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Billet de blog 29 novembre 2009

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L'ANTHROPOLOGIE DE L'AMOUR

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à Simone de Beauvoir

L’Amour… Certes… L’Amour… Et jusqu’à ce que – au cours de cet hommage rendu à ces deux êtres aimants qui, la main dans la main, et à l’abri de tout vacarme, sous leurs blanches chevelures, surent calmement choisir, et cheminer tout le long du chemin de la Mort– fut nommé l’Anthropologie de l’Amour… Une parole, l’Amour (me reprochera-t-on d’y avoir apposée une majuscule ?) qui revient à la mode, et sans crainte aucune d’une vaine rhétorique. Une parole qui s’accompagne d’autres mots, d’autres paroles, désormais à nouveau dans le coup, dans le vent (comme l’on dit), et qui, étroitement entrelacées les unes les autres, ne sont plus balayées d’un dédaigneux revers de la main, parce qu’estimées, jugées, à jamais ringardes. Paroles et mots accueillis dans les profonds Arcanes de nos cœurs d’humains. Des coeurs qui se devraient de garder – et à tout instant – leurs portails charnels grands ouverts, pour mieux débroussailler, pour mieux éclaircir, pour mieux laisser apercevoir et lire, absolument (d’une manière, et sur un mode, entendons-nous par là, tout à fait absolus), jusqu’en notre tréfonds. Mais aussi jusqu’au tréfonds de ce Monde, tout autour de nous… de cet Univers… de l’Univers tout entier… Infini… Inouï...

