Linguistique malade d'un petit roi mondial.
Le mot "pas" a la même étymologie dans ses deux acceptions.
Ouais je sais ça troue le cul.
J'explique quand même pour les deux du fond.
Jadis, dans notre belle langue, la négation était économe, elle se contentait d'un mot : "ne". Qui refusait de marcher disait "je ne marche".
Rien de plus simple. Peu d'ambiguïté.
Le mot "pas" (du latin passus) signifie "pas", comme dans "je marche un pas".
"Je ne marche pas", à l'origine, c'est donc de l'emphase. C'est "je ne marche" auquel on ajoute pas.
Euh si, on y ajoute "pas".
Et ça signifie : "non, je ne marche [même pas] un pas".
Sur le même principe, "je n'écris point", "je ne dis mot", "je ne vois goutte".
Ici il est important de noter que si "pas" avait eu à l'époque son rôle de négation actuel, la phrase aurait signifié "je ne non-marche" et donc, "je marche". Ce qui en terme d'emphase est contre-productif au possible. Et que c'est donc parce que le mot "pas" avait une signification positive qu'il a pu servir à l'emphase de la négation et permettre cette merveilleuse innovation linguistique.
Or c'est le propre des noms communs que d'avoir une signification positive. Et cette nouvelle méthode permettait de tous les utiliser, et ainsi de graduer son propos.
Par exemple, une chenille étant beaucoup plus aisée à poursuivre qu'un chat, "je ne poursuis chat" est manifestement moins emphatique que "je ne poursuis chenille". ("Je ne poursuis liberté" est juste obscur.)
Sur le même principe, "je n'admire loutre" (animal éminemment admirable) est beaucoup plus emphatique que "je n'admire hippocampe" (animal au nom désopilant mais à la fourberie légendaire, et on admire peu les fourbes).
Quelle richesse s'offrait ainsi au locuteur ébahi !
Mais c'était sans compter sur sa paresse.
"Pas" servant d'emphase dans "je ne marche pas", le locuteur, paresseux donc, se dit qu'il pouvait ajouter de l'emphase, en employant non pas cette méthode authentiquement nouvelle et riche, mais plutôt avec ce simple "nouveau" mot : "pas".
Ce qui pose question, forcément. Parce que pourquoi pas ?
Pardon, pourquoi "pas" ?
Est-ce que marcher était le truc le plus important que quelqu'un pouvait refuser de faire ? La question restera en suspens.
Car l'usage emphatique se répandant, l'expression simple de la négation s'est vue devenir la version faible, puis la version incorrecte, de la désormais seule négation valable, la double. "Pas" a ainsi pris son sens actuel de négation : "pas"="ne" (ou plutôt, ancien "ne"= nouveau "ne+pas").
Ô miracle, "je ne marche pas" signifiait donc désormais "je ne marche pas".
Ce qui marchait très bien jusqu'à ce que, la paresse faisant à nouveau son œuvre, le locuteur (encore lui) se mette à dire "je marche pas". (Ce qui littéralement, devrait signifier, "je marche [un] pas." Et donc "je marche". Mais il n'a échappé à personne que ça signifie précisément le contraire.)
Et nous voilà ainsi revenus à notre point de départ, une négation économe, qui se contente d'un mot : "pas".
Qui refuse de marcher dit : "je marche pas".
Et du coup, "je ne marche pas", c'est de l'emphase.
Ouf.
Je suis content d'avoir tiré tout ça au clair. Avec mon usage libéral des négations diverses, j'avais peur qu'on y comprenne loutre (mot éminemment compréhensible).