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Billet de blog 3 février 2021

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Comment on soigne la covid à l'IHU Méditerranée

Quand l'IHU Méditerranée donne une leçon de médecine et se livre à un exercice salutaire de transparence.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'IHU Méditerranée fournit en permanence sur son site une masse d'informations médicales et scientifiques d'une brûlante actualité et d'un niveau  sans équivalent en France. On peut y suivre des séminaires, y trouver des documents scientifiques de première main et un compte-rendu régulier de l'épidémie et de l'activité de cette méga structure unique en France qui allie formation universitaire, recherche scientifique et soins. Les liens internationaux sont bien sûr un des points forts de l'IHU. 

Je suis donc régulièrement ces publications. Le meilleur moyen de lutter contre la peur, c'est précisément d'user de son intelligence. Tendre tous ses efforts pour comprendre, plutôt que d'être le jouet des passions contraires, n'est-ce pas le propre de toute philosophie bien comprise?

Le 2 février l'équipe chargée de la communication de l'IHU a fait très fort. Ils ont mis en ligne ce jour là un document qui devrait faire date pour l'information médicale. Vous le trouverez à cette adresse:

https://www.mediterranee-infection.com/protocole-therapeutique-pour-la-prise-en-charge-ambulatoire-des-patients-covid-a-lihu/

Dans cette vidéo, le Pr Mathieu Million médecin responsable de l'HDJ ambulatoire à l'IHU détaille l'ensemble du protocole appliqué à tout patient positif à un test covid, les examens, les seuils fixés, les molécules utilisées. Tous les cas sont détaillés, les choix explicités et les traitements, adaptés à chaque situation sur la base d'un expérience d'un an de lutte contre l'épidémie, sont décrits précisément, dosage, durée... La décision d'hospitaliser ou non, de traiter par hyper oxygénation sur place ou  d'envoyer en réanimation, tout est décrit et justifié précisément, selon l'état, l'âge des patients, les antécédents. Tout ce processus se déroule dans un face à face entre le patient et les médecins responsables du traitement. On a plaisir à entendre le Pr Million remettre au centre de ce travail le rôle de l'infirmière, pièce angulaire du parcours de soins et de la  relation avec le patient, tout comme de décrire l'immense travail accomplit par tous ceux qui contribuent au bon fonctionnement de cette impressionnante machinerie. 

On comprend à la vue de cette vidéo que les résultats obtenus à l'IHU soient exceptionnellement bons par rapport à la moyenne française. Et il ne s'agit pas d'un simple travail de recherche, ou d'une médecine de pointe réservée à une petite minorité privilégiée, car la majorité des patients soignés à Marseille l'ont été à l'IHU, soit environ 14 000. Il s'agit bien d'une politique de soins destinée à toute la population. 

On comprend moins que le gouvernement français ait décidé d'affronter l'épidémie en se passant des conseils de cette formidable machine à soigner avec ses centaines de personnels qualifiés, ses chercheurs reconnus internationalement et son matériel ultra performant. Pire en lui mettant des bâtons dans les roues. Quant à la campagne de calomnies menées par tant de personnages médiatiques, de journalistes et de scientifiques de comptoirs, elle marque d'une tâche indélébile ceux qui s'y sont joints activement ou tacitement. 

Personnellement, j'ai toujours été rebuté par le secret dont s'entoure volontiers les médecins. J'ai toujours suspecté que leur tendance à jouer les grands sorciers cachait plus d'ignorance et d'incertitude que de savoir. Cette vidéo m'a réconcilié avec une médecine scientifique, mais non scientiste, qui ne confond pas la pratique médicale et la magie. Mais d'un coup une grande partie de la vulgarisation médicale se trouve ringardisée. Il est clair que nombre de soit-disant experts de plateaux télévisés n'ont aucune expérience concrète de la lutte contre l'épidémie, ni sur le plan de la recherche ni sur celui de la pratique.

On aimerait bénéficier d'une information ouverte de cette qualité de la part d'autres structures de santé publique. Cela permettrait une confrontation d'expériences propice à un débat sain. Je ne citerai pas de nom, mais on aimerait savoir ce que font dans leur service les adversaires acharné.e.s de la méthode Raoult. Plus généralement, le débat scientifique et la formation du public gagnerait à ce que chaque praticien joue cartes sur table. La crédibilité des médecins et de la médecine, quelque peu écornée par la cacophonie ambiante, y gagnerait aussi. 

Enfin, cette vidéo pose la question du rôle des médias. Lorsque les acteurs eux-mêmes s'emparent des moyens de communications modernes que peut faire d'utile un journaliste? On retrouve là une vieille question soulevée au cinéma dans les années 70. Il est clair que le travail d'information de l'IHU renvoie la plupart du travail journalistique autour de l'épidémie à l'insignifiance, ou pire au mensonge et à la propagande. Plutôt que de se lamenter sur le mésusage des réseaux sociaux, les journalistes devraient plutôt s'interroger sur le nécessaire aggiornamento de leur métier à un moment où la science régit le quotidien de notre société.  

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