À ma droite, à un autre guichet, sur une autre chaise, il y avait un vieil ouvrier agricole arabe, qui avait fait vingt kilomètres pour arriver ici. Ce n'était pas la première fois qu'il venait, j’entendais malgré moi, impossible de fermer les oreilles. À ses pieds, il y avait un carton rempli de documents, tous bien classés verticalement.
Chaque fois que l'employée de la Sécu lui réclamait un nouvel imprimé, il acquiesçait d'un hochement de tête, il se courbait puis, et au bout d'un moment plus ou moins long, se redressait et souriait en lui tendant le papier demandé. Cet échange se répéta six fois.
Je ne sais si c'était dû à mon imagination ou à mon état d'esprit du moment, mais j'avais l'impression que ça irritait l'employée, maussade ce jour-là, de ne pouvoir coincer le petit vieux, il avait tous les papiers cette fois. Son visage à lui reflétait la satisfaction.
A l’extérieur du bâtiment, il était occupé à attacher le carton sur l’arrière de son deux-roues quand je l’ai rejoint. Il m'expliqua qu'avant, chaque fois qu’on lui réclamait un document qu'il n'avait pas, il fallait qu’il revienne un autre jour ; mais que ces temps-là étaient révolus, sa vie entière était dans cette boîte, elle l'accompagnait dans tous les bureaux.