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Anthony Smith député européen LFI

Député européen La France Insoumise, groupe The left, Inspecteur du travail, CGT, Docteur en Science Politique, auteur "918 jours le combat d'un Inspecteur du travail"

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Billet de blog 7 février 2025

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L’arlésienne du droit d’enquête européen

Si le droit d’enquête semble fonctionner au sein du Parlement français, ce même droit qui existe au sein du Parlement européen, reste bloqué depuis des années par le Conseil et la Commission. Je tente au sein de la Commission des affaires constitutionnelles (AFCO) où je siège comme député de mon groupe The Left / La Gauche au Parlement de mener la bataille sur ce sujet.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Un acquis des dernières années parlementaires en France est certainement d’avoir permis de susciter à nouveau un intérêt pour le fonctionnement de nos institutions. Personne n’a par exemple oublié les frasques de « l’affaire Benalla » et de son audition devant la commission d’enquête du Sénat, malgré les tentatives de la macronie pour l’empêcher.

Le droit d’enquête est un outil parlementaire essentiel d’information et de contrôle. Il l’est d’autant plus au sein du Parlement européen qui est, au niveau de l’Union européenne, la seule instance directement élue par les citoyens. Il permet aux parlementaires de « mettre sur la table » et de visibiliser des sujets majeurs, souvent dissimulés ou oubliés, avec la possibilité à terme qu’ils donnent lieu à des avancées législatives et/ou judiciaires. Il permet également à la « société civile » de symboliquement rentrer dans le Parlement pour porter haut et fort des combats essentiels : lanceurs d’alerte, syndicats, associations, organisations non gouvernementales sont autant d’acteurs de terrain qui permettent aux parlementaires de se saisir d’un sujet au travers du droit d’enquête.

Le Parlement européen dispose également d’un droit d’enquête, établi et défini dans les traités depuis plus de 30 ans afin d’examiner « les allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit communautaire ». Mais les dispositions qui l’encadrent, négociées à l’époque par la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne (composé des ministres des 27 États membres) et le Parlement européen réduisent ce droit à peau de chagrin, limitant les prérogatives d’enquête.

L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009 a vu la réforme du droit d’enquête du Parlement européen, puisqu’il appartient désormais à l’institution elle-même de définir les modalités de fonctionnement de ses commissions d’enquête. Il s’agit de l’un des trop rare cas où le Parlement dispose seul du pouvoir d’initiative pour proposer un Règlement pleinement contraignant adopté en session plénière, après approbation de la proposition par le Conseil de l’UE et la Commission européenne.

En 2012, le Parlement a présenté une proposition de Règlement préparée et négociée en interne pendant trois ans. Cette proposition élargissait et renforçait considérablement le pouvoir d’enquête du Parlement : audition de membres des institutions européennes et des gouvernements des Etats membres, convocation des témoins et droit d’obtention de preuves de la part de résidents de l’UE, y compris fonctionnaires européens ou nationaux, accès aux documents, et conduite d’enquêtes sur place… La proposition avait également prévu des sanctions si des témoins refusaient d’être auditionnés, si des documents demandés n’étaient pas transmis, ou encore en cas de faux témoignage ou de corruption de témoin. Cette proposition solide permettait enfin au Parlement européen de disposer d’un droit d’enquête digne de ce nom. Elle est restée lettre morte.

Député européen depuis les dernières élections européennes j’ai intégré la commission des affaires constitutionnelles (AFCO dans le jargon de l’UE) où je participe aux réunions pour mon groupe The Left - La Gauche au Parlement sur le dossier du droit d’enquête européen.

La situation que j’ai découverte est ahurissante et symptomatique des dysfonctionnements de l’UE. Depuis plus d’une décennie, le Conseil rejette toute proposition et refuse catégoriquement de négocier empêchant ainsi le Parlement européen de jouir d’un droit établi dans les traités. De son côté, et sans surprise, la Commission von der Leyen reste inerte.

Je porte donc la bataille dans cette commission pour tenter de faire vivre réellement le droit d’enquête du Parlement européen. Une issue possible serait d’accentuer la pression sur le Conseil de l’UE et la Commission européenne en saisissant la Cour de Justice de l’Union Européenne pour faire reconnaitre l’entrave manifeste au droit européen que constitue leurs pratiques. Mais le risque est grand qu’une majorité des groupes du Parlement européen, à commencer par la droite et l’extrême-droite, se mettent d’accord sur le choix du requiem qui accompagnera une fois de plus l’enterrement du droit d’enquête. Les prochains mois seront décisifs sur ce dossier pour tenter de faire vivre le droit d’enquête du Parlement européen.

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