Ce n’est pas le printemps
Ce n’est pas le printemps.
Malgré la date et le calendrier. Malgré
L’équinoxe fidèle qui vient nous saluer
Malgré l’astre solaire, qui s’affirme chaque jour
Avec plus de chaleur et avec plus d’amour
Malgré les bêtes en rut, et malgré les boutons
Qui annoncent les fleurs, et malgré les bourgeons
Gorgés de notre espoir de lendemains plus verts
Après les teintes tristes d’un trop long hiver
Ce n’est pas le printemps.
Quand on salue l’ami de la pointe du pied
Quand on craint la toux sèche d’un passant enrhumé
Quand il devient douteux que deux amants s’embrassent
Quand le gouvernement fait fermer les terrasses
Quand le souci écrase, quand nous vivons cloitrés,
Et quand les hôpitaux crèvent d’être saturés
Ce n’est pas le printemps.
Les journées qui rallongent, les parfums alléchants
Les semis qui frissonnent dans les sillons des champs
Les folles hirondelles virevoltant dans les cieux
Ne sont que faux prophètes et signes fallacieux
D’une belle saison qui cette année s’attarde
Et prive de ses faveurs un peuple qu’on placarde
Ce n’est pas le printemps.
A quoi bon le soleil, s’il doit venir s’échouer
Sur nos maisons en deuil et leur portes fermées
A quoi bon la chaleur, si les corps découverts
Restent dans l’ignorance des faveurs du grand air
Et si leur gracieuse perfection esthétique
Reste fruit défendu aux âmes romantiques
Ce n’est pas le printemps.
Cette asocialité et ce confinement
Cette distanciation, cet emprisonnement
Sont contraires aux principes les plus fondamentaux
De la saison jolie des fleurs et des oiseaux
Mais le printemps viendra.
Dussions nous attendre encore jusqu’au solstice
Il viendra, triomphant, et fera son office
Avec plus de superbe et de magnificence
Que jamais nous n’en vîmes dans les saisons de France.
Alors viendra le temps de l’amour et des fleurs,
Nos cœurs déborderont d’une inédite ardeur
Et nous célébreront le printemps revenu
Et nous rattraperons tout le printemps perdu.