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Billet de blog 8 novembre 2018

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Quand UBS diffame les lanceurs d'alerte par voie de «droit de réponse»

Ce jeudi 8 novembre 2018, le quotidien «La Croix» publie un droit de réponse d'UBS dont le contenu est tissé de contre-vérités et de mises en cause diffamatoires des principaux témoins entendus par les juges d'instruction Guillaume Daïeff et Serge Tournaire.

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Ce jeudi 8 novembre 2018, le quotidien La Croix publie un droit de réponse d'UBS à des article publiés le 25 octobre dernier, dont le contenu est tissé de contre-vérités et de mises en cause diffamatoires des principaux témoins entendus par les juges d'instruction Guillaume Daïeff et Serge Tournaire lors de l'information judiciaire qui a abouti au renvoi de la banque devant le tribunal correctionnel de Paris pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale. Dans un commentaire au droit de réponse d'UBS, La Croix dit, à juste titre, que la rédaction "maintient toute son analyse et la pertinence des portraits publiés" visés par la banque. A titre personnel, en tant qu'auteur de Ces 600 milliards qui manquent à la France (Seuil, 2012), enquête pour laquelle j'ai rencontré de multiples fois, dès 2011, les témoins injuriés par UBS, il m'a semblé nécessaire d'ajouter quelques précisions.

I / Le droit de réponse d'UBS

 « Dans son édition du 25 octobre 2018, La Croix a consacré sa une et deux pages à la “solitude des lanceurs d’alerte’’, mettant gravement en cause UBS France sans souci de la présomption d’innocence, sans pour autant l’en informer ou lui permettre de répondre.

Est-il utile de rappeler que se tient en ce moment un procès sur ces mêmes faits devant la 32e chambre, au tribunal de Paris ? À la différence de votre journal, le tribunal se fonde sur un débat contradictoire et garantit les droits de la défense.

Sans nuances, vos articles reprennent les thèses des auto-proclamés “lanceurs d’alerte ’’, dont les témoignages sont jugés si peu crédibles qu’aucune partie au procès n’a jugé utile de les entendre au Tribunal. J’ajoute que ni l’État français ni Transparency International n’ont considéré légitime d’accorder à Mme Gibaud la qualité de lanceur d’alerte.

M. de Montesquiou, cité dans votre article, prétend s’être opposé de manière frontale à sa hiérarchie et pour cette raison avoir quitté la banque en 2005. Ce n’est pas la réalité, puisqu’il a cessé ses fonctions au sein de la filiale française en 2004 et a travaillé directement pour la maison­ mère au cours des trois années suivantes. Quant aux déclarations de M. Forissier, elles relèvent de la fiction. UBS France a eu et aura encore l’occasion de s’en expliquer au tribunal. M. Forgues, quant à lui, a été licencié pour faute grave, après avoir tenté une opération de blanchiment, stoppée par la banque. Les pièces ont été versées à la procédure.

L’article mentionne que nous avons été mis en examen pour subornation de témoin sur la personne de M. Forissier. Il est regrettable que vous n’ayez pas précisé qu’UBS France a, depuis, bénéficié d’un non-lieu pour cette accusation.

Vous dites enfin que notre plainte pour diffamation contre Mme Gibaud a été rejetée. Nous vous rappelons que nous avons actuellement en cours une plainte pour diffamation contre Mme Gibaud, procédure pour laquelle celle-ci a demandé le report, estimant que sa défense n’était pas prête, après avoir tenu une conférence de presse sur ce sujet quelques minutes avant.

