Je n’ai jamais eu trop de confiance dans la « tolérance » de l’UNAFAM, ni dans ce mot d’ « usagers » qui voudrait « recoller », en les regroupant, familles et « fous ». (Pourquoi avoir si peur de ce mot de « fou », lorsque tous les jours, et dans presque toutes les rencontres, on n’a pas peur de nous traiter en tant que tels ?)
Je n’ai pas confiance non plus dans la définition de « handicapés » et (pire encore ! ) dans celle de « handicapé mentale » . Veuillez m’excuser, Guy Baillon, car j’ai toute confiance en vous, et en votre engagement, qui démontre une immense honnêteté. Nous en avions déjà discuté, de ce terme, à la Maison de l’Arbre, dans cette si belle, si vivace rencontre ayant eu lieu dans cette salle qui nous accueillit, après le fameux discours de Sarkozy à propos des fous–génétiquement–CRIMINELS. Un Sarkozy qui ne change, et qui ne changera pas, jamais, quoiqu’on fasse. Mais, toujours à propos de cette « définition » ( « usagers », ou « handicapés », allant jusqu’à celle de « handicapés mentales») j’ai eu l’immense joie, l’immense surprise, de trouver une « opposition ferme » à l’emploi de ces mots, dans les dires de Philippe Bichon, psychiatre à La Borde.
Ce n’est pas seulement une question de mots, qui peuvent se révéler des « mots » impossibles à l’emploi, lorsque l’on veut les faire « passer » (ces mots), en les métamorphosant, pour qu’ils deviennent de véritables « paroles ».
Il faut spécifier peut-être que la raison pour laquelle je n’ai pas confiance dans la famille du « fou » réside, dans le fait que– au moment opportun – elle se chargera de déverser sur les épaules, sur le dos de son fou, et sur son absence–de–futur, sur son fatidique non–avenir, tous les problèmes irrésolus, tous les impardonnables secrets du passé et du présent familiaux, si lourds à colporter, et que, en général, cette même famille, s’empressera de « dénier », encore et encore, les ligotant (à son propre insu? je ne le crois pas) sur l’échine du « fou ». La famille, ou plutôt, les différentes familles ayant bien du grain à moudre, à ce sujet. C’est peut-être pourquoi (mais je ne l’ai réalisé que assez tardivement) à La Borde on « reçoit. » les familles, tout en désirant les « aider ».
Or, quand j’avais été hospitalisée à La Borde pour une assez logue période, et que des membres de ma famille devaient venir d’Italie, j’avais demandé au Docteur Oury, non pas qu’Il ne les reçoit pas, mais, remettant en cause les règlesen usage allors, qu’il nous reçoit TOUS ENSEMBLE. Et j’en avais reçu l’assurance. Mais lorsqu'ils arrivèrent, le Docteur Oury me fit entrer dans son lumineux cabinet – en première –me demandant comment s’était passée notre rencontre, et moi – en souriant – je lui répondis très bien, et – heureuse– je la lui racontais. Alors, il me dit de ressortir, et d’attendre dans la sale d’attente, afin qu’il puisse recevoir mon frère et ma belle–soeur.
Je sortis, mais je ne pus retenir les larmes, ni les sanglots qui me secouèrent violemment, me paraissant que, même à La Borde où (venant de l’horrible Italie), j’avais cru avoir trouvé (finalement ! ) un lieu bien à moi (m’y étant engagée de toutes mes forces, jusqu’à y créer une radio, où s’exprimait une enfant de 3, 4 ans, fille de moniteurs, une radio qu’on pouvait écouter pendant les repas), je me dis que, même là, je n’avais aucune place, puisque on me niait tout droit, contrairement à ce dont j’avais rêvé..
A cause de cela, de mes pleurs et de mon soudain, absolu mutisme, mon frère – troublé – faisant une mauvaise manœuvre, risqua sa vie et celle de sa femme, sur l’autoroute, au cours de leur voyage de retour dans une « seicento ». Quant à moi, le psychologue qui me suivait (et qui était excellent) me posa la question cruciale : –Mais pourquoi vous êtes venue à La Borde ?
Or, dans l’absolue, nouvelle solitude existentielle où tout cela m’avait renvoyée, je ne compris pas, et me sentant rejetée, je voulus mourir. Sachant que les seuls suicides non ratés, à La Borde, étaient les pendaisons, je me dirigeai vers la serre, et je mis tout en place. Néanmoins, je voulu regarder, une dernière fois, le ciel étoilé, l'une des choses que j'aime le plus dans les phénomènes celestes. Ce fut pourquoi, les moniteurs dépêchées à ma recherche, me trouvèrent, et m’accompagnèrent (moi, toujours enfermée dans mon mutisme) à l’infirmerie. Et, à l’infirmerie, je dus faire face au médecin de nuit, qui jugeait toutes les femmes des hystériques, et qui voulait à tout prix me faire parler. Moi, je ne parlai pas, et alors il me gifla, et l’on me fit un électrochoc avec la force. Le lendemain, je délirais de nouveau, et, à plusieurs reprises, et par des moyen très douloureux, comme le feu, et l’ingurgitation d’eau de javelle, je fis d’autres tentatives de suicide, étant tout à fait désespérée. (Voulais-je me « purifier », afin d’avoir moi aussi droit à la liberté et à l’auto positionnement dans l’existence, comme il me semblait – à l’époque – que l’avaient tous les autres êtres humains ?)
Mais avant ces tentative de suicide par lesquelles je tentais de défendre ma liberté et ma dignité, que j’estimais une fois encore bafouées comme en Italie, je me rendis incognito dans le bureau du Dr. Oury et je mis tout dessus–dessous, pour me venger de son manquement à une parole, qui ( je le répète), avait pour moi une signification hautement symbolique. Le Dr. Oury comprit parfaitement ma révolte et ma réaction, et (si mes souvenirs sont exactes), on n’en reparlaplus, entre nous.
Si j’ai fait ce long détour, c’est pour montrer que (même lorsque la famille est confiante, même lorsque le soignant est de la hauteur (dans tous les sens du terme) du Dr. Oury, qui s’auto définit (à ma grande joie) non pas comme « psychiatre », mais comme « médecin, directeur de la clinique de La Borde »), même un tel soignant peut se tromper, étant un humain, et manquant à l’éthique de la parole donnée à un être humain, qui, l’estimant énormément , ne pourra que prendra à la lettre les promesses qui lui sont faites. même si ce comportement était une ruse thérapeutique
Or, où trouver cette éthique dans les déclarations de l’UNAFAM, rapportées dans le texte de Guy Baillon ? Il n’y a qu’un désir. Un DESIR du POUVOIR, qui surgit devant nous, devant nos yeux, qui ne sont même pas ébahis par cette sorte de « trahison » , et qui n’en est même pas une, comme Guy Baillon le croit, en s’étonnant, et même en souffrant.
Le pouvoir, et le pouvoir de l’argent, étant une des clefs de ce monde d’aujourd’hui, où le « fou » (comme je l’ai déjà dit et écrit ailleurs) est posé (courbé, plié) à la base de cette pyramide esclavagiste, que des être réellement fous ne cessent de bâtir. C’est pourquoi – à mes yeux – il faut que les fous aient eux–mêmes, et de plus en plus, leurs mots à dire, dans toute cette histoire, réellement sauvage et barbare.
(De nouveau un ereur technique. Je désire avoir des commentaires. Merci !)