« Ne voudriez-vous pas, Madame, nous parler également de l’Univers, tel qu’il fut conçu dans ces temps d‘antan, dont vous aimez si ardemment les formulations artistiques ? »
Oui… Sans doute… En ces temps qu’on crut, qu’on croit encore aujourd’hui, lorsque des lèvres méprisantes les parcourent, à tout jamais éloignés, à tout jamais perdus, anéantis, sans laisser (aux yeux des moins avertis parmi nous), trace aucune à leur suite… Oui… Visions (perceptions ?) à jamais égarées, dans la Nuit des Temps…
L’Amour…. Ce mot (cette parole ?) que, dans ces Temps si lointains, dont il est ici question, l’on croyait qu’il (/qu’elle ?) régissait le processus entier de l’Univers. Son processus ?! Non ! Non ! En ces Temps-là, on croyait plutôt à la Gestation, à la Gestation en elle-même (comme l’on dirait) divine de l’Univers… Escortée, réglementée, réglée – cette même Gestation – par ses sphères étoilées… Sphères étoilées, qui tournoyaient, tournoyaient, dans les profondeurs des cieux, en émettant des sons, une musique toute d’une nature également céleste… Musiche celestiali… Des musiques d’une nature aussi céleste que, en ces temps éloignés (et si brutaux, quoique bien de chez nous), en ces temps – eux aussi – de disgrâces, de malheurs, de craintes pour la plupart des humains cruellement assujettis à des Despotes Théocratiques, en ces temps donc où ces Despotes, afin de mieux pouvoir entendre les sons angéliques de cette musique – par eux dite celestiale –, en enfreignant toute Loi, oeuvrant contre, bafouant tout déroulement approprié du Temps sur cette Planète, faisaient aveuglement émasculer les enfants des plus pauvres, des plus misérables, pour se régaler (le plus longtemps possible) des si douces harmoniques surgissant de leurs lèvres enfantines… Cori di voci bianche…Voci bianche…Chœurs de voix enfantines, si bien dirigées, si bien exprimées (jusqu’à nos jours), si bien entretenues dans les espaces sacrés de cette (désormais) presqu’île de Grande-Bretagne !
Une parole, l’Amour, qui fit (qui fait encore ?) rêver… Bien qu’elle ait été – tout à fait dernièrement – tellement décriée, bafouée, dénigrée… Rêver… bien sûr… même quand elle (cette parole) n’est pas (n’est plus ?) exprimée par une majuscule, comme nous venons de le faire sur cet écran…
C’est pourquoi, cette nuit, le sommeil court, court loin de nous, se précipitant en sa course folle, et toute enveloppée de son manteau venteux, hors ! hors ! loin de nous ! De nos yeux, de notre même souffle ! Tout au long de l’une de ces nuits que l’on dit, que l’on nomme, par ce mot, par cet adjectif qui sonne d’un poids si lourdement grave, à notre ouïe craintive, et qui s’inscrit sur cet écran sous sa mortifère appellation d’insomniaque.
À savoir : une nuit nourrie, parcourue, traversée d’insoutenables Insomnies. Et ceci, non pas par un manque, par un vide, mais par un plein, par un trop plein d’un je-ne-sais-quoi, contre lequel il est vain, il serait totalement vain de lutter, de combattre. Justement parce qu’en le combattant, en luttant contre cet x, contre cette « inconnue » mathématique, le corps (notre corps) ne pourra que se réveiller tout à fait. Et parce que – finalement – elle (cette immense Nuit Insomniaque) ne fait autre chose que de nous obliger à nous lever de notre lit (si douloureux, si parcouru d’inquiétudes !), pour chercher, dans l’immense désordre, dans le chaos qui nous entoure, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest ! ce livre, ce texte qui nous harcèle tant dans ce Grand Noir, et qui voudrait à tout prix s’imposer à nous, à nos yeux, pour se faire lire ! Ou mieux, relire ! Oui. C’est bien ça. Lire à nouveau… Après tant d’années de Silencieuses Attentes ! D’oublis profonds ! Depuis le (périssable ?) passage du Temps. De tout ce Temps !
C’est pourquoi je me lève, et je te cherche. Ô toi ! lourd ouvrage souffrant des peines d’un Amour si courtois, et qui fut – sans crainte aucune et avec autant de grâce – intitulé « La Cérémonie des adieux », en reprenant les mots mêmes, la parole, le questionnement (anxieux ?) de cet amoureux si plein de vie, et qui pourtant se hâta de la fuir, de l’écourter – sa propre vie – lorsqu’elle lui devint si chétive ! Ouvrage, qui, après avoir été parcouru, page après page, ligne par ligne, par mes pupilles, par mes yeux troublés, à sa fin, au plus creux de son dire, fit lever mon regard plein de larmes, de la page imprimée, m’enjoignant d’écrire ce mot, que je vous adressai, Madame, et qui disait : « Merci à vous d’exister ! »
* * *
Gente, très gente Dame,
permettez-moi de m’adresser à vous par de semblables mots, par une semblable appellation. Car dans les profondeurs secrètes de cette nuit sans fin que je suis en train de vivre, vous m’avez visitée (dans l’imaginaire ! bien sûr ! dans mon imaginaire !), m’empêchant de baisser, et de clore calmement mes paupières, pour plonger dans un sommeil tout traversé de quiétude… d’un sommeil (comme l’on dit) apaisant…


Mille pensées diverses (mille pensées contradictoires ? vivantes ? Vivantes parce que contradictoires, diriez-vous ?), mille pensées toutes remplies à ras bord, de douleurs et de saisissants étonnements, s’entrechoquent dans mon cerveau éprouvé. Et même plus profondément que ça ! Dans ma propre psyché. Et plus encore ! Dans mon cœur. Dans ce cœur, qui pulse, qui pulse fort, au plus creux de mes tympans, de mon ouïe même :attentive à son écoute silencieuse…
Je me tourne et retourne amèrement dans mon lit, les yeux mi-clos, vous parlant, Dame, par des paroles muettes. Oui ! Muettes, mes paroles, qui, pourtant, ne cessent pas un instant, n’arrêtent pas de s’enchaîner hardiment les unes les autres, afin de s’adresser à vous. À vous que je sens, que je sais ici – présente ! – à mes côtés, dans tout le poids de votre parole taciturne.
Je l’ai (finalement !) ouverte à nouveau, votre « Cérémonie des adieux ». Cela, afin de rechercher dans vos dernières lignes, là où – en toutes lettres – la MORT se dresse, enlaçant de ses filets touffus et pourtant clairs, la conclusion même de votre ouvrage, tissé et tendu vers l’Espace d’un Temps fini. Un ouvrage si douloureux, et qui ne pêche que par un trop de pénibles exactitudes. Oui… pénibles… et tellement ardues à dire, à conter, tout au long de la page, en les y incisant. Relire votre ouvrage. Oui ! Accomplissant ainsi (en le relisant, tout au long de cette nuit noire) une sorte de revirement (une sorte de revirement ? non ! non ! une révision, dirais-je). Une révision qui serait – à mes yeux d’aujourd’hui – urgente à effectuer, à réaliser, afin de pouvoir à mon tour inciser certes ! inciser dans ma propre chair, mieux, dans le muscle de mon cœur, le cercle de votre lancinante parole, qui erre sans cesse – dans ces immenses ténèbres –, en en transperçant le souffle, au TERRIBLE paraître !

