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Billet de blog 21 mars 2016

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SUISSIDE / SWISSCIDE

UN SECRET DE FAMILLE QUI RONGE SES VICTIMES, MORTEL *Ce livre raconte l’histoire d’un citoyen du pays numéro un mondial des statistiques du suicide (raison d’être du jeu de mot douloureux du titre), homosexuel tellement découragé par sa santé, par son ‘plan de carrière’, par ses amours, et par sa famille qu’il choisit de s’enlever la vie. Il avertit, puis agit silencieusement.

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Suisside / Swisscide

Une triste histoire qui finit mal. Autopsie de sa mort décidée.

François Wasserfallen (Lausanne, 1962 - Berne, 2008) confident de haut-vol, 20 ans de sida, burn-out final

par son frère Antoine Wasserfallen,

Naples-Bacoli, le 12 octobre 2015

Chapitres

  1. zéro : neuf et dix septembre 2008
  2. famille d’intellectuels bohémiens
  3. destination homo
  4. coming out
  5. planète gay
  6. back rooms
  7. stop sida
  8. ménage à trois
  9. amour perdu
  10. homard mollet
  11. la chute
  12. dernier appel
  13. suisside
  14. trou noir

DOS DE COUVERTURE

UN SECRET DE FAMILLE QUI RONGE SES VICTIMES, MORTEL

*Ce livre raconte l’histoire d’un citoyen du pays numéro un mondial des statistiques du suicide (raison d’être du jeu de mot douloureux du titre), homosexuel tellement découragé par sa santé, par son ‘plan de carrière’, par ses amours, et par sa famille qu’il choisit de s’enlever la vie. Il avertit, puis agit silencieusement. On le suit dans la construction de sa vie, ses découragements, ce qu’il vit comme des échecs, les amants qui lui manquent, sa famille en sourdine, et son choix final. L’originalité de ce livre est qu’il est construit sur la base de son vrai courrier intime, dans lequel passe toute la Suisse des hauts cadres et du gouvernement, avec lesquels il entretient des rapports trop amicaux, presqu’incestueux. Cet ensemble secret jusque là est révélé par son frère qui témoigne en première et en direct de la pénibilité des évènements pour le milieu culturel, les associations nationales, les amis comme la présidente du gouvernement suisse et d’autres ministres ou directrice & directeurs de cabinets qui ne cessent de le favoriser. En filigrane sa planète homosexuelle des LGBT (lesbiennes/gays/bisexuel-les, transsexuel-les), son éducation pédéraste au vrai sens du terme, l’apparition du sida dans les années 1980, qui ensuite le frappe, dans les fameuses back rooms, l’apparition des grands saunas homosexuels en Suisse, les tours sexuels en Europe, ses attachements bisexuels, son plan pour avoir un enfant,le lavage du sperme, … La lectrice et le lecteur sont immergés dans cette action, toujours plus pesante, puis tragique. Ce livre retrace les éléments crus de la descente vers la mort, en direct, c’est l’autopsie d’un suicide.

Survivants de suicide (‘suicide survivors’) - La famille dévastée par ce trou noir incompréhensible devient une famille de survivants de suicide. Ils tentent de recoller les morceaux mais n’y arrivent plus. Plusieurs fois ils se revoient entre des éclats toujours plus insurmontables de reproches. Des courtisans usant de la douleur des proches sèment la sédition et la zizanie. Son mari aujourd’hui à l’assistance sociale a son héritage bloqué par la marâtre. La famille se revoit maintenant au tribunal. C’est dans ce contexte que choisit de parler le frère aîné du disparu, qui tente de livrer sa lecture d’une dévastation individuelle, et systémique familiale dans un témoignage bouleversant de vérité et de réalisme. Amour, puis haine, le délire passionnel possessif investit la tribu.

L’auteur - Réputé pour sa franchise directe, Antoine Wasserfallen a étudié l’architecture à l’EPFL (1986). Il a effectué un doctorat sur la correspondance des banquiers Borel du Cable car de San Francisco (1999). Il a enseigné à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), à l’Ecole hôtelière de Lausanne (2002–2012), à Milan et Côme (Politecnico) et au Kazakhstan (Kimep). Elu local (Moudon, 2006–2011), marié à la chanteuse cubaine Doris Lavin, il partage son activité entre l’Inde, l’Italie et la Suisse. Cet ouvrage raconte clairement le cheminement inéluctable de son frère aimé vers le suicide au sein d’une classe politique qui n’ouvre pas les yeux sur son malheur et celui du monde. Ce livre peut aider à comprendre certains mécanismes déclencheurs du suicide, et aussi partager ou épancher l’inconsolable tristesse des familles survivantes. François a laissé une importante correspondance personnelle, l’auteur s’en inspire. L’auteur a déjà publié trois livres et des ouvrages collectifs, principalement d’histoire et de correspondances familiales.

Prologue

Mort du Chef de la Culture Wasserfallen

Canton de Berne - François Wasserfallen, le chef sortant de l’Office cantonal de la culture, a été retrouvé mort mardi.

