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Billet de blog 4 décembre 2021

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COVID 19: du journalisme d'investigation au journalisme de basse police

Bientôt deux ans d'épidémie auront passé au vitriol nos fausses certitudes, nos faux amis et nos gloires usurpées.

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Nous avons appris dans les livres d'histoire qu'en Août 14, du jour au lendemain ou presque, les pacifistes les plus endurcis, les socialistes les plus déterminés pouvaient se muer en "va-t-en guerre" nationalistes. Excepté Jaurès assassiné bien sûr. Rebelote en juin 40, où l'Assemblée nationale du Front Populaire vote majoritairement les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, à l'exception d'une poignée d'irréductible et des députés communistes mis hors la loi. Dans les deux cas, c'était la guerre!

Voilà un peu plus d'un an que notre président, mal élu et mal aimé, a déclaré la guerre à un virus. Nous sommes de nouveau en guerre. De nouveau, les mensonges officiels fleurissent, les lignes Maginot s'effondrent, la guerre que l'on est chaque jour à la veille de gagner s'éternise. Et les mêmes manifestations de régressions intellectuelles, de soumissions surprenantes, de complicités contre nature, se répètent.

On pourra parler des partis politiques d'opposition. Je traiterai ici, le cas de la presse. De la presse d'investigation.

Le rôle d'un journaliste d'investigation est d'autant plus important que le pouvoir est puissant. En France, une monarchie élective, il est essentiel pour éclairer la population sur les agissements d'un pouvoir dont les pratiques sont de plus en plus dissimulées. Du temps de sa jeunesse folle, Attac appelait cela l'effet Dracula. Les mauvais coups concoctés par les puissants sont d'autant plus efficaces qu'ils sont cachés. Comme Dracula, ils ne supportent pas la lumière du jour. Dévoiler les manoeuvres des pouvoirs en place, c'est contribuer à les faire échouer. En ces temps lointains, le mouvement altermondialiste ne craignait pas de dénoncer les complots des classes possédantes, à l'OMC, à l'UE ou dans les traités internationaux. En ces temps lointains, l'accusation de complotiste n'existait pas, tant il était évident que les puissants complotaient contre les peuples. Non, l'Iraq ne possédait pas d'armes de destructions massives. Non, il n'existait pas de plan pour un génocide au Kosovo. Mais il en existait bien un au Rwanda, dans lequel l'armée française portait une incontestable responsabilité. Oui, le peuple français et quelques autres avaient voté non à la constitution de l'UE et on lui a quand même imposée. Non, la mondialisation libérale n'est pas heureuse pour la majorité de la population. Oui, les manoeuvres des gouvernements de l'UE ont étranglé la Grèce et empêché son peuple de décider démocratiquement de son avenir. Bref, les situations abondent au cours des quelles les pouvoirs en place ont joué contre les peuples, dans le dos des peuples et pour des intérêts le plus souvent inavouables.

La présence d'un journalisme d'investigation est donc essentielle pour décrypter l'actualité et comprendre le monde dans lequel on vit. Première étape indispensable pour pouvoir le changer.

Et puis c'est la guerre. La déclaration de guerre contre un virus a finalement les mêmes effets délétères que n'importe quelle déclaration de guerre. Le pouvoir se concentre. Son fonctionnement est de plus en plus secret. Secret Défense à tous les étages. Et celui qui ne marche pas droit devient l'ennemi public. Un traitre. Celui qui porte la responsabilité des défaites. Une parole de travers peut compromettre une carrière. On ne joue plus avec des billes. Le peloton d'exécution médiatique vous attend.

Première étape, on passe insensiblement du journalisme d'investigation qui s'attaque au pouvoir au journalisme de cour, qui répète et explique et illustre ad nauséam les communiqués officiels. Puis un pas de plus est franchi. Il faut bien se rendre utile. On va donc dénoncer les informations qui font froncer les sourcils du monarque. Pour faire professionnel, on utilise une expression anglaise. Les "fakes news" sont nées. Amusant, l'expression anglaise signifie littéralement "fausses nouvelles". Mais grâce à cette expression fabriquée, on va aller un peu plus loin. On ne peut pas dire que l'information suivant laquelle une partie des tests que Pfizer a sous traités pour évaluer ses vaccins sont bidonnés, est fausse. On ne peut pas nier que le fameux groupe témoin de non-vaccinés au Pfizer a été vacciné au bout de 6 mois, empêchant d'évaluer les effets indésirables du vaccin au delà de 6 mois. Non, mais on dira "il n'y a pas de Pfizergate". Cela ne remet pas en cause l'efficacité de la piqure Pfizer. Il n'y a que les vilains complotistes antivax pour diffuser une telle fake news. Bien évidemment , l'efficacité de l'opération "fakes news" repose sur la censure des opinions contraires. On peut donc à la fois réclamer la liberté d'expression, appeler au financement d'une presse indépendante et censurer les opinions "politiquement incorrectes".

