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Billet de blog 1 février 2022

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Les projets des régions PACA et AuRA pour les alpes. Un crime d'écocide?

La convention interrégionale du massif des Alpes, CIMA, rédigée par l'Etat et les régions AuRA et PACA pour 2021-2027, affirme lutter contre le réchauffement climatique et la chute de la biodiversité. Il n'en est rien. L'association VAM (Vivre et Agir en Maurienne) s'est positionnée officiellement contre ce projet.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Le texte de la CIMA2021-2027 est visible sur internet: 
 https://www.prefectures-regions.gouv.fr/provence-alpes-cote-dazur/Documents-publications/Consultation-pour-la-Convention-interregionale-du-massif-des-Alpes-CIMA-2021-a-2027

Voici cette contribution de VAM

Le 25 janvier 2022

Avis de VAM ( vivre et agir en Maurienne ) association de défense de l'environnement en Maurienne, sur la CIMA, convention interrégionale du massif des Alpes.    Par Jacques Menegoz, membre de VAM.

Adresse : le Planet 73130 Saint François Longchamp.

Mail : jacques.menegoz@gmail.com.        vamaurienne@yahoo.fr 

Résumé

La CIMA 2021-2027, convention interrégionale du massif des Alpes, doit décider de l’avenir des Alpes françaises pour les 6 ans à venir. Elle met en avant 2 problématiques majeures, le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité. Tout au long de son texte de 75 pages elle aborde donc avec insistance les thématiques d’économie d’énergie, de transports décarbonés, de limitation des émissions de gaz à effet de serre, de protection de l’environnement, de circuits courts, de rénovation énergétique des logements. Mais contrairement aux textes officiels des SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires et des PCAET (plan climat air énergie territorial), elle ne fait pas un état des lieux chiffré, et elle n’annonce pas de mesures chiffrées et contraignantes pour aboutir à un résultat déterminant fixé par la COP 21 de Paris et le gouvernement, à savoir la neutralité carbone en 2050. Elle laisse donc libre la voie à un développement économique délétère pour le climat et la biodiversité. En apparence soucieuse de protéger ceux-ci, elle collabore en fait à un crime contre l’humanité, celui d’écocide.

Une première proposition est de faire un bilan carbone global des Alpes françaises, en différenciant les secteurs d’activité, tourisme avec les stations de ski, transports, industries etc… de manière à faire évoluer les stations de ski par exemple, ou toute autre activité, de façon conforme au but affiché par l’état, à savoir la neutralité carbone en 2050.

Sommaire :    1/Analyse critique de la CIMA. Page2 à 8.

                      2/ Analyse critique du rapport environnemental du cabinet privé Ecovia d’Aix en Provence. Page 8 à 10.

                     3/ Rapport de l’autorité environnemental sur la CIMA. Celui-ci n’a pas pu être produit. Page 10

                     4/Propositions. Page 10 et 11

                     5/ Conclusion. Page 11

                     6/ Bibliographie. Page 11 et 12

1/Analyse critique de la CIMA 2021-2027 (75 pages).

La CIMA ne tient compte ni du SRADDET ni du PCAET. Elle parle beaucoup d’environnement, de lutte et d’adaptation au réchauffement climatique, de préservation de la biodiversité, mais ne donne aucun chiffre, ne prévoit aucune mesure sérieuse qui permettrait d’atteindre les objectifs fixés par l’état, objectifs très importants pour éviter une catastrophe climatique et environnementale. Au contraire, cette convention laisse le champ libre à un mauvais développement économique et industriel, avec une hyper utilisation des énergies fossiles, des émissions catastrophiques de gaz à effet de serre, une artificialisation des sols démesurée, et par ailleurs propose des mesures environnementales (économies d’énergie, transports décarbonés, économie circulaire, développement des énergies renouvelables) ridiculement faibles.

La CIMA est donc très consciente de la gravité du réchauffement climatique et de la chute de la biodiversité. On retrouve la mention de « réchauffement climatique » et de « risque pour la biodiversité » tout au long du texte, mais sans mesures ou plans efficaces prévus dans les années qui viennent.

