Tout d'abord, on peut noter que la réaction du gouvernement argentin suite aux publications alarmistes dans la presse, a été assez lente. Il faut dire que la crise du coronavirus occupe bien sûr et en priorité les esprits; mais le gouvernement a finalement clairement précisé qu'il ne s'agit pas d'une rupture du bloc Mercosur, mais d'un refus ponctuel de l'Argentine concernant certaines négociations en cours.
Ces négociations "Mercosur" visent à signer des accords de libre-échange avec en particulier la Corée du Sud et le Liban, et l'Inde aussi. Or, l'Argentine est peu favorable à une extension commerciale du bloc Mercosur, à cause du risque pesant sur ses industries locales, en particulier sur les chaînes d'assemblage ou le secteur textile.
Donc, le refus de l'Argentine d'entamer ces négociations sur de nouveaux accords Mercosur de libre-échange, est un phénomène ponctuel qui ne signifie pas un rejet de principe du Mercosur. Ainsi, le ministre argentin des Affaires Extérieures et du Commerce International, Felipe Sola, a bien confirmé que l'Argentine restait un partenaire puissant et sérieux du Mercosur, malgré les tensions suscitées par l'ouverture, jugée inopportune, de ces négociations.

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En fait, derrière ce problème ponctuel d'élargissement du Mercosur, ce sont d'importantes différences idéologiques qui se confirment; avec d'un côté, l'Argentine, suivant à présent une politique de centre-Gauche, et en face, un bloc de Droite formé par l'Uruguay, le Brésil, et dans une moindre mesure le Paraguay.
Ajoutons des inimitiés personnelles, ne baissant pas en intensité, en particulier entre le président argentin Fernandez et le leader brésilien Bolsonaro. En fin de compte, le Mercosur est toujours vivant et actif (encore que l'accord avec l'UE ne soit toujours pas concrétisé), mais on ne peut ignorer que son avenir s'est obscurci. L'Argentine, au coeur géographique mais isolée idéologiquement du reste du Mercosur, serait même probablement le premier pays à dynamiter le bloc.
J.P. , depuis Buenos Aires, mai 2020