Un Grand Carnaval
Un homme sans masque
Dans la rue, devant son bureau, devant son studio
Voyant arriver la police
Un homme sans masque
Rentre chez lui
Les policiers portent des masques
Eux aussi entrent chez lui
Ils n’ont pas le droit, mais le prennent
Ils le ruent de coups, le tabassent, le gazent
48 heures de garde à vue
Frappé, insulté, humilié
Coupable de n’avoir pas de masque
Outrage à agents dépositaires de la force publique
Rébellion
Inadmissible
Inconcevable
Incompréhensible
Un homme sans masque
Il est chez lui, dans son bureau, dans son studio
Un homme sans masque
Voyant arriver la police
Il est rentré chez lui
N’est-il pas noir ?
Les policiers portent des masques
Eux aussi entrent chez lui
Ils n’ont pas le droit, mais le prennent
Ils le ruent de coups, le tabassent, le gazent
48 heures de garde à vue
Frappé, insulté, humilié
Coupable de n’avoir pas de masque
Outrage à agents dépositaire de la force publique
Rébellion
Inadmissible mais
Non pas inconcevable
Ni incompréhensible
N’est-il pas noir ?
Je vois les images
Cet homme tabassé
Qui s’efforce de montrer
Patte blanche
Quand on le traite de sale nègre
Je l’écoute parler
N’est-il pas noir
Il lui fallait à tout prix
Éviter de tomber au sol
Comme George Floyd et tant d’autres
Je vois les images
Cette armée de policiers
Avec leurs uniformes, leurs armes, leurs gyrophares
Je vois qu’on le prend pour un terroriste
Il a dû commettre un attentat
Inadmissible
Inconcevable
Un noir qui ne porte pas de masque
Voilà l’outrage
Impardonnable
Quand les policiers voient qu’ils sont vus
Depuis un immeuble d’en face
« Caméra ! »
Aussitôt cesse la débauche
De la violence
Certaines images peuvent nuire
A l’intégrité psychique des agents
De la force
De l’ordre
Non loin de là
A la Chambre
Le débat est tranché
Certaines images peuvent nuire
A l’intégrité psychique des agents
Dorénavant
De la police
Les visages seront floutés
De la violence
Des agents sans visage
De la force
De l’ordre
Un masque indéfini
Bien collé à la peau
Un masque de peau blanche
Légitime
Un masque de légitime défense
Indéfiniment le même masque
Les mêmes dépositions policières
Indéfiniment le même masque
Qu’il va pourtant bien falloir finir
Par définir
Le masque de la nausée
De l’époque
Cette époque de la nausée
Qui n’en finit pas
Un masque de légalité
Que l’on exige
Que l’on refuse
Aux exilés
Aux sans-papiers
Un masque de peau blanche
Légitime
Que l’on exige
Que l’on refuse
Aux noirs
Aux musulmans
Un masque d’égalité et de fraternité
Quand on lacère les tentes de fortune
Des damnés de la Terre
Que l’on a saccagée
Indéfiniment le même masque
Des agents sans visage
Le masque de l’époque
De la nausée qui n’en finit pas
Je rêve d’un Grand Carnaval
Renversement de mascarade
Un beau carnaval renversant
En lieu et place
De l’infamie
Des misérables épouvantails
En crainte de Remplacement
Je rêve d’un renversement
Un beau carnaval renversant
Où l’on échange tous les masques
Le noir le blanc le musulman
Je rêve d’un grand soulèvement
De tous les masques
Un soulèvement renversant
Dans le grand caravansérail
Des noirs des blancs des musulmans
Une ronde cosmopolitique
Main dans la main
Des exilés
De la Terre
Que l’on a saccagée
Le rêve d’un envers de l’Histoire
Un rêve renversant
Ô le plus grand des carnavals
N’est jamais qu’un soulagement