La CIMA affirme aussi qu’elle se conforme aux textes administratifs qui analysent l’environnement, l’eau, l’énergie etc…   des régions. Il s’agit de nombreux documents qui s’emboitent un peu comme des poupées russes, avec de nombreux recoupements, de nombreuses similitudes, des portées semblables et des enjeux qui se ressemblent : il s’agit entre autres du SRADDET, du PCAET, du SCOT, du SCOT-PCAET, du PLU, du PLUI, du SDAGE etc…. documents issus des services de l’état et des régions qui sont extrêmement précis et complets.

Mention est faite de façon très détaillée dans ces textes, des quantités de gaz à effet de serre émises en France, en Europe et dans le monde, des manières de les évaluer, et aussi de les diminuer. Sont  aussi mentionnées les règles instaurées pour obtenir ces résultats qui s’appliquent aux collectivités territoriales et aux entreprises en particulier. (dispositif BEGES dans le cadre règlementaire du SRADDET, du 17 août 2015). Ces règles, si elles ne sont pas respectées entraînent des pénalités.

Or la CIMA, extrêmement prolixe pour affirmer qu’il faut lutter contre le réchauffement climatique et préserver la biodiversité, ne chiffre aucune proposition. Des intentions louables, certes, mais aucun projet évalué permettant de baisser les émissions de GES en PACA et AuRA, et par conséquent de respecter les textes officiels et les décisions de l’état.

La CIMA met en avant (de façon qualitative donc et non quantitative) les mesures positives telles que l’efficacité énergétique des bâtiments, les transports décarbonés (vélo, train, covoiturage), le télé travail, les circuits courts, le recyclage, le ferroutage, la relocalisation des entreprises, mais là aussi sans plans détaillés, sans évaluations chiffrées, sans règles précises qui obligeraient les différents acteurs à agir sous peine d’amendes conséquentes.

 Par ailleurs elle ne mentionne pas du tout les mesures absolument nécessaires mais qui fâchent, telles que la diminution du nombre de voitures mêmes électriques (la voiture électrique n’est pas une solution définitive, il faut de l’énergie pour fabriquer l’électricité), la diminution des transports de personnes ou de marchandises par avion, l’arrêt des grands travaux inutiles tels que le Lyon Turin ferroviaire ( analysé comme inutile et dangereux pour l’environnement par toutes les études techniques, économiques ou environnementales françaises et italiennes), de la construction de nouvelles autoroutes, de l’artificialisation des sols par les grandes surfaces commerciales, de l’agrandissement des stations de ski qui grignotent les espaces de biodiversités et de cultures.

Pour toutes ces raisons, La CIMA, contrairement à ses affirmations, n’est pas en conformité avec le SRADDET.

. En outre, Le SRADDET de la région AuRA rappelle :

«  L’Accord de Paris de décembre 2015 entré en vigueur en novembre 2016 a fixé les objectifs de "maintenir l’augmentation de température mondiale nettement en dessous de 2° d’ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts en vue de limiter cette hausse à 1,5°". »

Il comprend le PCAET de 2016, qui définit les diagnostics, les moyens, les programmes, l’évaluation des résultats pour garantir une lutte efficace contre le réchauffement climatique et pour une sobriété énergétique indispensable.  Voici ce texte : http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/le-plan-climat-air-energie-territorial-en-auvergne-a9589.html#sommaire_1

Rappelons les différentes étapes du PCAET, qui sont tellement importantes :

« Le PCAET est un projet territorial de développement durable. A la fois stratégique et opérationnel, il prend en compte l’ensemble de la problématique climat-air-énergie autour de plusieurs axes d’actions :

  • la réduction des émissions de GES
  • l’adaptation au changement climatique
  • la sobriété énergétique
  • la qualité de l’air
  • le développement des énergies renouvelables.


Le PCAET s’applique à l’échelle d’un territoire donné sur lequel tous les acteurs (entreprises, associations, citoyens…) sont mobilisés et impliqués. Il est mis en place pour une durée de 6 ans.

