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Billet de blog 6 novembre 2013

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Ariane Walter: Pierre Laurent, le CRIF, l'UJPF et le boycott d'Israël.

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Le 9 octobre 2013 tombait une bonne nouvelle : les fâcheries entre CRIF et PC étaient   terminées. Le PC qui avait été traité   par Lukierman, président du CRIF,  de « Vert-rouge brun » était reçu par le même Lukierman  qui donne sur son site un résumé de la rencontre :

Le Président Roger Cukierman assisté de Francis Kalifat vient de rencontrer Pierre Laurent Secrétaire général du PCF accompagné d'isabelle de Almeida .Ils ont parlé de la "montée de l'antisémitisme" et de la campagne BDS et pour terminer les participants "se sont félicités de la reprise du dialogue entre le PCF et le CRIF "

Certains se sont étonnés de cette visite. Voici un extrait du blog de Madjid  http://madjid.fr/?p=1130   http://blogdejocelyne.canalblog.com/archives/2013/10/15/28219483.html

« On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui.  C’est la première réaction que j’ai eu quand j’ai appris que la direction du PCF avait rencontré le CRIF pour « renouer le dialogue ». Un dialogue rompu, mais pourquoi ? Le CRIF est depuis très longtemps le bras politique du gouvernement israélien en France. Il est aussi le fidèle relai de la propagande israélienne, et participe à l’entreprise de délégitimation massive des Palestiniens. Ce groupuscule, très droitier, a toujours justifié les crimes commis par l’armée israélienne contre les civils palestiniens. Je vais pendant un instant tenter de comprendre pourquoi le PCF a pu avoir envie de discuter avec le CRIF, vous voyez que je ne suis pas borné.

D’abord, Richard Prasquier et Roger Cukierman, respectivement ancien et actuel présidents du CRIF, ont par ailleurs toujours eu des propos apaisants envers les musulmans. Florilège.

Richard Prasquier, lui, soucieux de ne pas attiser la haine et de ne pas monter les communautés les unes contre les autres, a tenu ces propos emprunts d’amour : « l’islam radical est le nouveau nazisme ». Amen.

Roger Cukierman quant à lui, rend hommage aux femmes musulmanes : « il faut que les femmes juives et chrétiennes, autrement dit non musulmanes, fassent beaucoup d’enfants, sans quoi la France sera envahie par ces gens-là dont la natalité actuelle est un danger pour « l’environnement politique et social dans lequel nous vivons ». Le lien du discours a depuis été retiré du site du CRIF.

Si avec ça juifs et musulmans ne se font pas des bisous, c’est à n’y rien comprendre.

Je vous passe les propos de Cukierman – déjà président du CRIF à l’époque –  là encore pleins d’empathie lors de l’arrivée du FN au second tour en 2002. Il analysait ce résultat comme « un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles »

Et puis, vraiment, je ne vois pas pourquoi on ne discuterait pas avec des gens pour qui toute remise en cause de la politique israélienne vaut de se voir affubler de la sympathique étiquette « ennemi des juifs et d’Israël ».

Je ne vois pas non plus pourquoi Pierre Laurent, que j’ai pourtant croisé à Jerusalem en juin dernier, ne discuterait pas avec quelqu’un qui accusait récemment encore le PCF de faire le jeu de l’antisémitisme en participant notamment aux actions de boycott des produits issus des colonies juives de Palestine.

Après tout, il est cohérent pour le PCF de faire campagne pour la libération de Marwan Barghouti, d’avoir participé à faire libérer Salah Hamouri, quand le CRIF continue de les considérer tous les deux comme des terroristes.

Vous voyez, aucune raison de ne pas discuter avec eux, c’est pas comme si le CRIF ne représentait qu’une poignée d’extrémistes juifs en France.

On pourrait encore dire : Ah ! Un mauvais coucheur !

Mais voici que l’association juive de l’UJFP  critique elle aussi cette visite dans une lettre qu’elle vient d’adresser le 25 octobre à la direction du PCF. Aucune réponse pour l’instant.

 « L’Union Juive Française pour la Paix s’étonne de votre récente rencontre avec une délégation du CRIF.

