Par un hasard du calendrier, je viens de revoir à quelques jours d’intervalle, deux films-phare des années 90 et emblématiques des égarements d’Hollywood aux plus grandes heures des films à gros budgets.
Le premier met en scène un président américain en « bombers » décidant de sortir de son bureau ovale pour reprendre un avion de chasse trop longtemps délaissé dans le but affiché d’aller peter la gueule à une race extra-terrestre venue nous envahir (symbolisée par des soucoupes stationnaires et menaçantes). Le tout affublé d’un discours dégoulinant sur l’indépendance et de la lutte pour la liberté qui restera dans les annales de la rhétorique de comptoir.
Le second met en scène un président bâti à coups de valeurs morales indécrottables, mais qui sait aussi rester proche de sa secrétaire. Celui qui défend sa patrie et sa famille avec la même intensité qu’un doberman refusant de lâcher son os. Cette fois-ci les méchants, ce sont des terroristes… kazakhs (qui sont probablement ce que l’on fait de plus lointain et inconnu sur notre planète, non ? On est donc pas si loin des extra-terrestres) et dans une certaine mesure, les trouillards en costume à Washington qui ne se lèvent pas de leur confortables fauteuils capitonnés pour mettre au point les stratégies les plus improbables et sauver la nation de cet immonde chantage. Parce que c’est bien connu, les Etats-Unis ne négocient pas avec les terroristes. Déjà pas en ces temps-la. Bref, pas besoin de drapeaux américains pour voir le patriotisme s’immiscer sur - voire inonder- l’écran en images subliminales. Ou si peu d’ailleurs.
Dans les deux films, respectivement produits en 1996 et 1997, on trouve d’autres points communs. Le président a toujours une fille en bas âge qui autorise un petit laïus mélo sur le thème « le plus fort c’est mon père ». Les deux films montrent à un moment, quand il ne s’agit pas directement de cadre principal du film, les gadgets technologiques qui font la fierté du pays, au premier rang desquels l’avion du Président d’où il peut- et cela sera répété jusqu’à la nausée, diriger tout le pays. On y retrouve aussi une idée un peu gênante: celle, en ultime recours, du devoir sacrificiel de l’américain moyen (Russel Casse, joué par Randy Quaid dans Independence Day) ou du conseiller loyal (Le General Caldwell joué par William Macy dans Air Force One) pour sauver la mission ou la figure présidentielle elle-même.
Bref, de Harisson Ford-la mèche en bataille, à Bill Pullman-le brushing parfait, le job de président US c’est avant tout celui d’incarner des valeurs – ténacité, courage, justice, abnégation (confinant parfois à la connerie, certes, mais pour une bonne cause… la défense du bien supérieur, de la démocratie voire la survie de l’Humanité). Le président doit surtout inspirer. Inspirer ses conseillers, ses compatriotes, ses enfants et c’est dans ce rôle de modèle de droiture où il excelle tant qu’il finira par s’imposer sur les méchants. Pour reprendre une expression très en vogue dans la campagne actuelle, c’est le genre de mec que l’on veut avoir pour décrocher le téléphone à 3h du matin et gérer une crise diplomatique - ou une menace planétaire - parce qu’on sait qu’il saura quelles mesures prendre (même saugrenues) et qu’il aura des dizaines de fidèles qui le suivront dans son plan dément, par amour de leur patrie et respect de sa personne.
C’est peu dire que ces films ont vieilli. A vrai dire, on se demande parfois comment ils ont pu, un jour, résonner dans le cœur des Américains (et des autres d’ailleurs) et engranger des millions au box-office. Alors d’accord, je vous l’accorde, on n’a pas besoin de trouver ca plausible pour aimer (surtout les extra-terrestres exterminateurs. Qu’on se rassure, je n’y crois pas) et le box-office s’accoquine aujourd’hui de plus en plus avec les super-héros (Ironman, Spiderman, Hulk, Transformers et autres). Cela ne se veut donc pas complètement réaliste - il y a pour nous le rappeler, une femme vice-présidente qui tient tête à des généraux rebelles (impensable !) - mais pas complètement impossible non plus. Nos deux présidents ne sont pas faits de combinaisons en latex ni de plaques d’acier amovibles à souhait, que je sache….
Mais alors comment la fonction présidentielle a-t-elle pu tomber en désuétude en seulement 10 ans ? Voyons voir… en 10 ans, il y a eu des méchants bien identifiés (Al Qaeda) mais qu’il faut un peu plus de 1h30 de film pour capturer. Il y a eu une tentative de répondre à une agression directe aux conséquences planétaires (11 Septembre) avec une solution un peu hâtive, bricolée sur le moment (Guerre en Irak) mais qui n’a pas miraculeusement marché, comme quand c’est Harrison Ford qui le fait. Il y a eu un manque chronique de justice et de droiture (violations du droit international, scandale de Guantanamo et d’Abu Ghraib). Il y a même eu des scandales familiaux avec ses filles remettant en question la figure présidentielle dans son rôle de père. Ah oui, sur 10 ans, il y a en eu 8 de « Bushisme ». Cela n’aura pas seulement fait durablement mal à la fonction présidentielle en soi, mais aussi clos le chapitre d’un style cinématographique hollywoodien des plus rentables, celui du président-héros. Ironman, Spiderman et Hulk devraient le remercier. C’est surement grâce à Bush qu’ils ont aujourd’hui autant de succès… et qu’Harrison Ford peut aller se coucher.