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Médiacrate, ou comment buller en étant payé
Les bulles de savon ont cette caractéristique : plus on les souffle d’air, plus elles sont belles, rondes, grandes et montent au ciel. Jusqu’à exploser. Le vide les remplit et les fait grossir. Une bulle de savon peut être jolie, distrayante et même poétique. Là s’arrête alors la comparaison avec les bulles d’eau croupie dont nous gratifie un système médiatique où l’esprit de mouton des petites mains fait effet multiplicateur des mouvements d’intérêts des puissants qui le contrôle. La dernière en date : Sophia Chikirou. C’est sa semaine. Pourquoi ? Un numéro du magazine « Complément d’Enquête », qui décidément aime bien se payer les femmes de gauche qui ne baissent pas les yeux, sur la députée de Paris. Très bien. Et ? Et rien d’autre. Tous ce que vous lisez dans les papiers, ou entendez sur les plateaux ou voyez sur Twitter, n’est pas neuf. Les accusations proférées contre Sophia Chikirou en particulier, ont déjà été proférées, une, deux, trois fois. Elles ont déjà été démenties, arguments à l’appui, une, deux, trois fois.
Les préliminaires peuvent durer trop longtemps
Et pourquoi ? Parce qu’à la source de cela il y a une enquête judiciaire. Enfin une enquête. En tous cas une procédure. On ne sait plus comment appeler une telle chose, tant il apparait que le but n’est ni de vérifier sur la base de doutes raisonnables, ni d’aboutir à un procès mais plutôt d’étirer dans un temps infini un feuilleton à charge contre les insoumis. Ainsi va la vie du journalisme politique français désormais, sautant d’une polémique montée de toutes pièces contre la gauche à une autre, de l’islamogauchisme au wokisme, du ballon de Thomas Portes à Médine et de l’écoterrorisme à Sophia Chikirou. Le 29 mai 2018, donc, on apprenait l’ouverture d’une enquête préliminaire sur les comptes de la campagne de 2017. 4 mois plus tôt, pourtant, la Commission Nationale des Comptes de Campagne (CNCCFP) validait ces comptes en soulignant l’absence totale d’irrégularités, après avoir épluché facture par facture pendant plusieurs mois. Depuis le 29 mai 2018, se sont écoulés 1955 jours. 3 juges différents se sont succédés. Des perquisitions ont eu lieu aux domiciles personnels de plusieurs dirigeants insoumis ainsi que d’autres militants et au siège de La France Insoumise et du parti de gauche. Des policiers ont interrogé pendant des dizaines et des dizaines d’heures de nombreux responsables. Mais en 1955 jours, il n’y a pas de personne inculpée, pas de procès.
Les factures imaginaires
Qu’il y a-t-il donc de si compliqué pour qu’en 1955 jours, cette enquête ne soit toujours pas terminée ? On parle bien de la campagne présidentielle la moins chère parmi les 5 premiers candidats de 2017. D’une campagne pour laquelle le remboursement pas l’État n’a pas été demandé au maximum, faisant faire une économie de 1,6 millions d’euros au contribuable français. Les accusations de « surfacturations », introuvable donc dans les chiffres, avaient d’ailleurs été qualifiés d’« élucubrations » de la part du président de la CNCCFP. Qu’en est-il de Sophia Chikirou plus précisément puisque c’est elle la cible du moment ? Je me répète, tous ce que je vais écrire maintenant n’est que la reprise d’arguments déjà mis en circulation lors des épisodes précédents du feuilleton. Médiascop, la société de communication est accusée d’avoir fait payer trop cher. Nous avons montré déjà de nombreuses fois qu’elle avait appliqué les prix du marché, comme l’exige l’article L. 52-8 du code électoral. Appliquer une ristourne, comme faisait Macron à l’époque, aurait été tout à fait illégal. Plusieurs autres articles émettent des doutes sur la réalité du travail de Sophia Chikirou et son équipe. En 2017, Médiascop a réalisé 2 sites internet, 42 livrets, 14 affiches, 38 tracts, 1247 visuels, 89 vidéos, 20 clips de campagne, 7 émissions… Tout cela a été rémunéré 500 000 euros après impôts et sous-traitants payés, soit 6% du total du budget de campagne. Un exemple. L’agence Médiascop a montré qu’elle avait facturé 108 000 euros pour la réalisation d’une vingtaine de clips. Pendant ce temps, l’agence Jesus&Gabriel, travaillant pour le candidat Macron, faisait payer à l’ancien banquier 152 000 euros pour… un seul clip. Enfin, Sophia Chikirou est accusée dans la presse de s’être enrichie en se payant des salaires dont les montants varient au fil des articles mais toujours dressent le portrait d’une patronne gangster. Si vous voulez savoir ce que Sophia Chikirou était payé, il y a pourtant un moyen simple : consulter sa déclaration à la Haute Autorité de Transparence de la Vie Publique. Comme députée, elle a déclaré ses revenus pour les 5 années précédant son élection. En 2017 ? 53 710 euros au titre de son travail de consultante en communication. Un bon salaire ? Oui, mais on est loin de Bernard Arnaud ou même de ses homologues chez Macron à l’époque ! Et dans les clous de l’Avenir en Commun, le programme qu’elle défend, en matière d’écarts de salaire. Et même dans les clous, plus serrés, des règles de l’économie sociale et solidaire. Son salaire de communicante en 2022 ? 19 322 euros sur l'année. De quoi faire de grosses bulles de savon.