 Les étapes d’un PCAET


Diagnostic territorial

  • estimation des émissions territoriales de GES et analyse de leurs possibilités de réduction,
  • estimation des émissions territoriales de polluants atmosphériques et analyse de leurs possibilités de réduction,
  • estimation de la séquestration nette de CO2 et de ses possibilités de développement
  • analyse de la consommation énergétique finale du territoire et de son potentiel de réduction
  • présentation des réseaux de transport d’électricité, de gaz et de chaleur, les enjeux de la distribution d’énergie sur le territoire et une analyse des options de développement de ces réseaux
  • état de la production des ENR et une estimation du potentiel de développement de celles-ci
  • analyse de la vulnérabilité du territoire aux effets du changement climatique.

Stratégie territoriale et définition d’objectifs

Les objectifs du PCAET portent à minima sur

  • la maîtrise de la consommation d’énergie
  • la réduction des émissions de GES
  • le renforcement du stockage de carbone sur le territoire (dans la végétation, les sols,…)
  • la production et la consommation des énergies renouvelables, la valorisation des potentiels d’énergie, de récupération et de stockage
  • la livraison d’énergie renouvelable et de récupération par les réseaux de chaleur
  • les productions bio-sourcées à usages autres qu’alimentaires
  • la réduction des émissions de polluants atmosphériques et de leur concentration
  • le développement coordonné des réseaux énergétiques
  • l’adaptation au changement climatique


Programme d’actions

Il définit les actions mises en œuvre par la collectivité et celles à mettre en œuvre par tous les acteurs socio-économiques pour atteindre de manière progressive les objectifs fixés. L’élaboration du programme d’actions s’accompagne de la définition d’un dispositif de suivi-évaluation devant permettre de mesurer la réponse aux objectifs du PCAET.
Les secteurs d’activités concernées par le programme d’actions :

  • résidentiel, tertiaire
  • transport routier et autres transports
  • agriculture
  • déchets
  • industrie hors branche énergie, branche énergie (hors production d’électricité, de chaleur et de froid pour les émissions de GES dont les émissions correspondantes sont comptabilisées au stade de la consommation)


Évaluation du PCAET

Elle porte sur la réalisation des actions et le pilotage adopté. Elle décrit les indicateurs à suivre au regard des objectifs fixés et des actions à conduire et les modalités suivant lesquelles ces indicateurs s’articulent avec ceux du SRCAE. » Fin de citation de ce qui est écrit dans le SRADDET sur le PCAET.

Ce PCAET est capital, car il est chiffré et obligatoire selon la loi pour les différents acteurs : collectivités, industries, transports, tertiaire etc…

Un décret de ce PCAET stipule : « Art. R. 229-52. – Pour la réalisation du diagnostic et l’élaboration des objectifs du plan climat-air-énergie territorial, les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques sont comptabilisées selon une méthode prenant en compte les émissions directes produites sur l’ensemble du territoire par tous les secteurs d’activités, en distinguant les contributions respectives de ces différents secteurs. »

Voir aussi la politique bas carbone pour obtenir de bons résultats :

http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SNBC_resume_pour_decideurs_VFClean-1_DICOM-V2-4.pdf

http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Decret_budgets_carbone_strategie_nationale_bas_carbone-2.pdf

Analysons La COP 21 de Paris :

Rappelons encore une fois car c’est important, que les buts donnés par La COP 21 en 2015 sont : un accord universel et ambitieux pour contenir la hausse des températures bien en-deçà de 2°C, et s’efforcer de la limiter à 1,5°C, un accord juste et solidaire et l’ambition de créer d’ici 2020 les conditions nécessaires pour que les objectifs de l’accord de Paris soient atteints, et même dépassés.