Ce travail confine très vite à l'équilibrisme. Par exemple lorsqu'il faut annoncer une cinquième vague, tout en réaffirmant que ce retour de l'épidémie prouve bien que les vaccins sont efficaces. Coup de chapeau en passant pour Libération qui ose ce jour signaler que la majorité des hospitalisés en réanimation et des décès sont le fait de personne totalement vaccinées. Les 80% de non vaccinés parmi les cas graves, c'était pour le coup une vraie "fausse nouvelle". De la propagande, rien que de la propagande. Mais en conclusion le journaliste de Libé se rattrape. D'accord les vaccins Pfizer & co ne sont pas efficaces à 80%, mais ils sont très efficaces quand même et il faut se précipiter pour la troisième dose. 

Il n'y a que les antivax pour dire le contraire. Et c'est là qu'on bascule dans le journalisme de basse police. 

Parce que dans toute situation, dans toute population, il y aura forcément des mal-pensants. Des gens qui ne croient pas que l'on va arriver à Berlin en deux semaines pour botter le cul du kaiser. Et même des gens qui ne voient pas pourquoi, il faudrait se précipiter à Berlin. D'autres qui, après la défaite, ne pensent pas que c'est la faute aux juifs et aux francs maçons. Certains refusent de croire que la CGT fomente les grèves pour couler l'économie française. D'autres ne croient pas que la CIA paye les anti nucléaires pour couler le nucléaire français...Il y a toujours des gens têtus. Tant qu'ils se taisent, ce n'est pas grave. Mais s'ils descendent dans la rue contre la vaccination obligatoire et le pass sanitaire, c'est fâcheux. On ne peut pas encore ici, tirer à balles réelles, en Guadeloupe peut être ou à nouveau demain en Kanaky. Il faut donc préparer l'opinion et c'est là que le journaliste trouve toute sa place. 

Marquer l'ennemi. Le dénoncer. le discréditer. On crée la catégorie des antivax. On la décrit, on l'étudie. On l'associe à d'autres sectes redoutables, les complotistes, les rassuristes. Puis si on est de gôche, on va utiliser l'insulte suprême. Extrême-droitiste, fasciste. Et enfin le sommet de l'horreur, antisémite! Comment a-t-on pu dire et écrire que des manifestants qui s'affichaient avec une étoile jaune sur la poitrine, étaient antisémites! On peut estimer la comparaison excessive, comme ceux qui bien des années auparavant scandaient "CRS-SS". Mais antisémites! Au temps de ma jeunesse folle, j'ai traqué des rassemblements de fachos, mais je n'en ai jamais vu, au grand jamais, qui arboraient fièrement une étoile jaune. 

Il y a bien quelques figures reconnues, bénéficiant d'une certaine visibilité, d'une notoriété scientifique, intellectuelle ou artistique, qui osent faire entendre des analyses divergentes. Insupportable pour le pouvoir! Que font mes journalistes? Mais ils sont là. Ils se précipitent. Fouillent dans les poubelles, grattent dans les caniveaux. Il faut absolument discréditer par tous les moyens, ceux qui pensent mal, qui parlent mal, qui risquent de compromettre notre belle campagne de vaccination, notre guerre éclair, notre victoire assurée. Car, vous l'avez surement remarqué, c'est toujours l'ennemi intérieur, la cinquième colonne, qui est responsable de la défaite. Au temps du socialisme réellement existant, post Staline, on ne qualifiait plus les dissidents, d'ennemis de classe, d'agents d'Hitler et du Mikado, on les traitait de malades mentaux et on les enfermait dans des hôpitaux psychiatriques. Il faut être fou pour ne pas aimer le socialisme de Brejnev. Il faut être fou pour contredire le meilleur épidémiologiste de France. Sous Sa Majesté Macron, on ne répond pas à ceux qui ne soutiennent pas sa politique guerrière contre la covid19, on les discrédite. Le sommet de la réussite pour le journaliste de basse police, c'est d'alerter la justice et de déclencher une enquête. Peu importe, le résultat de l'enquête et de l'éventuel jugement, la personne visée est passée de la rubrique médicale ou scientifique à la rubrique fait divers. Et peu importe, si on est soi-même condamnée pour diffamation, le pouvoir sait récompenser ses vrais amis. 

C'est ainsi que se crée une communauté d'intérêts. Tout le monde sait que Macron joue sa réélection sur sa politique sanitaire. En déclarant la guerre, il s'est donné un maximum de moyens de maitriser la situation. En particulier, les armes redoutables de la propagande. Personne parmi ceux qui ont soutenu ses principaux choix n'a envie de se voir convaincu d'erreurs, voire de mensonges. Il faut donc que la critique se taise jusqu'à la réélection du Maître. 

Sauf que, ces petites manoeuvres n'ont aucun effet sur le virus. Ou, comme le disait quelqu'un "Les faits ont la tête dure".

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