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Billet de blog 10 novembre 2014

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Question de méthode

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La révélation, par un consortium de journalistes, de milliers de documents fiscaux incriminant le Luxembourg a fait l'effet d'une bombe.

On n’a pas fini de sortir des cadavres des placards : le Luxembourg favorisait à grande échelle l’optimisation fiscale de 340 grandes entreprises transnationales entre 2002 et 2010, du temps où Jean-Claude Juncker en était le premier ministre,

 le Luxembourg joue un rôle central dans l'évasion fiscale, mais profite de son appartenance à l'Union Européenne pour bloquer toute évolution de politique fiscale".

Jean-Claude Junker fraichement nominé à la tête de la commission européenne se retrouve au centre de la photo. Comment cet homme, qui en tant que premier ministre du Luxembourg a organisé "l'optimisation fiscale", pourrait-il proscrire cette pratique, une fois devenu président de la commission européenne? Évidemment, ceux qui l'ont placé là, au premier rang Mme Merkel, n'attendaient pas de lui qu'il trouve son chemin de Damas sur la route de Bruxelles. Le supposé conflit d'intérêt dont on le soupçonne n'est pas une exception au sein de la commission. C'est la règle. On a pu s'étonner du choix du commissaire à l'éducation et à la culture qu semblait à contre emploi, mais lorsque la liste des heureux élus à commencer à s'allonger, le phénomène se répétant, il aurait fallu en tirer toutes les conséquences. Quant l'exception devient la règle, c'est simplement que la règle n'était pas ce que l'on pensait. Jean-Claude Junker a bien été choisi à cause de sa capacité à organiser l'optimisation fiscale et non pas malgré elle!

Certains penseront sans doute que j'exagère ou que je manie le paradoxe. Mais c'est simplement parce qu'ils restent en deça du rideau de fumée médiatique. Les media mettent en avant la responsabilité du Luxembourg. Petit état particulièrement insignifiant et qui ne joue au coeur de l'Union Européenne que le rôle que les autres états veulent bien lui faire jouer. Quelques esprits plus subversifs ont fait remarqué que le Luxembourg n'était pas le seul à s'adonner à ce petit jeu. On parla de l'Irlande, voire des Pays-Bas, un voile pudique étant jeté sur les plus gros. Mais soyons sérieux. A qui le crime profite? Qui organise systématiquement "l'optimisation fiscale" ici et ailleurs?

Pourquoi épingle-t-on le Luxembourg et pas les 340 grandes entreprises transnationales qui y font leur beurre? Or c'est bien au sein des conseils d'administration de ces entreprises, ces entreprises que M. Valls aime tant, que se trouvent les responsables, les organisateurs et les bénéficiaires de l’optimisation fiscale. Mais bizarrement on ne cite pas leur nom. Même pas les logos de leurs entreprises à l'exception d'Amazon allez savoir pourquoi. Ce serait pourtant une bonne publicité pour patrons performants. On comprendrait mieux ce qui justifie les salaires mirobolants, les parachutes dorés et autres retraites chapeaux. Évidemment certaines grandes marques y perdraient en popularité, mais au moins le grand public verrait la différence entre ceux qui ont le pouvoir et leurs petits télégraphistes.

Une autre affaire dévoilée au même moment n'a pas eu toute la publicité qu'elle méritait. En 2010, la BCE sous la houlette de Jean-Claude Trichet, a exercé une pression efficace sur le gouvernement irlandais pour le contraindre au sauvetage des banques irlandaises avec des fonds publics, rendant de ce fait un fier service aux grandes banques européennes qui se trouvaient mal engagés dans cette affaire ... et ruinant le peuple irlandais. Ce faisant la BCE avait totalement outrepassé les pouvoirs et les objectifs qui lui sont assignés par les traités au respect desquels Mme Merkel est tellement attachée. Sauf que s'y on regarde ce qui s'est passé depuis à Chypre et qui continue dans toute l'Europe au comprend que la BCE est avant tout au service des grandes banques et que les traités ne sont là que pour régulariser ce service, en temps normal. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles à condition que les bénéficiaires soient toujours les mêmes, ceux qui mènent la danse.

Pour conclure, je dirais qu'il y a deux façons de voir les choses. D'une part, le point de vue de ceux qui espèrent que de justes lois appliquées par des politiciens honnêtes pourront brider les appétits particuliers et obtenir une meilleure répartition des richesses. Ce point de vue, disons idéaliste, se heurte à la décevante réalité du politicien réel. Et on va ainsi d'élections en élections, d'espoirs modestes en espoirs déçus.

Un autre point de vue, plus pragmatique constate que l'énorme écart de richesse et de pouvoir entremélé, corrompt tout embryon de démocratie, parce que la démocratie n'est possible que si l'égalité de droit entre les citoyens est basée sur une certaine égalité sociale. Le premier acte d'un changement politique véritable sera nécessairement une réduction drastique des inégalités et une mise hors d'état de nuire des féodalités transnationales qui ont confisqué le pouvoir des états. Une élection peut être une étape du processus, elle ne peut y suffire seule.

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