 A l’échelle européenne :


Des engagements européens « paquet énergie climat » visant à limiter les émissions de CO2 tout en renforçant la compétitivité et la sécurité d’approvisionnement du système énergétique

  • Horizon 2020 : réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990, porter la part des renouvelables à 20 % de la consommation et réaliser 20 % d’économies d’énergies, 3X20 (déclinaison juridique dans règlements et décisions),
  • Horizon 2030 : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre de l’union européenne par rapport à 1990, porter à 27 % la part des énergies renouvelables dans la consommation, améliorer de 27 % l’efficacité énergétique

 Au niveau national :

  • Inscription de l’objectif Facteur 4 « diminution de 75 % de nos émissions de GES pour contenir l’augmentation de température à + 2°C entre 1990 et 2050 » dans la loiPOPE du 13 juillet 2005 et la loi Grenelle du 3 août 2009
  • Premier plan national d’adaptation au changement climatique pour la période 2011 2015
  • Grand débat national sur la transition énergétique de novembre 2012 à juillet 2013
  • Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 qui refixe les objectifs à moyens (2030) et long terme (2050) et pose les outils d’une gouvernance dynamique pour y parvenir.

Le plan climat du gouvernement publié en juillet 2017 fixe un nouveau cap pour tous, celui de la neutralité carbone à horizon 2050 (Accord de Paris)

  • Feuille de route au ministère sur les enjeux de politique climatique pour les 5 ans à venir, en association avec les ministres du travail, santé, cohésion des territoires, agriculture/alimentation ;
  • Support du projet de société pour la transition écologique, il doit mobiliser tous les acteurs et parties prenantes (entreprises, collectivités, citoyens, État), tous les secteurs (bâtiment, transports, énergies, agriculture et forêts, industrie et déchets) : 23 axes/priorités répartis en 6 grandes thématiques;
  • Définit les priorités liées à l’énergie et la prise en compte des grands enjeux environnementaux en lien avec le réchauffement climatique: adosser la mise en œuvre du plan climat à la LTECV (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte) et à la loi pour la reconquête de la biodiversité ;
  • Des moyens sont dédiés : fiscalité environnementale, mesures d’accompagnement pour les ménages modestes,contractualisation avec les collectivités territoriales et les filières industrielles, accompagnement des PME et acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Pour plus d’informations, se reporter au site du ministère de la transition écologique et solidaire

Voici le cadre réglementaire BEGES :

http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/bilans-des-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-beges-r3330.html

Cadre réglementaire

publié le 22 février 2017 (modifié le 8 novembre 2021)

Les collectivités territoriales (région, départements, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communes et communautés de communes de + de 50 000 habitants), l’État, les entreprises de plus de 500 salariés et les établissements publics de plus de 250 salariés.

sont obligés de :

  • réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serreet,
  • un plan d’actions mentionnant le volume global des réductions d’émissions de gaz à effet de serre attendus.

La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a fixé la date du 31 décembre 2012 pour la réalisation de cette obligation.

Le dispositif BEGES a été actualisé par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV)

L’article 167 de la loi TECV a donné la possibilité de modifier par ordonnance la réglementation des bilans des émissions de gaz à effet de serre afin de :

  • modifier la périodicité des bilans pour les entreprises de plus de 500 salariés uniquement (4 ans au lieu de 3 ans auparavant),
  • mettre en place un dispositif de sanction en cas de manquement à l’exigence de réaliser un BEGES,
  • permettre la collecte des informations de façon centralisée via une plateforme informatique mise en place à cet effet (hébergée à l’adresse http://www.bilans-ges.ademe.fr/).

Voici donc analysés en partie les points importants du PCAET.

La CIMA ne mentionne même pas ces mesures et objectifs, rien n’est prévu dans la CIMA pour les appliquer et les atteindre.

 Que trouve t-on concrètement dans la CIMA ?

Page 13, sur la mobilité décarbonée : la CIMA affirme que c’est important, mais aucun chiffrage, aucune mesure pratique n’est avancée. La CIMA ne parle pas d’une diminution du parc automobile si les transports en commun deviennent opérationnels. Si on veut une baisse des émissions de GES, il faut diminuer le nombre de voitures, ce qui n’est possible que si les transports en commun et le vélo sont suffisamment développés, sans oublier les trains du quotidien.

Page Page 14 : sensibiliser la jeunesse à une bonne pratique de la montagne. Mais comment faire cela alors que la CIMA ne propose aucune solution crédible ?

