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Billet de blog 10 mai 2020

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Mais où est passé Discovery?

Lancé le 22 mars, le projet européen Discovery ambitionnait de tester quatre traitements sur plus de 3 000 patients atteints du Covid-19. Il devait désigner le bon traitement!

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Les premiers résultats étaient attendus début avril. Macron en parlait encore le 4 mai pour annoncer des résultats le 14 mai, ce qui semble bien compromis. Quoiqu'il en soit, plus personne n'attend ces résultats, car cet essai a perdu toute autorité.

Il a d'abord perdu très vite sa dimension européenne à supposer qu'elle est jamais existé ailleurs que dans les discours de Macron. Dés l'origine, ce projet coordonné par l'INSERM sous la responsabilité de la professeure Florence Ader, infectiologue à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon avait bien l'air d'un coup de bluff franco-français. Pourquoi d'autres pays se seraient-ils rangés sous cette bannière? Les capacités de la recherche allemande, comme sa crédibilité internationale et son implication quotidienne dans la lutte contre la pandémie en faisait certainement un acteur plus crédible. L'intervention politique directe sur la direction de l'INSERM et la désastreuse cabale menée contre l'IHU Méditerranée, le seul Institut français dévolu spécifiquement à l'observation et à l'étude mondiale des épidémies, n'ont pas peu contribué à décrédibiliser l'initiative à l'étranger. Quoiqu'il en soit des gesticulations françaises, dans ce domaine comme dans les autres, l'UE est un champ clos ouvert à la concurrence, pas un projet unificateur. Tout le déroulement de l'épidémie a démontré l'absence de solidarité la plus élémentaire entre les pays de l'Union. Porter un  projet commun, ils ont démontré avec éclat qu'ils en étaient incapables. Exit la coopération européenne contre covid19. 

Le deuxième obstacle a été la difficulté de recruter des patient volontaires. 730 à ce jour. On est loin des 3000 annoncés, ce qui diminue considérablement la validité des résultats. D'autant qu'il s'agit de tester 4 traitements! Mais on se heurte à la fameuse question du groupe témoin randomisé, indispensable pour ce type d'études "selon les règles de l'art" censées apporter une réponse incontestable. Il s'agit d'une maladie où le risque de mortalité n'est pas négligeable. Quel patient, dans un état grave, va se porter volontaire pour se retrouver avec 20% de chances de recevoir un placebo, c'est à dire de ne pas être soigné du tout, juste pour vérifier si on meurt plus vite que les autres? Les patients veulent être soignés. Certains sont prêts à prendre le risque d'un nouveau médicament porteur d'espoir, mais appartenir au groupe témoin, c'est une toute autre affaire. Je pense pour ma part, que cette méthode est parfaitement contraire au plus élémentaire sentiment d'humanité. Comparer l'efficacité de plusieurs traitements, c'est une chose. Condamner un groupe au placebo quand on sait qu'il va y avoir des morts, c'est inacceptable! Dans le cas présent, ce serait 146 patients qui ne seraient pas soignés, sans le leur dire bien sûr. 

Mais, il y a un problème plus fondamental qui explique que plus personne ne s'intéresse à Discovery. C'est l'objet même de cette étude, c'est à dire les molécules étudiées. L'étude a été construite pour prouver la validité du Remdésivir de Gilead, et du lopinavir et ritonavir d'Abbvie, seuls ou associés ou non à l'interféron bêta. Passons sur ce que cela révèle du pouvoir acquis par ces deux laboratoires sur la recherche médicale et sur nos vies. Sauf qu'au jour d'aujourd'hui pour ces deux traitements la messe est dite.

La recherche fondamentale sur les coronavirus a été à ce point négligée qu'au lieu d'élaborer des médicaments pour combattre une maladie portée par un type de virus identifié depuis plus de 50 ans, on essaie maintenant de recycler des produits de laboratoire conçus pour tout autre chose.

En 1965 le premier coronavirus infectant l'être humain (la souche B814) est découvert. Et rapidement, d'autres suivent : 229E en 1966 et OC43 en 19679 qui tous sont la cause de rhumes plus ou moins graves selon les personnes. L'année suivante, ils sont observés au microscope électronique par June Almeida et David Tyrrell qui mettent en évidence leur structure en couronne 10. La relation est faite entre tous ces virus, et le terme de « coronavirus » est pour la première fois utilisé dans la revue Nature en 1968 8. Wikipedia

Malgré des alertes répétées:

les crédits alloués à la recherche fondamentale sur ce type de virus s'avèrent notoirement insuffisant, ce qui contraint d'agir dans l'urgence. 

Mais, parmi les différentes tentatives de médication mises en avant par les médecins chinois, Discovery est bâti pour étudier le Remsédivir qui a été conçu pour lutter contre Ebola sans succès et deux autres molécules utilisées dans la lutte contre le VIH, qui n'appartient pas du tout à la même famille de virus. Le rôle possible de la chloroquine/hydroxychloroquine utilisées par les médecins chinois n'intéresse pas les promoteurs du projet. C'est seulement l'écho de la méthode appliquée par l'IHU Méditerranée qui contraint à adjoindre l'HCQ à l'étude, mais sans tenir compte de la façon dont elle est utilisée à Marseille, en bi-thérapie avec l'azithromycine. 

Et Discovery vient trop tard. A l'heure qu'il est l'utilité du Remsédivir , comme du lopinavir et ritonavir est contestée par différentes études, en particulier une étude chinoise sur le Remsédivir réalisée "dans les règles de l'art" et publiée par The Lancet. Mais, quelle que soit la qualité de ces études, les laboratoires qui les promeuvent sont assez puissants pour poursuivre leur campagne. Même situation autour de l'HCQ. Certaines études confirment son efficacité, d'autres la contestent. Les pays qui l'utilisent s'en déclarent satisfaits. D'autres l'autorisent en concurrence avec d'autres médications. L'IHU Méditerranée poursuit imperturbablement son traitement à Marseille, dont on peut dire qu'il est incontestablement plus efficace que le doliprane prôné par les autorités de santé. Mais les enjeux sont tels que les polémiques continuent et continueront encore longtemps et ce n'est pas Discovery qui y mettra fin. La recherche de la vérité scientifique est un combat où tous les coups sont permis.

Discovery enregistre un nouvel échec retentissant de la politique française face au covid19. Il met à nu l'état où à été réduite la recherche médicale en France et son isolement international. Réduire les crédits pour la recherche fondamentale, mettre les chercheurs au service de grands laboratoires dont le seul souci est de déposer des brevets capables de rapporter de juteux profits, tue la recherche et finit un jour où l'autre par mettre en danger toute la population. La start-up nation est une nation incapable de se protéger des maladies.

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