Le Conseiller d’Etat Bernie Colver, supérieur hiérarchique de feu François Wasserfallen, nous dit être ‘consterné’. Cela lui a été notifié au cours de la réunion d’hier du Grand Conseil. Colver ne débattait pas avec sa bonne humeur habituelle. Il le savait depuis la veille : mardi (ndla - 10 septembre 2008), il avait attendu en vain François Wasserfallen dans dans la salle du parlement, dans le cadre du débat sur le Musée Paul Klee (ZPK) ou il était attendu. Sur les circonstances de sa mort Colver ne peut donner aucune information. Même la police n’a rien pu communiquer.

François Wasserfallen a dirigé l’Office cantonal de la culture depuis 2002. À la mi-Juillet, il a annoncé qu’il démissionnait pour continuer sa carrière auprès de l’Etat de Genève. Il aurait travaillé à partir du 1er Novembre en tant que directeur du Bureau des Affaires étrangères. À Berne ce quadragénaire (46 ans) a contribué à l’élaboration de la stratégie culturelle cantonale. Durant son mandat, la conservation des monuments historiques du canton a développé un inventaire complet de la protection des bâtiments de valeur cantonale. Wasserfallen était membre du conseil d’administration de l’Opéra de Berne et a siégé comme représentant du Canton du Conseil d’administration de l’Orchestre symphonique de Berne (BSO). (BZ Berner Zeitung - Date de création: 11/09/2008, 11:06)’

A toutes et tous les survivants, survivants de suicides et familles survivantes, ce livre vous est dédié, en triste compagnonnage. A.W.

‘Les chiffres du suicide en Suisse

Après avoir augmenté dans les années 1970, le taux de suicide a sensiblement diminué à partir de 1980.

De 2003 à 2008, il se stabilise autour de 15 décès pour 100 000 habitants, puis diminue en 2009 à 12,5 cas pour 100 000 habitants.

En 2009, le taux de suicide des hommes (19,3 décès pour 100’000 habitants) est environ trois fois supérieur au taux de suicide des femmes (6,2 décès pour 100 000 habitants).

Le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes entre 15 et 29 ans. En 2009, 147 suicides ont été enregistrés pour cette tranche d’âge. Cela représente environ un suicide de jeune tous les trois jours.

Toutes tranches d’âge confondues, 1 105 suicides ont été enregistrés en 2009. Cela représente environ 3 suicides par jour. On estime entre 15 000 et 25 000 le nombre de tentatives de suicide par année.

Source : Office fédéral de la statistique et Stop Suicide’

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‘Toutefois, Stop Suicide estime qu’il n’y a pas assez d’actions de prévention ciblées et souligne qu’avec 15 000 à 25 000 tentatives de suicide par an et 1 300 décès, le suicide reste un problème majeur de santé publique en Suisse.’

Les huit maux de François, dépressif

  • migraines constantes et très douloureuses
  • 18 ans de sida
  • déçu par son métier
  • déçu en amour, regrette un de ses amants
  • pacs pénalisé
  • son mari ne veut plus le suivre
  • finalement pas envie de quitter ses fonctions
  • pantin manipulé dans la politique nationale de la culture

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Chapitre 0

Zéro : neuf septembre 20..

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  • Viens tout de suite, François est mort. Maman ajoute : - Je crois. Force m’est aussi de me fier à cette voix effondrée. Je raccroche le téléphone. Il n’y a pas de temps à perdre. Je dis à quelques collègues de l’Ecole hôtelière de Lausanne où je suis professeur que je pense ne pas revenir de la journée, qu’il y a eu un décès dans ma famille. Je prends ma ‘smart’ (la plus petite auto du parking de la réputée école qui m’emploie comme professeur) et je choisis de prendre l’autoroute périphérique de Lausanne, plus rapide, pour redescendre de l’école dans le Nord et les hauts de la ville où j’enseigne vers la maison familiale de Tivoli, dans le Sud-Ouest lausannois. Les pensées tournent dans ma tête. On savait qu’il pensait à la mort dans sa quarante-sixième année, mais on se disait que puisqu’il en parlait, ou en avait parlé, il ne le ferait pas. Mais d’ailleurs est-il vraiment mort ? Elle a dit ‘je crois’. Et mon père … pourquoi ne m’a-t-il pas appelé lui-même. Par abandon ? ou par veulerie, cette mollesse qui fait qu’il est toujours à la traîne, presque pathétique. Aujourd’hui c’est son record décidément. Autre pensée qui me turlupine : - et son mari ? pourquoi n’a-t-il pas appelé ? encore de l’abandon. Dans notre famille il y a les acteurs et les témoins : dans le ‘soap opéra’ de notre feuilleton familial, sur ‘scène’, il y ceux qui vivent, parlent, témoignent et les autres. Comme dans un film, où les caractères principaux sont en hautes lettres grasses et les autres en plus petites lettres. La ‘star’ : ma mère (septante ans de show permanent sur maintenant huitante ans de vie), la prima donna, ‘la plus belle’, ‘la plus volubile’, elle ‘sait tout’, a ‘tout vu’ peut ‘tout expliquer’ … et comme elle se croit riche, elle est très sûre d’elle-même. Mon père joue les seconds couteaux, mais a fait vivre tout le monde, pas si éteint en fin de compte. Alors qu’il conserve ses positions de confident de ma mère, des services de l’Etat dans sa carrière, de l’école polytechnique où il a enseigné, en se tenant à carreau, les autres apprécient cette ombre. Après comme entretenus dans une jalousie de cour ‘agripinienne’ par leur mère, nous, les trois enfants. Notre plus jeune soeur a pris la fuite … elle repasse de temps en temps … pâle, décharnée, et le regard fixe, on dirait que son esprit a fui lui aussi. Et il y a mon plus jeune frère et moi, il y avait …

