C'est à pleurer. Et je n'emploie pas ce terme comme une métaphore, mais au sens littéral. Pleurer pour ceux que nous avons perdus. Pleurer devant le gouffre qui s'ouvre sous nos pieds. Un 11 septembre pour la France? En tout cas, beaucoup s'emploient à faire de l'attaque meurtrière contre Charlie Hebdo un tournant politique semblable au choc du 11 septembre aux USA. Et lorsqu'on pense aux conséquences du 11 septembre, on ne peut qu'être effrayé.
Sautant sur l'occasion de faire oublier son impopularité et ses propres fautes, François Hollande croit habile de nous faire le coup de l'Unité Nationale. Que la population réagisse spontanément en se rassemblant sur toutes les places du pays, pour crier son indignation et montrer sa résolution à défendre la liberté et la fraternité, c'est rassurant. Que le chef de l'état et son gouvernement se lance dans la mise en scène de l'Unité Nationale, désolé ça ne va pas de soi. Après un crime qui traumatise le pays, comme celui qui vient d'être commis, on attend d'un état "normal", une police efficace, une justice impartiale et une information rapide et fiable qui permette de comprendre les ressorts d'une telle catastrophe. Car qu'une attaque pareille ait été possible contre un journal, c'est bien une catastrophe nationale.
La première conséquence de l'initiative politique de François Hollande, c'est de faire remonter à la surface tous les politiciens discrédités à qui justement le peuple ne fait plus confiance, tellement ils ont usé et abusé de cette confiance. La deuxième conséquence, c'est précisément de nous lancer dans la guerre des civilisations. La nation en défense de ses valeurs, mobilisée contre les barbares. Et pour faire bonne mesure on n'hésite pas à mobiliser le symbole de Notre-Dame. Une grand-messe pour Charlie Hebdo! Un enterrement de première classe. Et comme il ne peut y avoir de cérémonie comparable à la mosquée ou à la synagogue - au fait lesquelles - le problème de l'identité nationale est réglé. Justement tout ce que Charlie Hebdo combat. Et pour empêcher tout questionnement génant, les media se répandent déjà en injonctions aux musulmans d'avoir à se prononcer. Suivez mon regard.
Mais il y a une invitée surprise à la fête de famille et sans doute François Hollande n'y a pas pensé. Cette invitée, c'est Marine!
Au nom de quoi exclure Marine d'une manifestation d'unité nationale contre le "terrorisme islamiste"? Pris à son propre piège, Hollande n'a plus devant lui que deux mauvaises solutions. Soit il exclut Marine et conforte l'analyse du vice-président du FN, à savoir que l'UMPS, qui est responsable de la situation, cherche à se blanchir en serrant les rangs. Soit le Front National est invité à la fête et Marine franchit le dernier degré de respectabilité qui lui manquait pour accéder au pouvoir. Et ça ne sera plus la peine d'agiter l'épouvantail du FN aux prochaines élections.
Comment le père François va-t-il se tirer de ce mauvais pas, en fait je m'en fiche. Par contre, comment allons nous nous en tirer, c'est la seule question qui importe. Si c'est bien la liberté de la presse, l'humour et l'esprit critique que l'on a voulu assassiné à Charlie Hebdo, alors ces morts sont nos morts. C'est à nous à les honorer et à les défendre. Pas avec Sarkozy, pas avec Hollande et surtout pas avec Marine.
Abandonner le terrain de la lutte de classes, jouer le jeu de l'Unité Nationale, c'est entrer de plein pieds dans la guerre des civilisations. De ce point de vue, le massacre commis à Charlie Hebdo, ressemble furieusement à l'assassinat de Jean Jaurés.