Il est très regrettable que, plutôt que d’assister aux audiences qui se tiennent en ce moment au Palais de Justice et à la manifestation de la vérité, vous ayez traité ce sujet de manière aussi spectaculaire et approximative, voire diffamatoire, en plein procès, en relayant de pseudo-témoignages contestables et contestés, sans porter aucune considération pour l’entreprise UBS France et ses trois cents salariés. »

II / Le commentaire de La Croix :

La Croix maintient toute son analyse et la pertinence des portraits publiés le 25 octobre dernier. Pour mieux comprendre les enjeux de ce dossier complexe et aux ramifications judiciaires nombreuses, nos lecteurs peuvent se reporter aux articles publiés précédemment par La Croix – qui n’ont fait l’objet d’aucune demande de droit de réponse.

UBS, le procès d’une époque

Le parquet national financier renvoie UBS en correctionnelle

Une nouvelle preuve de l’organisation de l’évasion fiscale par UBS en France

Chez UBS, blanchiment et fraude fiscale étaient dévoilés dès 2004

III / Mes précision supplémentaires :

Quelques précisions à la lettre du président d’UBS France (droit de réponse) et donc à propos des "auto-proclamés lanceurs d’alerte" dont les témoignages seraient "si peu crédibles" que... :

  • Transparency International n’est pas habilitée, en tant qu’association, ni l’Etat d’ailleurs, à reconnaître une quelconque "qualité de lanceur d’alerte" à qui que ce soit, la loi Sapin II se contentant de définir les conditions d’une procédure de lancement d’alerte et de protection juridique des lanceurs d’alerte (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033558528&categorieLien=id).
  • Stéphanie Gibaud est en instance d’obtenir un statut de "collaborateur occasionnel du service public" pour sa collaboration avec le Service national de douane judiciaire (SNDJ) en 2011 et 2012 (cf. l’article de Béatrice Bouniol : https://www.la-croix.com/France/Justice/Stephanie-Gibaud-collaborateur-service-public-laffaire-UBS-2018-10-26-1200978842 et la dépêche AFP du 25 octobre : "Le rapporteur public, qui dit le droit et dont les avis sont  généralement suivis, a plaidé en faveur d’une reconnaissance de ce  statut pour Stéphanie Gibaud, rappelant qu’elle avait "fournis des  documents internes" et notamment participé en juin 2011 à "la  surveillance du tournoi de Roland Garros" où UBS invitait des clients ou  potentiels clients en vue de "donner des informations au SNDJ"." (extrait)
  • Le nom de Stéphanie Gibaud est cité une quinzaine de fois dans le réquisitoire définitif des juges d’instruction G. Daïeff et S. Tournaire dont La Croix avait donné l’essentiel en novembre 2016 : https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Le-parquet-national-financier-renvoie-UBS-correctionnelle-2016-11-03-1200800579#
  • Le témoignage de Stéphanie Gibaud et les pièces apportées à la douane judiciaire font l’objet, du fait de leur importance, d’un compte-rendu détaillé dans l’ordonnance de renvoi d’UBS au tribunal correctionnel (pages 13 et 14, 44 et 45, 55 et 59..., notamment), document consulté dans son intégralité.
  • A propos de Jean-Louis de Montesquiou (lignes 11 à 13 du droit de réponse), une audition réalisée par les juges d’instruction relève qu’"en 2005, UBS Suisse avait nommé Pierre Poyet, ressortissant suisse, ancien de UBS Monaco, en remplacement de Jean-Louis de Montesquiou, à qui il était reproché un certain manque de coopération avec la maison mère. Pierre Poyet avait été nommé pour maximiser les synergies avec la Suisse. Il était la "marionnette de UBS AG"." (page 45 du réquisitoire définitif des juges d’instruction G. Daïeff et S. Tournaire, audition d’Hervé D’Halluin, mis en examen des chefs de complicité de démarchage bancaire ou financier illicite de prospects français ou résidant sur le territoire national (commis par des personnes non habilitées), blanchiment et recel.) Jean-Louis de Montesquiou me précise, à cette occasion, qu'il a "quitté (s)es fonctions de directeur d’UBS France début 2004, et que, après avoir lancé un magazine culturel (VASCO), (il est) resté pendant trois ans comme consultant du département de philanthropie dirigé par le Docteur Max Martin".