Page 14 et 15 : développer le tourisme 4 saisons. Là encore rien de chiffré, aucune mesure précise avancée. Et pire, la CIMA préconise de développer le tourisme le printemps et l’automne dans les stations de ski (ce qui est positif) mais sans empêcher le développement des activités d’hiver. Je cite : « ne pas opposer diversification des activités et confortement des sports et loisirs d’hiver ».

Et aussi : « consolider les stations de taille et altitude moyenne……tout en tenant compte des enjeux climatiques ».

 Donc il s’agit de faire un peu mieux mais en aggravant le mal par le développement des stations de ski pour l’hiver ce qui est catastrophique pour l’environnement et le réchauffement climatique. Faut-il rappeler qu’il y a 194 stations de ski dans les Alpes françaises qui détruisent la faune, la flore, artificialisent les sols, détruisent les zones humides, les ZNIEFF( zones naturelles d’intérêt écologique floristique et faunistique) les corridors écologiques, et émettent d’énormes quantités de GES surtout par la construction d’immeubles utilisés seulement 4 mois par an et la venue de voitures innombrables, sans compter les voyages en avion . De cela la CIMA n’en dit pas un mot.

En Tarentaise, zone de montagne (située en Savoie donc en AuRA )  la plus skiée du monde, 70% de la surface de cette région située en rive gauche de l’Isère est occupée par des pistes de ski. Une atteinte incroyable aux milieux naturels.

 Actuellement plusieurs stations de la vallée de la Maurienne prévoient de construire de nouvelles résidences touristiques, de nouvelles remontées mécaniques, de nouvelles pistes en altitude et même de relier les stations entre elles. C’est une fuite en avant dans un équipement de la montagne extrêmement délétère, en ce qui concerne la biodiversité, le réchauffement climatique et la pollution de la vallée.

Comment ne pas voir qu’il y a une contradiction complète dans le fait de vouloir développer encore les stations de ski et en même temps vouloir lutter efficacement contre le réchauffement climatique ? Tout au long de ce texte de la CIMA cette contradiction est présente.

En page 15 : La CIMA parle des lits froids en station. Mais aucune visibilité n’est donnée. Comment permettre aux travailleurs de ces communes touristiques de vivre au pays alors que les prix de l’immobilier sont prohibitifs ? ...des vœux pieux, pas de mesures concrètes.

En page 15, sur l’agriculture. La CIMA ne mentionne pas l’utilisation des pesticides et engrais chimiques qui sont responsables d’une grave détérioration des terres et de maladies chez les agriculteurs et les consommateurs. La CIMA se voile la face.

Elle parle de circuits courts, d’aides à l’agriculture locale, mais ne parle absolument pas de l’élevage industriel et de l’agriculture intensive qui détruisent justement notre élevage et notre agriculture locaux. Encore un « non-dit » comme ce texte de la CIMA en est rempli. 

Page17 : le programme européen FEDER.

Celui-ci reprend les mêmes thématiques que celles des alpes françaises, à savoir lutter contre et s’adapter au réchauffement climatique, lutter contre la chute de la biodiversité, favoriser la mobilité décarbonée, toujours la même rengaine, sans mesures précises, sans état des lieux des émissions de GES, sans plans pour atteindre la neutralité carbone en 2050 comme le SDADDET l’impose.  Un non-sens par rapport aux véritables enjeux.

Aspect financier, page 18 : La CIMA entre l’état et les 2 régions PACA et AURA apporte 174 M euros pour son fonctionnement. Mais quelles mesures ?  Sur quelles bases ? Sur quels appels à projet ? Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, on ignore sur quels critères vont être financés ces projets. Dans ce flou total le pire est à craindre. 

Etudions maintenant les annexes.

Annexe 1, axe1, mesure1/1. P.28

Le schéma de massif note 4 menaces sur la biodiversité alpine :

1/L’urbanisation

2/Les activités agricoles

3/La fréquentation qui augmente dans les Alpes en particulier dans les stations de ski

4/Le réchauffement climatique.

