Samedi 9 août, le conflit en Ossétie s'étend au territoire géorgien. Un des photographes de Paris Match me demande de lui imprimer les dépêches AFP détaillant la situation. Il est sur le départ et souhaite savoir où en sont les combats. «Difficile à dire, il y a une bataille de chiffres entre les Russes et les Géorgiens. par contre c'est sûr qu'ils bombardent une ville pas loin de Tbilissi.» Sur le fil photo de Reuters, on voit cette image, qui sera reprise partout, d'un homme dans les décombres de son immeuble à Gori, tenant dans ses bras un de ses proches, tué par le bombardement. On dit souvent que les femmes photographes de guerre ne font pas les mêmes photos que les hommes. Souvent, je me suis demandé si cette distinction avait bien un sens. La question du genre n'entrait pas, selon moi, dans ce type de métier. Un homme et une femme photographe amenés à photographier la même situation peuvent effectivement choisir deux angles différents, mais deux hommes photographes feront de même.
Pourtant, la couverture du conflit Ossète révèle bien une différence. Une différence d'approche, de sensibilité et surtout de choix du sujet. De ce qu'on en a vu, la plupart des actions stratégiques du conflit sont le résultat de bombardements. Les images envoyées par les correspondants sur place sont alors celles des résultats des attaques. Pour le moment la ville de Gori est fermée aux journalistes, on n'a donc que peu d'images des opérations de ce conflit. Du coup la différence de traitement saute aux yeux. Les hommes aussi bien que les femmes photographes n'ont que des éléments "périphériques" (victimes, ruines, déplacements de troupes et de réfugiés) à photographier mais les choix de sujet et la manière de le traiter sont déterminants.
Je suis donc tombé sur cet ensemble d'image, où l'on voit tout de suite la "patte" féminine dans la photo (cliquez sur l'image pour voir le diaporama) :

(c)Justyna Mielnikiewicz for The New York Times
Les images montrent du recul vis-à-vis des combats, un tempo moins rapide que chez d'autres photographes de guerre, et surtout un réel attachement au côté humain du conflit.
Le traitement éditorial du New York Times à propos de l'Ossétie est très complet, et au niveau de la photographie est à mon avis, le meilleur du moment. Aussi on peut naviguer d'une galerie photo à une autre. Et c'est justement ainsi que ce renforce cette idée de différence de traitement, avec pour preuve cette galerie sur les convois de troupes et de réfugiés où l'on peut quasiment dire sur chaque photo si c'est un homme où une femme qui l'a faite :

(c)Joao Silva for The New York Times