J'avais signalé sur ce blog, l'entorse à la déontologie commise par la direction de l'AP-HP, qui s'est permise le lundi 27 avril de communiquer des résultats "prometteurs" à propos de l'étude sur l'efficacité du Tocilizumab administré à des malades du covid19 dans un état grave. L'étude n'était ni validée, ni publiée, ni même terminée. Elle ne pourrait, en tout état de cause, être publiée avant plusieurs semaines, dixit le communicant de service. La direction de l'AP-HP justifiait sa précipitation par l'urgence de l'épidémie et l'intérêt d'administrer le médicament à "titre compassionnel". Précisément les arguments, qui sont réfutés dans le cas du traitement Hydroxychlorquine + Azithromycine, sont mis en avant dans le cas du poulain du laboratoire Roche.
Mais le comité scientifique indépendant chargé de superviser l'étude ne l'a pas entendu de cette oreille et après avoir envoyé un mail de protestation à la direction de l'AP-HP a démissionné en bloc. Grâce au Canard Enchainé, des éléments de cette protestation ont circulé dans la presse. Des critiques qui sont éclairantes pour tous ceux qui imaginent que la "guerre des labos" se mènent dans les règles de l'art.
« Pour ces experts, non seulement il était trop tôt pour tirer des conclusions et annoncer des résultats positifs, mais la “conduite de cette étude” est entachée de “nombreux dysfonctionnements” tels que des changements de critères en cours de route » Le Canard Enchainé.
Édifiant, non?
Cà n'empêche pourtant pas l'AP-HP de se féliciter aujourd'hui de l'utilisation grandissante de ce médicament dans les établissements de l'AP-HP bien sûr. Quand on veut, on peut! Et pendant les travaux, l'étude continue, avec un nouveau comité scientifique bien sûr.
Il est donc parfaitement clair que ceux qui prétendent que l'efficacité du traitement HCQ+AZ n'est pas prouvé scientifiquement selon les règles de l'art, ne s'embarrassent pas des mêmes règles pour promouvoir leur produit. Eux, si pointilleux sur les dangers de l'HCQ, ont négligé de consulter le DOROSZ - la bible des médicaments - sur les dangers du Tocilizumab. Dans l'édition 2020, on peut lire:
Effets indésirables
- Très fréquents (sup à 10%): infections des voies respiratoires supérieures, hypertension artérielle, altération de la fonction rénale...
- Fréquents (1 à 10%) ... infections graves (pneumonie, septicémie)..
Précautions d'emploi
- Les infections, y compris localisés doivent être traitées avant l'administration du produit.
- Ce traitement peut masquer les signes cliniques et biologiques d'une inflammation aiguë
...
A administrer effectivement à titre compassionnel!
La direction de l'AP-HP si peu diserte sur ces détails médicaux, s'était pourtant montré plus prolixe sur les informations économiques.
800 € la piqure. Un bon prix selon elle. Un bon prix pour Roche ou pour la Sécu?
Attention, je ne fais pas du prix élevé une preuve de l'inefficacité du produit. Mais l'efficacité restant à démontrer, la direction de l'AP-HP devrait avoir la décence de repousser à plus tard la négociation sur les coûts. A moins que ce soit Roche qui commandite l'étude et vende le produit en même temps. On n'est jamais si bien servi que par soi-même.