Et voici que je viens de les parcourir à nouveau ces pages, vos pages, et en leur totalité. Ces mêmes pages qui, à une première lecture, à la lecture que j’en fis aux temps d’antan, et que jamais je ne saurais oublier, me dictèrent ces mots que j’ai transcrits plus haut, que je vous adressai alors, et que je vous adresse encore et encore, aujourd’hui, à cette heure, à l’heure présente – bien qu’en les soumettant à la métamorphose imposée par les temps de notre mortifère grammaire : « Merci ! Merci à vous, Madame, d’avoir existé! »

Est-ce cela, donc, est-ce précisément cela, ce que je voulais vérifier, me replongeant dans ce moi d’alors, qui me dicta ces mots ? Des mots qu’on pourrait dire sobres, même si tacitement épris de cette illimitée souffrance – amoureuse et mortelle –, qu’on ressentait en vous. Et ça, afin de tenter (vainement ?) de les déposer – ces mots –, dans un élan de silencieux et respectueux amour, aux côtés de votre parole, dans le blanc columbarium du souvenir. Une parole qui (comme à l’habitude) fut traquée, pourchassée, harcelée par autrui, dans le seul but de l’intimider à tout jamais, en vous blessant d’une blessure qui se voulait (mais le fut–elle ? réussit-elle à l’être ?) amère, afin de vous faire taire.
Et bien que – comme c’est l’usage ici, parmi nous, en souvenir des récurrences des centenaires de la Naissance, ou de la Mort –, tant d’écrits aient été tracés, tant de voix se soient manifestées, tout autour de vous, et de cet ouvrage qui fut votre labeur scriptural si étroitement enlacé aux branches vives de votre existence – allant, dans cette quête, jusqu’à montrer, sous nos yeux ébahis, votre corps : tout nu ! à la beauté, et à la lumière si saisissantes ! –, nous nous engageons nous aussi (quoique dans une tardive solitude), à la sillonner oui ! cette trame d’un Souvenir extrême, sans que jamais les yeux de notre cœur soient étonnés, à cause de votre irremplaçable, inépuisable présence, ni ne se sentent égarés, vis-à-vis de cette même présence.
Pupilles et yeux s’enhardissant à la traîne (à l’écoute ?) de cette ample et si ondoyante trame de remémorations (vagues entières de paroles étincelantes, résonnantes sur la grève, ou hautes vagues de paroles criantes la Furie des Océans), s’enhardissant donc à la traîne (à la poursuite ?) de ces souriantes (parfois rieuses ?) remémorations à la saveur de pleurs salés – prononcées par ce Musicien du verbe, par ce Musicien de la parole, qui nous conta avoir suivi – de son regard d’enfant – une lune… paraissant …disparaissant… réapparaissant… et encore… et encore… et qui nous en dévoila le parcours songeur, le nommant : « l’apparaître du retrait ». Oui… C’est bien ça… Mais ne pourrions-nous tout de même le dire, gente Dame, le formuler, le murmurer, sous vos yeux vivants, comme étant également une sorte de :

« fugitif apparaître du retrait » ?

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