Dans une interview au Spiegel, datant du 8 août dernier, l’économiste James K. Galbraith, fils de l’économiste John K. Galbraith, et qui a fait partie d’une « task force » au sein du ministère Varoufakis, revient sur son travail au cours de premiers mois du gouvernement Syriza. Et en profite pour tordre le cou aux rumeurs répandues ces dernières semaines sur Varoufakis. Traduction assurée par mes soins.
Interview originale à découvrir ici.
Spiegel : M. Galbraith, vous avez fait partie d’un petit groupe au ministère de Finances grec chargé d’élaborer un plan secret de retour à la drachme. Quand avez-vous commencé à élaborer ce plan, et de quoi avez-vous parlé ?
Galbraith : Mes archives mentionnent que les discussions ont commencé vers la fin mars pour se terminer dans la première semaine de mai, quelque chose comme cela. Nous n’étions pas chargés d’établir un « plan secret » mais de pointer les problèmes, les enjeux et les défis qui ne manqueraient pas d’apparaître si la Grèce était expulsée de la zone Euro par ses partenaires européens. La majeure partie de notre travail consistait en recherches historiques, sur les crises financières du passé, comme en Californie au début des années 2000 ou à Chypre. Donc, il était surtout question de partir de ces recherches pour élaborer un chemin viable de sortie dans le contexte grec.
Spiegel : Avez-vous atteint le moment ou ce scénario pouvait devenir réalité ?
Galbraith : Non.
Spiegel : Dans ce cas, pourquoi l’avez-vous préparé en secret ?
Galbraith : Pour une raison évidente : si notre travail avait été rendu public, il aurait été mal interprété.
Spiegel : La clandestinité de vos préparatifs a alimenté les rumeurs d’un coup d’Etat.
Galbraith : nous n’avons jamais participé aux discussions politiques, pas plus que nous n’avons pris part aux décisions du gouvernement grec. Donc, non, il n’y a rien eu de la sorte.
Spiegel : Il y également eu une rumeur selon laquelle l’administration fiscale grecque aurait été piratée pour avoir accès à ses données. Cela a-t-il fait partie des discussions ?
Galbraith : Non, pas du tout. Mais l’idée de se servir du système de collecte de l’impôt actuel pour rendre les paiements de l’Etat grec à ses créanciers plus aisés a été ouvertement mise sur la table par le ministre des Finances Yanis Varoufakis le jour de sa démission. Cela n’a visiblement pas retenu l’attention de qui que ce soit à ce moment-là. Cela entrait parfaitement dans le champ de compétences du ministère des Finances.
Spiegel : La mission dont Varoufakis s’était chargé était-elle impossible, en fin de compte?
Galbraith : En tant que ministre des Finances, Yanis Varoufakis a donné tout ce qu’il a pu pour parvenir à un compromis qui aurait permis quelque espoir de stabilisation économique en Grèce, et de panser les plaies de la débâcle économique de ces cinq dernières années.
Spiegel : Le principal adversaire de Varoufakis fut la ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Comment qualifieriez-vous le rôle qu’il a joué ?
Galbraith : Tout comme Varoufakis, j’ai un grand respect pour le ministre allemand des Finances. Mais je peux en toute justice affirmer que les impératifs politiques et les engagements économiques de M. Schäuble sont incompatibles avec les nécessités urgentes de l’économie grecque.
Spiegel : Le dernier accord passé entre le Grèce et l’Europe est-il bon ?
Galbraith : Je ne crois même pas que le ministre Schäuble le considère comme une bonne solution. Et, bien sûr, nous savons qu’il existe toujours de très fortes divergences entre le FMI et les créanciers européens, tout particulièrement le gouvernement allemand, sur la question de l’effacement de la dette. Donc, l’accord n’est pas véritablement là – et la question de savoir s’il va se faire n’est pas encore posée.
Spiegel : Pensez-vous qu’un Grexit serait ce qu’il y aurait de mieux pour l’avenir de l’Europe ?
Galbraith : Voilà une question difficile. L’enjeu, ce sont les coûts qu’engendrerait la transition, d’une part, et les risques et les avantages de disposer d’une monnaie enfin indépendante d’autre part. En fin de compte, il vaudrait mieux que ce soient les institutions politiques grecques et européennes qui la prennent, car ce sont eux qui en auront la responsabilité.