RÈVE GENERAL
Si notre vie est moins qu’une journée
Si notre vie est moins qu’une journée
En l’éternel, si l’an qui fait le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Si périssable est tout chose née,
Que songes-tu mon âme emprisonnée ?
( Joachim du Bellay –Sonnet CXIII (*))
My country ‘tis of thee, sweet land of lberty, of the I sing.
Land where my fathers died, land of the
Pilgrim’s pride ;
From every mountainside, let freedom
Ring.
And if America is to be a great nation,
This must become true.
(M.L.King — I have a dream)
Lorsqu’on rejoignit l’aéroport de Djakarta, et que l’avion était en train d’atterrir, je vis de l’hublot une foule de jeunes gens s'affairer sur le sol, et je murmurai dans mon cœur taciturne et ébahi : « HOME, SWEET HOME ! » Un jeune garçon–Samurai exécuta alors une sorte de danse très rapide sur l’un de leurs engins ; une danse tissée de joie, et d’humour.
Quatre musiciens Balinais jouaient dans le hall de l’aéroport, et je crus à ce moment-là que c’était bien pour moi, qu’ils jouaient. Aussi, après les avoir vite dépassés, pour me rendre en ville, je rebroussai chemin et je me mis attentivement, respectueusement à leur écoute.
Puis, voulant chercher parmi les dépliants affichés, l’adresse d’un hôtel, je me trompai, et me saisis hâtivement de la photo d’un jeune enfant. On me remit les bons dépliants, et je me rendis au service d’immigration, où on me fournit une sorte de laissez-passer, que je ne regardai pas. Puis je sortis dans ma bien–aimée nuit balinaise, à la recherche d’un taxi pour me rendre à mon également bien bien–aimée Kuta, dont le doux souvenir réjouissait le tréfonds de mon cœur.
L’air était noir, mais je baignais dans un profond bonheur, car j’avais retrouvée ma bien-aimée Bali. J’eus de la peine à trouver un taxi, car une multitude de femmes vociférantes se jeta presque sur moi. Finalement, on partit. J’ai le vague souvenir d’un voyage sassez long dans la Nuit Noire de Bali, et finalement on arriva à un hôtel où quelqu’un (un touriste ?) se baignait dans une piscine. Ils furent très gentils avec moi, et je dormis habillée – comme les statues balinaises – dans une chambre, dans un grand lit.
Je ne sais pas dans quelle langue je m’exprimai avec les Balinais. Etait–ce en anglais ? Ou déjà en ce moment j’entendais ces voix qu’une jeune personne rencontrée à l’hôpital psychiatrique, où je serai placée à mon retour à Paris, appellera les « voix de l’inconscient », que j’appellerai moi-même, plus tardivement les« voix mystiques », ou, que, au temps présent, j’appelle les « voix souterraines » ? Le fait est qu’il me sembla qu’on me conseilla de dormir habillée. (Je ne me souviens plus si – dans ma hâte de rejoindre Bali, ou encore et plus précisément Kuta –je partis avec ou sans bagages.)
Le lendemain très tôt, ou dans la nuit (il faisait noir) on m’amena à une sorte de restaurant, où je pris mon petit–déjeuner. (Un simple café, je crois me souvenir.) Je ne sais pas qui étaient les jeunes filles qui me l’apportèrent. Je crus comprendre seulement qu’elles détestaient les Italiens. (Tout à fait comme moi.)
Puis, je repris un taxi, pour me rendre de nouveau à l’aéroport, et on repartit dans l’air noir. On traversa des lieux très sombres et laids, que les Occidentaux avaient abîmés, à Bali, et je me souviens d’un immense Supermarché Carrefour.
J’avais un peu peur, dans ce taxi, car la course ne terminait jamais, et je ne cessais de demander de bien vouloir m’amener à l’aéroport. Le chauffeur, alors, tourna un peu sa tête – dans le noir – et me demanda si je ne voulais pas qu’il m’amène à Ubud. À ce moment-là, je ne savais pas qu’est-ce que c’était qu’Ubud, le lieu où vivent et travaillaient les artistes (balinais et étrangers). Je ne le découvrirai que par la suite, une fois rentrée à Paris. Je le lirai derrière la photo de cet enfant qui m’avait tellement charmée. Trop tard ! Et je le regretterai amèrement.
Finalement on m’amena à l’aéroport où également une foule de chauffeurs de taxis m’entourèrent. Après maintes difficultés, une dame m’aida à repartir, car il me semblait que mon « travail » à Bali s’était terminé.
Au cours du voyage de retour, les jeunes filles Balinaises se rebiffèrent dans l’avion, et j’en étais bien heureuse. Elles me donnèrent à manger des « farfallette », des petites pâtes à formes de petits papillons, tout en criant : » Pâtes, pâtes ! ». Elles criaient et s’agitaient, et – moi – j’en étais toute satisfaite.
Ce que je ne sais pas encore, ce que je – dans ma recherche de mon « Temps perdu » – c’est si j’ai effectué 1 ou 2 voyages à Bali, car je me souviens très bien de ces vols, où des sortes de forces maléfiques voulaient, pour ainsi dire, me « plier »,, courber à tout prix et de toute leur force ma tête Un film sans voix, que je pris pour un film de Roman Polanski, me rafraichit le cœur, et me fit beaucoup rire, car j’aime beaucoup les films de Polanski, auquel je suis très reconnaissante pour son œuvre.
À mon retour à Paris, je voulais à tout prix repartir pour Bali, et je me rendis à Roissy Charles de Gaulle avec mon jupon blanc, pour y rencontrer le Prince des Singes, qui m’émut beaucoup, car il pleura, je ne sais pas pourquoi. On me dit même que c’était la saison des pluies, mais je voulais partir envers et contre tout, pluies ou pas pluies, et je me rendis à l’aéroport tous les jours, pour prendre l’avion avec le Prince des Singes. Il se révéla impossible. On voulait – contre mon vouloir – que j’aile au consulat italien pour me faire prolonger mon passeport, et on m’humilia beaucoup. Or (je l’ai découvert plus tard) mon passeport – gratuit – n’est valable que pour la Communauté Européenne. Mais j’étais prise par une sorte de Feu. De Feu sacré, qui comme le dit Jean Lauxerois dans l’un de ses si beaux, si vrais exergues extrapolés de l’œuvre de René Char, nous illumine le chemin, en marquant sur la page écrite ces mots qui disent :
Nous ne jalousons pas les dieux,
Nous ne les servons pas, ne les craignons pas,
Mais au péril de notre vie, nous attestons
leur existence multiple, et nous nous émouvons d’être de leur élevage aventureux lorsque cesse leur souvenir.
(*) Cité par Jean Lauxeois dans Ion et les autres textes – éd.Pocket,2008
(**) Jean Lauxeois –Walter F. Otto & le sens grec du divin –éd. du Grand Est–2009