Alors que se joue le tout pour le tout, y a-t-il place à la tribune pour du rien ? Un interstice où témoigner de « la tendre indifférence du monde » ?
A marée basse, au moment où les eaux rabougries se renversent.
A peine une brise, le murmure du flot initial que consent l’océan. Évènement inaperçu du haut lointain de la plage où les pas se noient dans le sable, tiède encore et propice à l’abandon un soir d’azur. Enfin. Et la mer brasille. Les vagues sans envergure s’étagent encore à l’écart des lisières de l’estran cabossé de l’autre marée. Empreinte de la mécanique céleste à jamais perdue lorsque viendront à nouveau s’y lover les eaux.
Sous les pas du marcheur, le zone humide est une surface rapide. De très petits oiseaux courent comme ils pépient, comme dans l’urgence.
Petit coefficient. Il faudra des heures pour que les éventails d'écume reconquièrent médiocrement le territoire toujours perdu toujours repris. Et repris un peu plus à chaque respiration.
Parfaitement prévisible dans sa régularité, la montée des vagues reste aléatoire en puissance : la vaste étale annonce la suivante qui pourtant est plus courte. L'enfant qui joue avec la vague parie sur son énergie et sur la rapidité de l’esquive. "Tu vas mouiller tes chaussures!".
Pourquoi alors ne pas se déshabiller les pieds et se mêler à la victoire du flot ? Pourquoi ne pas se joindre à l’éloquence médiocre et inoffensive de ce mascaret ? Pourquoi rester à guetter au détour des cadrans l’instant où les eaux à nouveau rétractées laisseront le champ libre à des marées joyeuses ?