  • A propos de Nicolas Forissier, le réquisitoire définitif des juges d’instruction G. Daïeff et S. Tournaire (où il est cité 37 fois !) et leur ordonnance de renvoi au tribunal administratif permettent d’établir qu’il est le plus important, le plus précoce et le plus incontestable des lanceurs d’alertes dans l’affaire UBS. Ainsi, dès les pages 13 et 14 du réquisitoire définitif, il est relevé : "Estimant qu’il avait été contraint par sa hiérarchie de modifier les termes de son rapport et que ses recommandations avaient été ignorées, Nicolas Forissier avait décidé de recourir à la procédure du whistleblowing : Dans son alerte en date du 19 décembre 2008, étaient évoqués les cinq points suivants : 1° le rattachement hiérarchique et fonctionnel à Philippe Wick du département Sport Entertainment Group (SEG) dirigé par Caroline Duret; 2° l’activité de démarchage des CA suisses dans les locaux d’UBS France ou bien lors des "events" alors que MM. De Fayet et Vernet étaient informés de ces pratiques (notamment, celle de M. Juan Moreno à Bordeaux entre 2006 et 2008); 3° l’existence d’un fichier informel, le carnet du lait, en marge du système officiel des ATA; 4° le versement de "pots de vin" sous la forme d’indemnité de départ substantielle à des salariés d’UBS France menaçant de révéler le système d’évasion fiscale; 5° la passivité de plusieurs départements et notamment celui de la compliance et l’inaction du directoire face à la gravité des faits révélés par l’audit interne D796 ; D921)." Il est aussi le témoin n° 1, pour la France, des juges d’instruction, comme cela apparaît dans l’ensemble des deux documents judiciaires, juges d’instruction qui, avec le parquet national financier, demandent de condamner UBS AG (la banque suisse) pour "démarchage bancaire illégal" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale" (pages 72 et 73 de l’ordonnance de renvoi).
  • De plus, contrairement à ce qu’affirme le courrier (droit de réponse), UBS n’a bénéficié d’aucun "non-lieu" à propos de sa mise en examen pour "subornation de témoin sur la personne de M. Forissier". Si cette mise en examen a bien été révélée par la presse (https://blogs.mediapart.fr/antoine-peillon/blog/150217/ubs-france-mise-en-examen-encore-et-encore), l’affaire fait aujourd’hui l’objet d’un appel partiel de la part de Nicolas Forissier et de son conseil Me William Bourdon (https://www.lepoint.fr/societe/ubs-france-renvoyee-au-tribunal-pour-harcelement-sur-deux-lanceurs-d-alerte-13-09-2017-2156678_23.php), ce qui n’a rien à voir avec un non-lieu...
  • Nicolas Forissier a fait l’objet de deux procédures en diffamation de la part d’UBS, procédures dont UBS s’est à chaque fois désistée, comme le rappelle un courrier lu par Mme Catherine Mée, présidente de la 32ème Chambre correctionnelle du tribunal de Paris, lors de l’audience du lundi 29 octobre (courrier en PJ).
  • Lors d’un jugement du Conseil de Prud’hommes de Paris, prononcé le 19 juin 2012, les juges ont estimé que Nicolas Forissier avait été « licencié pour avoir refusé de souscrire aux pratiques illicites de la SA UBS France et de la banque UBS ». Les juges ont également indiqué alors qu’UBS ne démontrait pas que ses accusations d’avoir organisé un système d’aide à l’évasion fiscale et à la fraude fiscale internationales étaient infondées. (Jugement en PJ). UBS a fait appel de ce jugement ; le procès se tiendra après celui d’UBS en correctionnelle.
  • Dans le réquisitoire définitif des juges d’instruction, Olivier Forgues apparaît comme étant un témoin très important (il est cité une vingtaine de fois) et un dénonciateur précoce de l’évasion fiscale organisée par UBS en France (cf., notamment, les pages 24 et 25 du document judiciaire).
  • Citée en diffamation par UBS France, en janvier 2010, pour "accusations  d’évasion fiscale", Stéphanie Gibaud a été relaxée par le tribunal de police de Paris, en  septembre 2010. La plainte "en cours" pour diffamation, contre Stéphanie Gibaud, signalée par le droit de réponse, est donc une seconde plainte pour laquelle l’avocat d’UBS (de concert avec la défense de Stéphanie Gibaud et le procureur) a demandé, en février 2017, un sursis à statuer jusqu’après le procès d’UBS en correctionnelle (https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/02/02/evasion-fiscale-le-proces-en-diffamation-entre-ubs-et-son-ex-directrice-marketing-attendra_5073714_1653578.html). Les circonstances de ce sursis à statuer n’ont donc rien à voir avec une demande unilatérale de Stéphanie Gibaud parce que "sa défense n’était pas prête", comme l’affirme à tort le droit de réponse de Jean-Frédéric de Leusse.