Vous savez que le CRIF ne représente en aucun cas la majorité des Juifs français. Il s’agit d’un regroupement d’associations qui s’est autoproclamé représentant de tous les Juifs de France.
Vous savez que le CRIF est devenu une officine qui défend inconditionnellement la politique israélienne, quelles que soient les exactions que ses dirigeants commettent à l’encontre du peuple palestinien. Cette politique a été qualifiée comme une politique d’apartheid par le tribunal Russell initié entre autres par Stéphane Hessel.
Vous savez que le CRIF s’affiche avec des groupes d’extrême droite (LDJ, BNVCA) et qu’ils ont comme objectif commun de criminaliser, avec le vocable infâme d’antisémite, toute critique de la politique israélienne. Vous savez que c’est Roger Cukierman, son président actuel, qui vous a traités hier de « Vert-brun-rouge ». Qu’est-ce qui a changé pour que le CRIF devienne aujourd’hui un interlocuteur légitime ?
Vous savez que le CRIF a obtenu de l’ancienne ministre Michèle Alliot-Marie une circulaire criminalisant la campagne BDS, initiée à l’appel en 2005 de la société civile palestinienne toute entière, alors que vous soutenez le boycott des produits des colonies.

Dans ces conditions, nous ne comprenons pas cette rencontre. Elle ne peut que conforter l’association malhonnête entretenue par le CRIF et d’autres officines sionistes entre BDS et antisémitisme, légitimer la complicité des États de l’Union Européenne (dont celle de la France) avec l’État israélien et favoriser l’impunité de ses dirigeants. Nous souhaiterions vous rencontrer pour vous faire part de notre profonde inquiétude.

Nous vous adressons nos salutations militantes, Pour le bureau national de l’UJFP,

Jean-Guy Greilsamer et Pierre Stambul, coprésidents

Il nous reste à expliquer ce qu’est le BDS. « Boycott , Désinvestissement, sanction. »

Certains , en effet, ignorent que la France est le seul pays d’Europe où le boycott est interdit. He oui ! Hessel avait vu une de ses réunions interdite car il défendait ce mode d’action, tellement utile en Afrique du Sud , du temps de Mandela. . J’avais écrit un article à ce sujet dont je donne un extrait ici.

 « M. Benoist Hurel, secrétaire général du syndicat de la magistrature, écrit :

Michèle Alliot-Marie a, il y a quelques mois, par une simple circulaire, commis un attentat juridique d’une rare violence contre l’un des moyens les plus anciens et les plus efficaces de la contestation des Etats par les sociétés civiles, à savoir le boycott. Le 12 février, la Chancellerie a eu cette idée extraordinaire selon laquelle tout appel au boycott des produits d’un pays n’était qu’une « provocation publique à la discrimination envers une nation », punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le ministère demande aux procureurs de la République d’assurer une répression « ferme et cohérente » de ces agissements.
Soyons justes : la paternité de cette brillante initiative revient au procureur général de Paris qui avait, dans son rapport de politique pénale 2009, suggéré que « les faits de boycott ou de provocation au boycott peuvent s’analyser, selon les espèces, soit en une provocation à la discrimination, soit en une discrimination ayant pour effet d’entraver l’exercice d’une activité économique ». Libération le 21/11/ 2010)"

Mais revenons encore en arrière.

Le 9 juillet 2005, soit exactement il y a sept ans, l’Autorité palestinienne a appelé à un mouvement intitulé boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) dans le monde entier, pour lutter contre l’État juif. En février 2009, suite à la guerre de Gaza de l’hiver 2008-2009, plusieurs organisations de gauche et pro-palestiniennes en France ont convenu d’organiser une campagne de BDS française. Les militants ciblent des sociétés françaises et internationales qui font des affaires en Israël, les branches françaises de sociétés israéliennes et les supermarchés qui vendent des produits israéliens.

Peu de temps après le début des raids BDS, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, une organisation juive qui a été fondée en 2002, a commencé à déposer des plaintes contre le BDS auprès des tribunaux dans toute la France. Parfois, les tribunaux ont accepté les plaintes. Parfois non.

