APHIZ (avatar)

APHIZ

Directeur adjoint - SàP

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 avril 2012

APHIZ (avatar)

APHIZ

Directeur adjoint - SàP

Abonné·e de Mediapart

Le pouvoir de dire non.

APHIZ (avatar)

APHIZ

Directeur adjoint - SàP

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

… Le pouvoir de dire non.

« Une société sans frontières est une société sans respect. Un pays sans frontières est un pays sans identité. Un continent sans frontières est un continent qui finit par élever des murs pour se protéger… » N.S.

« Il n’est rien de plus beau en démocratie que l’amour de son pays dont témoigne chaque bulletin de vote glissé dans l’urne le jour d’une élection. » N.S.

« Quelques jours avant l’élection, je veux m’adresser à chacun de vous. Je veux le faire le plus directement possible, sans aucun intermédiaire. Je veux le faire par écrit, car l’écrit demeure, l’écrit engage. » N.S.

Nicolas Sarkozy - Président de la République française - Avril 2012

∞ ∞ ∞

Monsieur le Président-candidat,

Je suis consterné par votre trop longue lettre que vous souhaitez m’adresser personnellement, sans aucun intermédiaire, tant vos écrits vous engagent. Mais ils n’engagent que vous.

Frontières & Identité

Notre pays s’entend sur 4 des 5 continents et possède la seconde plus grande zone économique exclusive du Monde. Selon vous, un pays sans frontières est un pays sans identité. Comment croyez-vous que se soit fondée notre Nation ? Elle s’est fondée grâce aux femmes et aux hommes des provinces de France et d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Océanie ; lui conférant ainsi une identité universelle, car pluriethnique et multiculturelle depuis l’avènement du premier royaume des Francs Saliens de 481 à 511, puis de la partition nouvelle de la Francie par le traité de Verdun en 843. L’ouvrier franc-comtois de Peugeot s’y reconnait tout autant que le maire de la commune de Saül (au centre du plus grand département français) et que la principale du collège Bouvet de Saint-Benoît ou que la pharmacienne de Mende.

Depuis les règnes de Clovis et des empereurs Charlemagne et Napoléon jusqu’à second empire colonial démantelé autour de 1960, l’identité française ne se borne pas à ses frontières métropolitaines qui ne sont d’ailleurs définitives (hors cas particulier de l’Alsace-Lorraine) que depuis deux générations et demie. Et depuis Clovis, bien des princes ou des gouvernants en leurs alliances, bien des évènements collectifs français, européens ou mondiaux, heureux ou malheureux, bien des productions du travail, du génie et des arts, autant que les actes, les vies, les morts, les engagements et les suffrages du peuple de toutes les conditions ont façonné l’esprit français, par sa culture, en sa nature ; au point que, partout dans le Monde, la France fait toujours écho dans l’inconscient collectif. Notre pays, sans besoin même de rapporter sa population pour comparaison aux nombres d’habitants respectifs d’autres pays, est et demeurera le plus visité.

Notre identité est dans le regard porté sur notre histoire et sur ce que nous en faisons au gré des générations ; sur ce qui fut accompli et de quelle manière, et sur les particularités françaises que nous perpétuons ensemble. L’identité française n’est pas en péril, Monsieur le Président-candidat, et vous n’en êtes ni le dépositaire ni le meilleur exemple de garant. Votre comportement personnel, votre vision de la France et des Français, vos discours et votre exercice du pouvoir vous ont écarté du respect même de la fonction éminente confiée par la majorité des citoyens ayant pris part à votre élection. 

Amour & Respect

Selon vous : « Il n’est rien de plus beau en démocratie que l’amour de son pays dont témoigne chaque bulletin de vote glissé dans l’urne le jour d’une élection. » Ces mots sont un outrage à l’intelligence des citoyens auxquels vous vous adressez.

L’amour de son pays manifesté dans une… urne !? Vous insultez tous les Français qui ne votent pas, qui n’ont pas voté et qui ne voteraient pas, en insinuant qu’ainsi ils n’aimeraient pas ou pas assez leur pays. Vous insultez toutes celles et ceux qui œuvrent chaque jour à nos côtés et qui n’ont même pas le droit de vote. Vous insultez la mémoire des générations sacrifiées au travail sur le sol français, et au champ d’honneur pour la patrie, dont l’opprobre jeté sur eux par vos discours et décisions discriminatoires atterre les descendants. L’amour de son pays, Monsieur le Président, a ceci de supérieur qu’il est intime, viscéral et notoirement désintéressé, et ses voies pour le ressentir, le vivre et le manifester vous échappent au plus haut point. À le rapprocher de l’amour de son prochain ou de la simple expression d’une humanité, votre discours à Dakar en 2007 est le pire exemple et la meilleure preuve que votre vision de celui-ci est radicalement et définitivement incompatible avec la fonction que vous briguez aujourd’hui : représenter et conduire la destinée de notre pays.

L’amour de son pays manifesté dans une urne ? Ensemble les bulletins de vote donnent quitus ; vous en avez déjà bénéficié. L’abstention n’est pas un manque d’amour ni un désintérêt citoyen. L’abstention n’est que la sourde, mais éclatante manifestation du vide… et des désaccords avec les projets ou avec les personnalités à élire. Le charisme, l’honneur, la compétence et la responsabilité ont reculé face aux compromis du pouvoir devenus compromissions. Vous citez Renan : « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue, ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore à l’avenir. » Méditez cette citation, en chaque mot, en chaque proposition, autant que votre choix de celle-ci ! Vous ne pouvez dignement pas vous y reconnaître, pas plus que les Français ne peuvent vous y retrouver là, dans une pertinence de temps, de lieu et d’action.

Humanisme

La France, « patrie de Voltaire et d’Hugo » s’en réclame donc, bien que son histoire les ait contraints à l’exil. L’exil ou l’émigration sont-ils le déshonneur ; se réfugier au-delà d’une frontière constitue-t-il un manque de respect pour un côté ou l’autre d’une ligne ? Quelle est votre société, Monsieur le Président-candidat, et quelles en sont les frontières, et où y réside précisément le respect dû à celle-ci !? « Une société sans frontières est une société sans respect. » Assurément, cette phrase n’a aucun sens. Pourtant, ces deux Français engagés et illustres, émigrés en leur temps dont vous prétendez vouloir porter haut les contributions identitaires nationales s’exileraient une fois encore de votre société aux frontières de l’irrespect…

Notre pays, Monsieur le Président-candidat, n’est pas une holding ni le navire insubmersible d’une ambition personnelle. En cette lettre que vous m’adressez sans intermédiaire, votre dessein s’apparente à un contrat de promesses renouvelées en mensonges, à juxtaposer aux précédentes qui ne furent pas tenues. Votre mandat expire, et inspire d’autres ambitions pour nos compatriotes, pour le peuple de France. Des écrits donc, des actes et des propos d’un chef d’État que l’exercice du pouvoir suprême n’aura décidément pas grandi.

Avec ma parfaite considération due à votre fonction seule 

APHIZ - 12-IV-2012

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.