Plus généralement, il est possible de s’interroger sur les motifs d’UBS de demander un tel droit de réponse, maintenant, alors que les articles de Béatrice Bouniol (https://www.la-croix.com/France/Justice/Fraude-fiscale-pourquoi-dit-non-UBS-2018-10-25-1200978460 et https://www.la-croix.com/France/Justice/protection-lanceurs-dalerte-devant-justice-2018-10-25-1200978462) mettent bien moins "gravement en cause" UBS - il me semble - que ce que La Croix et la-croix.com ont déjà publié sur les délits de cette banque, depuis 2012, publications qui n’ont jamais fait l’objet d’un seul droit de réponse (ou d’une quelconque plainte)... Cf., entre autres :

Sans parler d’un certain livre, Ces 600 milliards qui manquent à la France (Seuil, 2012), de trois documentaires et de tant d’articles...

Pour finir, à propos d’Olivier Forgues, gravement mis en cause par le droit de réponse d’UBS ;-) Mais il y est question aussi de Nicolas Forissier et de Stéphanie Gibaud, cet article essentiel de Dan Israel (Mediapart, 2 avril 2014), "La banque UBS condamnée pour avoir licencié les gêneurs", dont voici un extrait :

"UBS France nie toujours fermement avoir organisé l’évasion fiscale vers la Suisse de centaines de clients jusqu’à la fin des années 2000. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que ses dénégations sont peu entendues. Et les condamnations s’enchaînent. Par deux décisions récentes dont Mediapart a obtenu copie, le Conseil des prud’hommes de Paris a jugé, le 21 février et le 14 mars (2014), que la banque française avait licencié illégalement deux anciens salariés.

Tous deux commerciaux, chargés de gérer les comptes de riches clients et d’en recruter de nouveaux, ils avaient dénoncé en interne les pratiques illégales auxquelles leur direction les incitait à participer, et que Mediapart a longuement raconté dans sa série sur les « carnets UBS ». La banque annonce à Mediapart qu’elle va faire appel de ces deux jugements. « Le point inacceptable pour nous concerne le fondement de ces jugements, et notamment l’argument du harcèlement moral, que nous rejetons catégoriquement », indique-t-elle.

Le conflit d’UBS avec ses salariés dure depuis plus de cinq ans. Mais depuis qu’il a été engagé, le paysage s’est singulièrement assombri pour la filiale hexagonale de la banque suisse. Le 31 mai 2013, UBS France a été mise en examen pour complicité de démarchage illicite, et placée sous le statut de témoin assisté pour les qualifications de blanchiment de démarchage et de blanchiment de fraude fiscale. Trois anciens cadres de la banque, dont l’ex-directeur général, l’avaient déjà été. Une semaine plus tard, c’est la maison-mère suisse qui a été mise en examen pour démarchage illicite.