La CIMA est dans une situation ubuesque. Elle pointe du doigt ici ces 4 menaces majeures mais en même temps n’apporte aucune mesure énergique qui pourrait lutter contre ces 4 menaces.

Page29, ce même schéma de massif veut « préserver et restaurer les écosystèmes alpins ».

Page35 : « limiter le réchauffement climatique, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments ». Et la CIMA note : « Les copropriétés touristiques en montagne (stations) cumulent les handicaps pour la réalisation de projets ENR ( énergie renouvelable) ». C’est le moins que l’on puisse dire…. Copropriétés habités 4 mois/an seulement, pas de panneaux solaires nulle part, chauffage électrique, accès majoritairement en voiture, mais aussi en avion, 40 % de lits froids (lits utilisés moins de 4 semaines/an).

Page 46 : « éviter, réduire,compenser ».

Page54 : « Réduction de l’impact des activités touristiques sur les milieux naturels et sur les ressources (énergie, eau).

P.55 : aménagements, équipements touristiques : oui mais pas pour les stations de ski alpin.

P56 : actions non éligibles : parkings si non liés à la protection de l’environnement, canons à neige, investissements immobiliers liés aux offices du tourisme. Les pistes cyclables seront financées seulement de 2021 à 2023.

Donc des mesures à minima pour ne pas trop favoriser les stations de ski, c’est dit du bout des lèvres, alors que les mesures devraient être bien plus énergiques après les avoir chiffrées.

2/Etude du rapport d’évaluation environnemental de la CIMA.

Ce rapport est fait par une société privée dénommée EcoVia SCOP SARL Europôle de l’Arbois – Bât Marconi – Avenue Louis Philibert 13100 AIX EN PROVENCE 04 42 12 53 31 – contact@ecovia.fr – www.ecovia.fr SIRET : 483 216 792 00026 – APE : 7112B

Ce rapport fait 141 pages.  Il a un coût que je n’ai pas pu trouver. Mais j’ai trouvé celui du 27/11/2017 pour élaborer le SRADDET de AURA par la même société qui est de 361550 euros.  Cette société est donc aussi à l’origine de la rédaction de ce SRADDET AURA.   Comment ont pu travailler ensembles des fonctionnaires de l’état indépendants et des employés d’une société privée ?  La moindre des choses aurait été d’expliquer ce fonctionnement.

Voici ce que l’on peut lire dans ce document :

Page 12 et 13 :

« La réflexion conduite a permis de s’assurer que l’élaboration de la CIMA a été menée en cohérence avec les objectifs de protection de l’environnement établis au niveau national et régional. Elle reflète le degré de prise en compte dans la CIMA des enjeux et objectifs environnementaux établis par les documents d’objectifs et d’orientations régionaux (notamment schémas directeurs et plans). »

Et un peu plus loin : « Cohérence complète avec le SRADDET AURA ».

Compte tenu de ce que l’on a vu plus haut, il apparaît que ce rapport n’est pas du tout fiable.  Il reprend complètement les manières de voir de la CIMA avec les contradictions les plus flagrantes. Ce rapport ne peut donc pas être retenu comme un élément sérieux.

De plus, le fait qu’il y ait un enjeu financier important laisse évidemment planer le doute sur un conflit d’intérêt que les entreprises du BTP, de l’industrie automobile ou pétrolière utiliseraient. Pour les entreprises intéressées à bétonner, polluer et détruire l’environnement avec leurs activités lucratives, c’est du pain béni. Elles pourront en toute légalité, avec la CIMA, construire le Lyon-Turin ferroviaire, agrandir les stations de ski en saccageant la montagne, construire toujours plus de routes, d’autoroutes, construire des usines avec peu de contraintes environnementales, continuer une agriculture intensive et  l’élevage industriel.

 Je rappelle que de nombreuses stations en Maurienne prévoient dès maintenant de construire de nouvelles résidences de tourisme, de nouvelles remontées mécaniques en altitude et de nouvelles pistes. Les travaux préparatoires du tunnel Lyon-Turin continuent à progresser en toute incohérence si l’on considère les décisions gouvernementales rappelées ci-dessus, en ce qui concerne les émissions de GES (SRADDET,PCAET,dispositif BEGES) .

