Les armes et l'argent occidentaux ont prolongé et intensifié le conflit. Notre seule tâche doit être d'arrêter de prendre parti, et d'aider ceux qui fuient ce conflit.
La nouvelle d’aujourd’hui, à savoir que le Secrétaire d’Etat John Kerry, et le Ministre russe des Affaires Etrangères, Serguei Lavrov, se réunissent à Genève pour discuter d’une fin du conflit syrien, devrait mettre du baume au cœur à tous. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
La réponse, c’est que ces puissances extérieures au conflit ainsi que d’autres ont déjà essayé, en vain. En grande partie parce que chacune de ces puissances contribue à prolonger la guerre en soutenant ses poulains respectifs. Et c’est ainsi que 250 000 Syriens sont morts, que des millions sont devenus des réfugiés, et que des trésors de la civilisation mondiale se sont retrouvés détruits.
En vérité, depuis la première invasion des Etats-Unis au Moyen-Orient en 2003, la Syrie est devenu l’exemple parfait du fiasco diplomatique.
En 2011, le monde du renseignement (ainsi que leurs pom-pom girls médiatiques) prédisaient à Assad le même destin qu’à d’autres dictateurs arabes : il tomberait, et l’Occident pourrait ainsi soutenir la Syrie vers une nouvelle ère de démocratie à l’occidentale. Lorsqu’il s’avéra que cela ne se produirait pas, les faucons (David Cameron inclus) poussèrent à l’invasion et à son renversement, et à l’installation d’un gouvernement composé de Syriens « à nous », en paix entre eux et avec le reste du monde.
Ce que l’on peut retenir des exemples Afghan, Irakien, Egyptien et Libyen, c’est que le monde se comporte rarement comme le voudraient les experts occidentaux. Les autres nations ont leurs propres façons de faire –et leurs propres guerres. L’horreur syrienne a commencé avec une révolte à caractère confessionnel bien propre à la Syrie. Lorsqu’il est devenu évident que la chute d’Assad n’aurait pas lieu, l’Occident a aidé ses ennemis avec des vivres, de l’argent, des armes, et plus important encore, de l’espoir. Ceux-ci furent rapidement rejoints par Daech, surgissant hors du sanctuaire sunnite que leur avait créé l‘intervention maladroite des Britanniques et des Américains. Avec la Russie et le Hezbollah en soutien d’Assad, la recette pour la tempête parfaite était complète. Et cela n’a pas changé depuis.
La réalité de cette partie du monde, c’est que l’ordre et le pouvoir prennent invariablement la démocratie « à l’occidentale » par surprise. Le soutien de l’Occident aux ennemis d’Assad, comme le renversement de Saddam [Hussein] et de Kadhafi, n’ont pas fait avancer la démocratie, mais le chaos. Ce soutien a montré l’arrogance de l’empire, mais pas le moindre engagement. Il s’est contenté de bricoler, à rebours de la vieille maxime, « mieux valent 1000 ans de tyrannie qu’une journée d’anarchie ».
Il est deux devoirs que le monde extérieur doit avoir envers les pays en situation de guerre civile. Le premier, c’est de ne pas prendre parti, de « donner une chance à la guerre » de résoudre le conflit en interne, et de ne pas attiser ses horreurs avec des armes, et l’espoir de renforts. L’autre, c’est d’aider ceux qui fuient cette horreur et s’en remettent à la bonne volonté du reste de l’Humanité.
Ces deux objectifs sont à notre portée –mais nous y échouons. Il est peu probable qu’ils figurent seulement au programme du sommet de Genève.
Simon Jenkins, The Guardian, 26 août 2016. Traduction par mes soins.
 
                 
             
            