Quand on parle de religion aux Etats-Unis, vu de l’Hexagone, c’est souvent pour souligner les dérives des extrémistes chrétiens et les innombrables sectes protestantes, l’insidieux puritanisme, cet avatar religieux qui s’immisce dans les comportements quotidiens sous une forme atténue, sans vraiment dire son nom et dont les frustrations ainsi générées rejaillissent souvent au moment où on s’y attend le moins (probablement un des aspects les plus surprenants de la culture américaine, auquel on se s'habitue pas) voire l’intolérable collusion entre l’Eglise et l’Etat alors que leur séparation est pour nous un acquis (ce qu’on a tendance à prendre pour une règle universelle alors qu’elle ferait plutôt figure d’exception).
Combien d’articles sur le renouveau des sectes américaines ou l’effroyable percée de la Scientologie ? Combien de polémiques sur les déclarations du Révérend White et de leurs conséquences sur la campagne d’Obama ou le fait que George Bush commence les réunions du National Security Council par une prière ? (le mélange religion/politique étant pour nous, français, un crime de lèse-majesté). Combien de reportages sur les télévangélistes qui vendent la religion avec autant de facilité que nous les Français, nous vendons des antidépresseurs ? (aucun lien)
Bon oui, c’est vrai tout ca. Je ne le nierai pas. Il suffit de faire un tour au sud de la Bible Belt pour comprendre l’étendue des dégâts : Les arguments religieux qui sous-tendent presque tous les choix politiques. La présence religieuse comme seul vecteur social. Dans un pays à l’urbanisme quasi inexistant - le concept du « strip mall » tant quand même le degré zéro de l’organisation urbaine - on se charge tout de même de vous faire comprendre que l'(es) église(s) sont le centre de la vie rurale (ex-æquo avec le Taco Bell). Ce dont on ne parle jamais pas contre, ce sont des aspects positifs des clochers qui composent un paysage différent de celui que connaît l’hexagone en ce domaine. Une extrême tolérance vis-à-vis de tous les courants, fractions, factions, cultes et sous-cultes. Pentecôtistes, Méthodistes, Adventistes, Luthériens, Episcopaliens, Evangélistes … Bref, de quoi donner le tournis à la protestante française que je suis – à peine un million de paroissiens si on tire sur les statistiques, quasiment tous regroupés sous la même bannière, celle de l’Eglise Reformée. Parce que l’Eglise américaine c’est aussi un dynamisme incroyable des églises et de leurs membres, dans toutes sortes d’actions bénévoles et de volontariat… Un rôle d’intégration auprès des populations « fresh off the boat »… Un rôle de relais dans les quartiers, riches ou pauvres, là où aucune structure étatique n’existe… Des phénomènes culturels comme celui des chanteuses de pop chrétienne, catapultées Rock Star pour avoir déclamé leur amour et leur foi en Dieu sur un beat country (pas que je sois particulièrement fan, mais je trouve ça fascinant que ça existe et que ça cartonne)… Des églises qui célèbrent la Gay-Pride à grand coups de drapeaux multicolores et de slogan incitatifs. Bref, c’est une manière de vivre la religion que nous avons perdu… ou que nous n’avons jamais eu.