Ce rapport reprend toutes les analyses que l’on trouve dans le SRADDET et les autres documents des DREALS. Ce sont des études minutieuses, longues, extrêmement utiles. Mais quand il s’agit de les respecter, de faire des projets cohérents pour ramener le réchauffement climatique à 2 degrés maximum à la fin du siècle, protéger réellement la biodiversité, arrêter l’artificialisation des sols ou arrêter l’agriculture intensive et l’élevage industriel, sur ces sujets fondamentaux, ce rapport, à l’instar de la CIMA, ne dit rien.

Un exemple parmi tant d’autres de contradiction de ce rapport que l’on retrouve dans la CIMA.

Page 28 de ce rapport, sur l’enneigement. Il stipule : 

« L’enneigement.     Les cumuls de neige, tout comme le nombre de jours de présence du manteau neigeux, diminuent depuis le début des années 80 de manière assez uniforme sur les Alpes françaises. Cette baisse peut atteindre 30 %. On a déjà perdu 1 m de neige cumulée et un mois d'enneigement par rapport à la période 1950/1990. Les mesures de Saint-Christophe-en Oisans mettent aussi en évidence la chute brutale des fréquences de jours avec une hauteur de neige supérieure à 30 cm. Cette diminution généralisée de l'enneigement semble être provoquée par la hausse des températures (et donc la remontée de la limite pluie-neige), une fonte plus intense lors des périodes anticycloniques hivernales et la stagnation, voire la baisse, des précipitations hivernales. L'enneigement est toutefois un phénomène complexe, localisé et très variable d'une année sur l'autre. »

Il n’y a pas un mot dans ce rapport sur la nécessité d’arrêter la construction de remontées mécaniques et d’immeubles dans les stations de ski. Premièrement à cause de l’évidence du réchauffement climatique, deuxièmement à cause du manque de neige, bientôt remplacé par le manque d’eau pour les canons à neige et les problèmes d’énergie. Et c’est sans compter avec la dégradation de l’environnement quand on construit des réserves d’eau gigantesques artificielles, sans vie contrairement à un lac naturel. Les canons aussi détériorent l’environnement, c’est évident quand on observe leur mise en place et leur fonctionnement. Et cela dans la plupart des 194 stations de ski des Alpes Françaises. Contradiction incroyable que ce rapport est incapable de noter.

194 stations de ski dans les stations de ski des alpes françaises, c’est un cauchemar pour les environnementalistes qui ont compris ce qui va se passer dans le futur. Bolsonaro détruit la forêt amazonienne, nous détruisons les Alpes, le pire est aussi chez nous. Un aménagement des stations de montagne avec un tourisme 4 saisons est pourtant possible sans étendre les domaines skiables, sans multiplier le nombre de remontées mécaniques, de pistes, de routes et de voiture. On conçoit que nos millions de citadins aient besoin de séjours dans des montagnes non polluées et respectueuses de l’environnement, mais ce n’est pas l’orientation actuelle.

3/Rapport de l’autorité environnementale sur la CIMA.

Regrettons que cet organisme indépendant n’ait pu donner son avis, débordé par l’afflux des projets, situation symptomatique de la multiplicité des menaces sur l’environnement.

https://www.prefectures-regions.gouv.fr/provence-alpes-cote-dazur/content/download/90486/580148/file/cp_4nov21_ae_pas_avis_sur_cper_et_cpier.pdf

4/Les propositions :

> Respecter le PCAET et le dispositif BEGES au niveau du massif des alpes françaises. En particulier sur le projet LYON-TURIN ferroviaire.

> Réalisation d'un bilan carbone commun à toutes les stations de ski des Alpes. Bilan carbone aussi sur le LYON-TURIN ferroviaire comparé à l’adaptation de la ligne existante.

