Notre société surexposée aux médias, à l'information-toute-faite, à l'opinion-prête-à-adopter, aux images, aux pures-players, aux videos courtes et aux embedded à tout va se déconnecte toujours plus de la réalité en même temps qu'augmente cette orgie de consommation anesthésiante pour nos cerveaux.
Après un meurtre par arme à feu en direct à la télé américaine, repris en boucle sur toutes les plateformes de vidéo et les réseaux sociaux, nous sommes aujourd'hui face à une autre image terrifiante. La problématique de la prolifération des armes à feu aux USA nous protégeaient car lointaine. Jusqu'à aujourd'hui...
Aujourd'hui s'étale devant nous, en Une des journaux, sur les réseaux sociaux, en boucle sur les chaines d'info en continue, l'horreur d'un corps d'enfant sans vie sur une plage. Tous nous racontent l'histoire du petit Aylan, 3 ans, mort (ainsi que son frère) d'avoir tenté de franchir une frontière !
Cette frontière c'est l'Europe, c'est la nôtre. Des milliers des réfugiés fuient la Syrie, et d'autres régions du globe en guerre, victimes de persécutions pour espérer trouver la liberté en Europe. Ils sont des milliers à avoir déjà perdu la vie dans les eaux bleues de la mer Méditerranée.
Le tout dans une indifférence la plus totale. Nombreux sont celles et ceux qui se sont élevés devant ce drame. Mais les français restent majoritairement opposé à leur accueil. Chaque journal y va de son sondage, mais le résultat est globalement le même.
On trouve même certains commentaires affligeant du style "il faut couler ces bateaux". Ils sombrent déjà tout seuls, causant de telles pertes !
"Refugees welcome" : une voix commence à s'élever en Allemagne, et essaime en France, avec ce slogan. Vivement les centaines de milliers de personnes aux rassemblements parisien alors !
Bref, pas une franche mobilisation de l'opinion publique pour le sujet. La hongrie elève un mur, comme au bon vieux temps, à sa frontière serbe. Sans que ça émeuve autant qu'il se devrait à l'ouest de l'Europe.
Mais voilà, ce soir du 2 septembre 2015, et le matin qui s'en suivra, le monde aura VU l'horreur. Tous nous aurons partagé cette photo insoutenable en y allant de notre petit commentaire indigné.
Il aura fallu attendre que ce soit un enfant de 3 ans qui trouve la mort ? Non, parmi les milliers de morts que cette traversée dénombre déjà, femmes et enfants sont parmi les victimes. Serait-ce aussi simple que parce qu'un photographe passait par là, il a pris ce fameux cliché. Tout simplement ?
Je laisserai le soins aux journalistes de nous livrer leurs investigations sur l'origine de la photo. Mon propos ici est plutot de faire tristement le constat suivant:
L'Europe, et la voix de quelques extrémistes qui prônaient la peur de l'étranger et le repli sur soi nous rendaient sourd à la misère et la détresse sociale la plus évidente. Boulevard de la Chapelle, ou le quai d'Austerlitz ne sont pas les confins de la Méditerranée ! Hier encore, des milliers d'hommes et de femmes trouvaient la mort en essayant de rentrer en Europe, pendant que nous regardions ailleurs!
Et aujourd'hui, la France va se réveiller, indignée contre cette injustice. Tout comme il aura fallu un terrible attentat en janvier pour que d'une seule voix elle s'élève pour la liberté d'expression (puis de la payer très cher en liberté individuelle).
Sommes nous à ce point aussi malléables que nous ne puissions pas nous faire par nous même une opinion, et de prioriser nos combats. Les médias sont-ils coupables de banaliser, voire passer sous silence certaines actualité (-"un énième bateau de migrant qui à coulé" -"pfff encore, un! C'est nul les français vont en avoir marre. Tiens regarde, c'est la rentrée. Viens on va interviewer des enfants...")
En quelques heures, une image apparait et fait le tour du monde. Les anti-Schengen se turent (espérons à jamais) et tous nous nous trouvâmes émus. Je n'y ai pas échappé, la piètre qualité de cet article en témoigne.
N'attendons plus de voir ce genre de photo en pleine page ! Les combats qui sont justes et humains sont les nôtres ! Empressons-nous de les mener !