J’arrive, je trouve ma mère a table avec sa meilleur amie mon père au fond de la cuisine comme désoeuvrés et abattus; mines endolories, larmes, grimaces tristes, je dis - mais comment savez-vous ? - on a reçu un appel téléphonique de la police bernoise, ils nous ont laissé un numéro de contact. Il y a un petit bout de papier sur la table avec un petit numéro écrit soigneusement comme si c’était à la dictée de l’instituteur. Je m’assieds, je dis : - mais quand ? Il y a une demi-heure on ne le sait que depuis un petit moment je reprends - et quand est-ce arrivé alors ? - Au milieu de la nuit dans leur appartement de Berne, on croit vers une heure ou deux heures du matin. - et son mari Israël ? (cette question n’est pas seulement adressée au rôle que joue son compagnon de vie mais elle est aussi pour penser à que va-t-il advenir de lui ? lui qui dépendait totalement de François et aussi spécialement pour sa vie économique) - On ne peut l’atteindre, il n’a pas la force de rester à la maison … il dit qu’il n’avait pas nos numéros de téléphones … et ne pouvait donc nous atteindre. Je n’arrive pas à le croire, on est à l’époque des téléphones portables, internet, d’ailleurs même Israël traîne tout le temps avec une tablette ou des écouteurs. Téléphones portables, leur maison en était remplie et maintenant pas d’appel quand il y a un mort. Ce qui me dépasse dans ces événements survenus c’est l’état d’abattement de mes parents et le calme assourdissant dans lequel se drame se déploie. Que penser ? qu’en penser ? Tout à coup, je réalise que finalement nous ne savons rien du tout. Mes les parents les premiers. C’est ce qu’il y a de plus choquant dans la situation du moment. On n’est sûr de rien. On ne sait pas qui croire. Et même vérifier est très difficile. Tout s’étant passé à cent kilomètres de chez nous. - Il faut aller voir, dis-je. Silence. Arrive l’ancien amant de mon frère, l’acteur Michel qui depuis la rupture il y a dix ans vit encore dans l’un des appartements de la grande maison de mes parents.

Il propose de venir avec moi. Je réalise que si nous nous lançons dans la ville de Berne sans savoir d’ailleurs où Israël est allé se réfugier, nous n’aurons aucun point de chute … et que nous ne saurons même pas où aller puisque la police bernoise elle-même ne répond pas toujours au téléphone; cela va donc être très très difficile d’en savoir plus. J’interroge : - est-ce que je peux avoir un ordinateur s’il vous plaît, je n’ai pas pris le mien ? Le ‘bon’ Michel part chercher son portable et me rapporte dans l’attente, rien, silence de glace. Tout ce met en place dans ma tête : il faut joindre les responsables, avoir leur ligne directe, il faut les trouver, il faut pouvoir les atteindre en tous moments, comme eux aussi sont en train de se déplacer. La chance que nous avons dans cet immense malheur c’est que mon frère travaillait pour le président du gouvernement bernois et que je le tutoie également (pour des autres raisons que le rôle de François); je joins le secrétariat national de mon parti politique. Les responsables nationaux comprennent parfaitement ces priorités dues au décès de mon frère. La secrétaire nationale m’envoie toutes les coordonnées nécessaires. Ceci requiert quelques courriels. - Maman je suis encore en train de réunir des adresses supplémentaires pour pouvoir accéder aussi aux leviers de décision de la police … trop tard, la meilleure amie de ma mère m’interpelle et, critique, me demande à brûle pourpoint : - Ton frère vient de mourir et toi tu pianotes sur un ordinateur !? Je réalise que dans ce climat d’abattement et de stupeur, plus personne ne pense droit, que plus personne ne sera ‘opérationnel’ dans les heures qui viennent … mais ça sera pire : aussi pour les jours qui viennent; personne en mesure de prendre la moindre décision logique. Très nettement plus personne de la famille ne pense à rien, nos parents sont abattus par ce malheur qui crée une nouvelle mise en scène des relations familiales. Le niveau d’information est tellement bas qu’effectivement la seule chose à faire est d’aller vérifier sur place. Michel et moi partons, partons à la gare et prenons le premier train direct pour la capitale suisse. Voyage assez intense. Communication grave rapide entre Michel et moi comme des télégrammes verbaux d’incrédulité.

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