-> Réalisation d'un bilan des territoires de montagne encore sauvage au niveau des Alpes pour les protéger de l'emprise des stations afin de sauvegarder la biodiversité.

-> Réalisation d'un bilan financier des stations de ski, éclairage sur la distribution des bénéfices: reviennent-ils aux habitants des montagnes?

-> Mise en place des enquêtes publiques auprès des habitants pour connaître leur attentes par rapport à l’aménagement de leur territoire, leur propre accessibilité au tourisme de montagne, leur espérances professionnelles à long terme dans les vallées.

-> Proposition de solutions concrètes pour diminuer les émissions de GES: chiffrage des réductions attendues par secteur en prenant en compte l'empreinte carbone: transports, habitat, consommation de produits manufacturés.

-> production d'énergie locale renouvelable qui ne dégrade pas l’environnement.

5/ Conclusion.

 Le constat donc est clair : la CIMA est parfaitement consciente des catastrophes en cours que sont le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité et l’artificialisation des sols.

Tout au long de ces 75 pages elle rappelle ces enjeux cruciaux pour l’avenir de l’humanité et pour les habitants des Alpes.

La CIMA ne fournit pas d’études ni de projets chiffrés qui permettent de respecter les règles et les objectifs donnés par le SRADDET et le PCAET des 2 régions PACA et AURA et du massif des alpes françaises.

Elle met en avant des mesures environnementales non chiffrées très minimes par rapport à l’immensité des enjeux, et laisse la possibilité à une économie touristique et industrielle destructrice de l’environnement et très émettrice de gaz à effet de serre, de se développer  à l’encontre de toutes les préconisations des instances officielles de l’état et des régions. C’est aller aussi à l’encontre de toutes les analyses scientifiques rappelées dans la bibliographie. Pourtant des solutions existent déjà mises en avant par les services de l’état, la cop 21 et tous les citoyens désireux d’agir en faveur de la sauvegarde de la planète terre.

La CIMA est donc un acte de collaboration à la destruction de la planète, au crime d’écocide, crime prémédité puisqu’elle agit en toute connaissance de cause.

Le 26 janvier 2022.

Jacques Menegoz, membre de l’association VAM, vivre et agir en Maurienne.

6/ Bibliographie

Nos sources à VAM sont au nombre de 6:  

1/ Le GIEC.   Depuis plus de 30 ans, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) évalue l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts.

2/ L'IPBES: La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) est un organe intergouvernemental créé en 2012.

3/ Les déclarations et pétitions des chercheurs climatologues et des spécialistes de la biodiversité. En voici quatre :

A/  Le 20/02/2020: Contre l'inaction climatique, 1000 scientifiques appellent à la désobéissance civile

A voir sur ce site :

https://www.noosfere.org/grenier/textes/2020_02_23_Appel_des_scientifiques.pdf

Ou celui-ci :

https://rebellionscientifiques.wordpress.com

B/  Le 29 juillet 2021. Article de Nathalie Mayer publié le 01/08/2021 dans Futura Planète.

 https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-combattre-rechauffement-climatique-il-faut-attaquer-source-surexploitation-planete-alertent-scientifiques-69220/

c/  Le 10/11/2019:  Avertissement des scientifiques du monde sur une urgence climatique

11.000 scientifiques déclarent l'urgence climatique

https://doi.org/10.1093/biosci/biz088:

D/  Article de Xavier Demeersman paru le 14/11/2017:

Inédit : 15.000 scientifiques lancent un cri d’alarme sur l’état de la planète

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-combattre-rechauffement-climatique-il-faut-attaquer-source-surexploitation-planete-alertent-scientifiques-69220/

4/   2 livres: "Le plus grand défi de l'humanité" d'Aurélien Barrau écrit en 2019 et : "Comment tout peut s'effondrer : Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes" de Pablo Servigne écrit en 2015

5/ Les conférences de Jean Marc Jancovici sur l'énergie. Voir you tube et sa dernière BD, "Le monde sans fin" 2021.

 6/ Les ONG: Oxfam, Greenpeace, Notre affaire à tous, La fondation de l'homme, Reporterre, Réseau action climat.

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