a justifié le meurtre d'llan Halimi, qu'il a défendu Emilie Gomis, relayé sur X des comptes antisémites et des fakenews sur Israël à de nombreuses reprises;

..quand on sait qu'il vient tout juste d'affirmer sur X que si Israël peut agir en toute impunité, c'est parce que c'est un «État juif» …

... alors, on peut légitimement se demander si Aymeric Caron saura un jour pardonner aux Juif·ves la haine qu'il leur voue encore
aujourd'hui.

        Quoi qu'il en soit, pour sortir de telles inepties en toute impunité, il faut croire qu'être sous la houlette de Jean-Luc Mélenchon aide beaucoup.

    Ce dont je suis certaine, c'est que tout cela ne rend service ni à la cause palestinienne, ni à ce qu’il reste du Nouveau Front populaire, ni à une gauche française déjà suffisamment divisée.

Ansa Bedinger

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