En février 2010, le tribunal pénal de Bordeaux a condamné Sakina Arnaud-Khimoun pour l’étiquetage des produits israéliens avec l’autocollant « Boycott Apartheid Israël ». Le tribunal a jugé qu’elle avait « entravé l’exercice normal des activités économiques en faisant une distinction sur la base de la nationalité. » La loi française anti-discrimination de 1981 interdit « l’incitation à la discrimination, la haine ou la violence contre une personne ou un groupe de personnes sur la base de l’origine, de l’appartenance ethnique et de la nationalité ou le fait de savoir si ou non on appartient à une race ou une religion. » Arnaud-Khimoun a été condamné à une amende de 1 000 €. En octobre 2010, la Cour d’appel de Bordeaux a réaffirmé le verdict.

Sakina Arnaud (à droite) et Farida Trichine (inculpées à Bordeaux et à Mulhouse)

Toutefois, en juillet 2011, un tribunal de Paris a relaxé Olivia Zemor, membre fondatrice d’EuroPalestine, pour avoir publié une vidéo sur Internet montrant des militants palestiniens et français arborant des T-shirts appelant à un boycott d’Israël. Le tribunal correctionnel de Paris a jugé que l’appel pour le boycott des produits israéliens n’est pas interdit en vertu de la loi française. Le tribunal a déclaré que « la critique d’un État ou de ses politiques ne peuvent pas être considérés, en principe, comme portant atteinte aux droits ou à la dignité de ses ressortissants, sans affecter sérieusement la liberté d’expression dans un monde désormais mondialisé, dont la société civile est devenue un acteur majeur, et ne constitue pas un ‘délit contre un État étranger’, qui n’a jamais été établi en vertu du droit de fond ou du droit commun international, parce que ce serait contraire à la norme communément admise de la liberté d’exprimer des opinions. »

Le tribunal a ajouté que « depuis que l’appel d’un boycott des produits israéliens est formulé par un citoyen pour des motifs politiques et fait partie d’un débat politique sur le conflit israélo-palestinien – un débat qui porte sur une question d’intérêt général avec une portée internationale – l’infraction d’incitation à la discrimination, fondée sur le fait d’appartenir à une nation, n’est pas constitué. » En outre, le tribunal a fait remarquer, « certains secteurs de l’opinion israélienne soutiennent l’appel BDS ». À cet égard, il fait explicitement référence à la déclaration de la Coalition des Femmes israéliennes pour la paix.

Le 22 mai, cependant, la Cour de cassation française a réaffirmé que l’appel public au boycott des produits israéliens est un cas d’incitation à la discrimination sur la base de la nationalité.

Alors que le CEDH a confirmé les condamnations françaises, il convient de noter que la France est le seul pays en Europe où l’appel au boycott des produits israéliens a été interdit. Dans d’autres pays européens, les tribunaux n’ont jusqu’à présent pas reconnu coupable les activités BDS. Il convient également de noter que, même si aux États-Unis, le simple appel au boycott est protégé par le Premier Amendement, les pays européens ont restreint la liberté d’expression.

Quand  M Laurent, secrétaire du parti communiste, président du FDG, rencontre le CRIF qui représente la politique Israëlienne, donc une alliance avec l’Otan,  on ne peut que se demander comment ce parti peut continuer à faire partie du FDG où la position de son porte-parole est une sortie de l’OTAN.

Il n’y a que ceux qui ne réfléchissent pas beaucoup pour s’imaginer que l’alliance du PC avec le PS de Delanoë , lequel, selon une habitude commune en politique,  place ses deux poulains Hidalgo et Brossat, n’est que une alliance  de circonstance , locale, et sans aucun rapport avec la politique nationale ou internationale.  

Ce rapprochement avec le CRIF ne peut manquer de poser des questions. Qu’a-t-il été décidé à propos de la politique BDS ?

Les militants du PC sont-ils favorables à ce changement  politique ? Et les militants du FDG puisque M Laurent met sur ses affiches le slogan « l’Humain d’abord » et le logo du FDG à côté du logo du PS ?

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