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C’était la fête à Cayenne, hier, où la candidate a reçu près de 91 % des votes, un record. Mais c’était la fête de part le monde où les rassemblements se sont multipliés à Dakar, à Quito, à Los Angeles, à Madras…
Comment une femme, qui, un an auparavant, semblait bien isolée , a pu réveiller la gauche ? Par sa verve, tout d’abord mais aussi un incroyable concours de circonstance…
Car la campagne présidentielle a bien débuté le 30 septembre 2021, le soir de la primaire d’EELV. Un Yannick Jadot triomphant rassemblait après sa victoire une large partie des écologistes de Benoit Hamon à Corinne Lepage en passant par Génération Ecologie de Delphine Batho...Immédiatement, Olivier Faure annonçait une alliance EELV/ PS. Une vague verte, comme celle des municipales 2020 semblait promise.
A droite, La candidate Valérie Pécresse (20,1%) avait le vent en poupe. Au sortir de la primaire, elle n’a eu de cesse de grapiller des voix aux deux candidats d’extrême droite : Marine Le Pen (27,1%) et Emmanuel Macron (22,5%). Un duel Pécresse- Jadot se profilait tandis qu’à gauche, Jean Luc Mélenchon peinait à convaincre, miné par les divisions et animosités (8,6 % en décembre).
Le 21 janvier, ce fut la chute du roi Jadot. Une lettre du candidat vert à Ursula von der Leyen, retrouvée par le journaliste d’investigation Antoine Bonnet, expliquait comment celui- ci allait remettre en question le statut des fonctionnaires français. Cette lettre, signée « Amicalement, Yannick » fit l’effet d’une bombe à gauche. Manifestations devant le siège de campagne EELV de Fontainebleau, le PS se déchirait, les islamo- gauchistes d’EELV quittèrent le parti… Yannick Jadot, lui- même, quittait Jadot 2022 ! Le conseil constitutionnel trancha :Julien Bayou, ne pouvant pas changer son nom en « Julien Jadot » pour mener la campagne, Jadot 2022 se bio-dégrada tout seul. Un Bayou résigné expliqua : « La présidentielle, c’est vraiment pas pour nous ! ».
Le spectre Mélenchon fit lever un vent de panique à gauche. Benoit Hamon, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal...Manuel Valls, pourtant déjà candidat en Tunisie, proposèrent leur candidature la même journée. Les spectres du spectre se réveillèrent aussi.
C’est vers Christiane Taubira qui les regards se tournèrent ainsi. Le soir du 2 Février alors qu’elle s’apprêtait à siroter un planteur grenadine accompagné d’accras sur la plage Montjoly en Guyane, la future présidente reçut un appel...de Jean Luc Mélenchon. Oui, madame...
Celui- ci lui proposa de retirer sa candidature si elle portait la 6è république. Expliquant que l’élection présidentielle créait trop de fractures dans le pays, centrait la politique autour d’un homme seul et générait trop de politiques science- fiction farfelues, il réussit à la convaincre.
Son arrivée à l’aéroport fut saluée par un million de personnes (masques, gestes barrières et gel distribué à l’entrée) selon les organisateurs et son discours qu’elle intitulait « le retour de la sorcière d’Amazonie » était directement étudié au baccalauréat blanc la semaine suivante. La candidate était créditée de 25 % dans les sondages au coude à coude avec celle frontiste...rassembliste.
Le débat du premier tour fut lunaire, aérien, vertigineux. Ayant perdu ses fiches (retrouvée plus tard dans les poches de Florian Philippot), Marine Le Pen, pourtant bien aidée par l’attentat de la veille, préconisait de dissoudre les syndicats CSG et CRDS et d’interdire le bikini. Emmanuel Macron, hors de lui, étranglait Valérie Pécresse avec son foulard Dior et fut disqualifié par David Pujadas.
Christiane Taubira, elle, ne parlait qu’en citant des auteur.rice.s. « La vie est plus félonne qu'on ne pense » expliqua- t ‘elle devant une Nathalie Saint Criq médusée. « On va pas mettre une philosophe sur le trône ! » déplorait Jean Marie Bigard (5,8%)
Ce fut donc Christiane Taubira et Marine Le Pen qui furent au second tour, à égalité (26 ,2%). Le débat, malgré un attentat et des Unes du Point alertant sur le « séparatisme » taubirien, fut à l’avantage de Christiane Taubira. Chaque intervention de celle- ci était traduite à Marine Le Pen en mot simple par Christophe Jakubyszyn. Citant Aimée Césaire, elle s’exclama :"Je ne livrerais pas le monde à ces assassins d'aube". Madame Le Pen, perdue, avouant ne pas connaître tous les empereurs romains.
Au soir de l’élection, Jean Marie Le Pen succomba devant son écran, laissant Marine quitter la politique pour faire une thèse sur les écrivains créoles. La 6è république installée, Jean Luc Mélenchon et Christiane Taubira purent, enfin, annoncer qu’ils étaient en couple