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Billet de blog 18 octobre 2021

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WEEK-END

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WEEK-END

Toutes les langues s’empruntent, les unes aux autres, des mots qu’elles ressentent comme la quintessence d’un autre monde.

 Que « Paradis » nous soit offert par le perse « pairidaëza », « Le jardin derrière le mur », jardin royal interdit à la foule mais pas aux rêves, voilà un mot de plus qui se transmet sans qu’on sache  d’où il vient, déraciné de ses fleurs mais désormais flottant dans le monde des esprits. Emerveillement.

"Week-end" me rappelle cette époque où « l’Amérique » était encore un rêve. J’étais petite et ma mère fumait des « Week-end », cigarettes blondes, parfumées au miel. Ce paquet sur la table, c’était le monde supérieur des adultes mais plus encore le monde de Christophe Colomb, ce héros de l’histoire humaine. Je me souviens de cette période où l’esprit critique n’existait pas. Colomb n’avait tué aucun Indien. Il leur avait offert des colliers. Dans les plaines du Far-West, encore un mot magique, Les Indiens étaient méchants et les cow-boys gentils. New-York était une cathédrale de flèches, une forêt de tours de Babel qu’aucun Dieu jamais ne punirait. Les Américains, qui avaient sauvé notre pays des nazis, (je n’ai entendu parler de la bataille de Stalingrad que des siècles plus tard) vivaient dans de merveilleuses cuisines avec des femmes en petit tablier, toujours bien coiffées. Il y avait aussi le cinéma. Je me souviens des débuts du cinémascope. De « La Tunique » avec Victor Mature. Je l’ai vu au « Rex » de Montpellier. On passait par le vestiaire où les femmes déposaient leurs     fourrures car, en ce temps-là, cette infinie douceur n’était que la gloire d’une humanité qui domptait la sauvagerie.

Nous avons gardé « week-end », comme une hostie qu’un grand peuple nous glissait dans la bouche en nous disant : « Tu as bien travaillé et voilà le doux repos des barbecues dans des jardins sans aucune barrière ! »

Le paradis des anciens perses était enfin ouvert à tous.

« Que fais-tu ce week-end ? »

Mot de passe pour instants merveilleux.

Le mot, glissait jusqu’à nos cœurs dans la perfection de ces étranges sonorités apprivoisées.

Et ma mère allumait une cigarette, geste élégant en ces temps où la fumée n’était qu’un souvenir des nuits passées dans les vastes espaces étoilés qui n’avaient pas de fin…

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