Le 26 juin 2013, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), le gendarme des banques, a, elle, infligé à la banque la plus forte amende de son histoire. Dix millions d’euros, assortis d’un blâme, pour son « laxisme » dans la mise en place du contrôle des pratiques de ses salariés. Et du côté des prud’hommes, deux décisions ont déjà sanctionné le licenciement de cadres. Le 30 août 2011, UBS a été condamnée pour le licenciement abusif en juillet 2008 de l’ancien responsable de son agence de Strasbourg. Le conseil avait estimé que le fait que des commerciaux suisses viennent démarcher des clients dans l’est de la France empiétait sur l’exclusivité régionale dont était censée bénéficier l’agence strasbourgeoise.

Dans un jugement rendu le 19 juin 2012 (la banque a fait appel depuis), le conseil de prud’hommes de Paris avait aussi considéré que le licenciement de Nicolas Forissier, l’ancien contrôleur interne d’UBS France qui dénonçait des pratiques illicites, était « sans cause réelle et sérieuse ». Nous avions détaillé son cas, en protégeant son identité à l’époque. Quant à l’ancienne responsable marketing d’UBS France, Stéphanie Gibaud, elle est encore en attente d’une décision sur son propre licenciement, qu’elle juge également lié à ses accusations contre son ancien employeur (expliquées ici).

L’auteur des deux premiers jugements est un magistrat professionnel, dit du « départage », qui tranche les dossiers lorsque les conseillers prud’homaux classiques (salariés et employeurs élus à leurs postes) estiment qu’ils sont trop complexes pour leur compétence. Et c’est encore cet homme qui a eu à juger d’un des dossiers qui nous intéressent aujourd’hui, celui d’Olivier Forgues, auquel il a accordé en tout plus de 135 000 euros en dédommagement de son licenciement le 15 décembre 2008.

L’ancien banquier avait témoigné à visage découvert en novembre dans un documentaire de France 5. Il y racontait comment, persuadé de travailler « pour la plus belle banque au monde », il démarchait des clients français pour le compte de la filiale parisienne d’UBS. Il assurait avoir été en permanence incité à adresser ces riches cibles à ses homologues suisses, experts dans l’art de dissimuler de l’argent aux yeux du fisc français (nous avons évoqué ici en détail ce « pacte franco-suisse »).

Ce commercial fort efficace était très bien vu de sa direction jusque début 2007, date à laquelle il refuse d’aller travailler à Genève, après avoir accepté dans un premier temps. Les pratiques en cours à l’époque sur les bords du lac Léman l’auraient finalement rebuté. Après son refus, affirme-t-il, ses conditions de travail se dégradent fortement, au point qu’il est contraint de réclamer d’être à nouveau destinataire des e-mails de sa supérieure, et même forcé de réclamer un téléphone pour travailler.

Pour la banque, rien de tel. Elle l’accuse d’avoir voulu aider un client à cacher de l’argent à Singapour. C’est pour ce motif qu’elle convoque son salarié en novembre 2008 pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui n’est finalement pas prononcée. Mais dans la foulée, le 27 novembre, Olivier Forgues écrit à sa hiérarchie pour dénoncer les opérations « cross border » illicites qu’elle couvre. Le lendemain, il est à nouveau convoqué, pour être licencié cette fois.

Selon le juge des prud’hommes, aucun doute possible : « Le lien entre cette convocation et ses accusations contenues dans son courrier du 27 novembre 2008 est (...) manifeste. » Les pièces du dossier « établissent des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement à l’encontre de M. Olivier Forgues », estime le jugement, qui indique qu’UBS n’a pas apporté d’élément contredisant le harcèlement, « et ce alors que ses performances commerciales demeuraient excellentes ». Quant au fond des accusations de Forgues… Selon les prud’hommes, il « était bien fondé à critiquer l’existence de pratiques illicites au sein du groupe UBS, sa convocation à un entretien préalable au licenciement apparaissant comme une mesure de rétorsion »."

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