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Député européen La France Insoumise, groupe The left, Inspecteur du travail, CGT, Docteur en Science Politique, auteur "918 jours le combat d'un Inspecteur du travail"

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Billet de blog 3 novembre 2023

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Accidents du travail : « Pour une politique zéro mort ! »

En Europe, la France fait partie des pays où l’on meurt le plus au travail, avec 3,32 accidents mortels pour 100 000 personnes en activité (données Eurostat). Deux morts par jour, plus de 600 000 accidents du travail par an. Le constat est terrible. Derrière ces chiffres, il y a des vies perdues ou blessées à jamais.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Je reproduis ici la tribune que nous avons co-écrite avec Fabienne Bérard, Caroline Dilly (coprésidentes de l’association Collectif familles : Stop à la mort au travail) et Matthieu Lépine (professeur d’histoire et géographie, auteur de « L’Hécatombe invisible. Enquête sur les morts au travail ») et initialement publiée dans le journal Le Monde

En Europe, la France fait partie des pays où l’on meurt le plus au travail, avec 3,32 accidents mortels pour 100 000 personnes en activité (données Eurostat). Deux morts par jour, plus de 600 000 accidents du travail par an. Le constat est terrible.

Mais derrière ces chiffres, il y a des vies perdues ou blessées à jamais. Il y a aussi les vies brisées de familles laissées souvent seules face aux enquêtes, à la justice, aux institutions.

Les mobilisations du 28 avril, Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, ont permis de visibiliser et d’informer, encore timidement, sur cette « hécatombe invisible » des accidents du travail. Avec les organisations syndicales de salariés, nous y participons de toutes nos forces.

Mais il faut faire plus et plus vite. Nous défendons l’urgence d’affirmer et de mettre en œuvre une politique « zéro mort au travail ».

Le ministre du travail Olivier Dussopt a annoncé pour la fin septembre « une grande campagne de sensibilisation » sur les accidents du travail via des spots visibles sur différents supports (télévision, radio, affiches, réseaux sociaux). Personne ne peut trouver à y redire. Mais il serait faux de croire qu’une opération de communication permettra d’apporter, sur le terrain, une réponse suffisante et pérenne à la lutte contre les accidents du travail si elle n’est pas accompagnée de mesures d’urgence et d’un plan sur le long terme.

Des mesures d’urgence d’abord, en donnant aux familles dès le début des procédures une information et un droit d’accès aux éléments de l’enquête et en indemnisant de façon complète les victimes d’accidents et leurs ayants droit. Il faut aussi (re)construire un droit pénal du travail, actuel parent pauvre des tribunaux, en pénalisant fortement le non-respect des principes de prévention du code du travail, en n’hésitant pas à dire qu’un employeur qui ne respecte pas les lois du travail est un « délinquant », voire pire encore.

Les comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doivent être restaurés dans les entreprises, eux qui ont été supprimés par les « ordonnances Macron » de 2017, et qui manquent tant dans la lutte contre les accidents du travail.

Enfin, il faut renforcer les prérogatives des inspectrices et des inspecteurs du travail en étendant (aux situations de dangers graves et imminents, aux expositions à des fortes chaleurs…) le champ des dispositifs d’arrêt d’activité permettant de retirer un salarié d’une situation dangereuse, comme cela existe en cas de risque de chute de hauteur dans le BTP.

Des mesures sur le long terme doivent être mises en place ensuite, en faisant de la prévention des risques et de l’éducation à la santé, à la sécurité et à l’amélioration des conditions de travail un élément déterminant de la relation de travail dès l’apprentissage, dès l’école où des stages en entreprise s’organisent en classe de 3e.

C’est un travail essentiel pour sortir des stéréotypes selon lesquels l’accident du travail serait « la faute à pas de chance » ou, pire, la faute de la victime. Bien qu’obligatoire depuis 1992, l’évaluation des risques professionnels reste souvent considérée en entreprise comme une « formalité administrative de plus », alors qu’en 2021 on a décompté 105 000 accidents du travail chez les moins de 25 ans, dont 12 094 pour les apprentis, selon la Caisse nationale d’assurance-maladie.

Le long terme, ce sont aussi des moyens pour tous les services qui concourent à la prévention des risques au travail tels que la médecine du travail, les services de prévention des Caisses d’assurance-retraite et de santé au travail (Carsat), l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP)…

L’indigence doit aussi cesser à l’inspection du travail pour permettre d’atteindre à terme 4 000 agents sur le terrain, contre moins de 1 700 aujourd’hui, et alors qu’un quart des secteurs de contrôle en France (446 sur 2018) sont actuellement vides de tout inspecteur titulaire. Il est temps d’agir.

Fabienne Bérard et Caroline Dilly sont coprésidentes de l’association Collectif familles : Stop à la mort au travail ; 

Matthieu Lépine est professeur d’histoire et géographie, auteur de « L’Hécatombe invisible. Enquête sur les morts au travail » (Seuil, 224 p., 19 €) ; 

Anthony Smith, responsable syndical au ministère du travail, auteur de « 918 jours. Le combat d’un inspecteur du travail » (Arcane 17, 140 p., 13 €)."

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