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Billet de blog 18 août 2021

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Agaléga, Maurice : outrages à la dignité humaine et maintenant la pénurie alimentaire

Rien ne s’arrange sur Agaléga. Cette île appartenant à Maurice est en passe de sombrer petit à petit en un enfer pour ses habitantes et habitants. Les outrages à la dignité humaine et les traitements d’une cruauté morale certaine sont légion. Depuis le mardi 17 août, une pénurie alimentaire est venue s’ajouter à la liste de souffrances qu’endure la population.

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Des denrées alimentaires élémentaires (pommes de terre par exemple) manquent dans la minuscule île et la farine est rationnée. L’Ile est dépendante d’un unique bateau le MV Trochetia pour le ravitaillement. Déjà en temps normal, le bateau n’effectue seulement que trois aller retour par an vers Maurice. Mais le transporteur a eu un problème technique depuis le mois d’avril suivi de cas de Covid-19 d’une partie de l’équipage. Les femmes enceintes venues accoucher loin du reste de leur famille attendent donc de regagner leur terre depuis de longs mois (entre trois et parfois huit mois). De même, le parent venu accompagner un enfant malade espère que le bateau MV Trochetia diligenté par le gouvernement mauricien les amène chez eux. Cette situation est due à l’absence d’hôpital ou même d’un dispensaire digne de ce nom sur place. Le gouvernement mauricien par la voix de son ministre de la pêche Sudheer Maudhoo prétend que le bateau actuellement au Sri Lanka en réparation regagnera Maurice le 3 septembre. Les Agaléens, Agaléennes et leurs défenseurs ne le croient pas. Regroupés au sein d’une toute jeune association La Voix Résistance Agaléga, ils sont allés de l’avant en contactant le Chantier naval de l’océan indien (CNOI) afin de réserver une embarcation pour regagner leur terre. Pour ceci , il faut débourser une somme en roupies équivalente à environ 40 000 euros. Alors que le ministre de la Pêche répète à l’envi aux médias locaux sa fable consistant à dire que le MV Trochetia est l’unique solution pour rapatrier les Agaléens et les Agaléennes, Emmanuel Le Roy, directeur des opérations du CNOI assure avoir déjà proposé sans succès de mettre à disposition son bateau La Curieuse disponible en ce moment 24 h sur 24 h pour mettre fin à l’interminable calvaire des déplacés. De son côté, Padma Utchanah, présidente du parti politique Ralliement citoyen pour la patrie, résidente entre Paris et Rivière-du-Rempart(Maurice) a écrit une lettre le samedi 14 août faisant appel au président français Emmanuel Macron afin qu’il intervienne à titre humanitaire en faveur du rapatriement des infortunés. Des solutions existent pour mettre fin aux conséquences inhumaines de la séparation des mères et de leurs enfants, des époux, des habitants et de leur environnement familier et de leur communauté, des pertes de revenus non compensées pour certains, des frais non remboursés de logement, d’exposition à la promiscuité pour certains obligés d’être logés chez des connaissances, l’angoisse, l’inconfort, l’humiliation...Lesée depuis toujours, la population d’Agaléga constituée en majorité de créoles dont les ancêtres ont été arrachés d’Afrique à l’époque coloniale française pour travailler dans les plantations de coco est une population maintenue volontairement dans une vulnérabilité sociale et économique. Depuis plus de deux cents ans, jamais aucun Agaléen ou Agaléenne n’a pu détenir un titre de propriété. Tous les terrains appartiennent à l’État. De même, ils sont majoritairement employés par l’unique structure sur place OIDC (Outer island development corporation). Cette situation engendre une facile coercition et ouvre la voie à des représailles. Même si aucune loi n’a interdit la citoyenneté mauricienne aux Agaléens, ils sont, dans les faits, privés de nombreux droits fondamentaux et discriminés par rapport aux autres Mauriciens depuis de nombreuses années. L’installation probable d’une base militaire indienne dans cette île fait craindre le pire pour l’avenir. Une situation semblable aux Chagos (Océan indien) où toute une population a été déportée grâce à un mensonge des grandes puissances militaires britannique et américaine afin d’y installer la plus grosse base militaire américaine. Une première partie de la petite population a été entassée en 1965 sur un navire de bétail, puis parqués dans des taudis sans porte ni fenêtre à Beau Marchand sur une décharge d’ordures ouverte aux quatre vents. Nombreux sont morts de chagrin. D’autres d’infarctus, d’overdose ou de suicide. Les Britanniques avaient même gazé leurs animaux de compagnie sous leurs yeux afin de les contraindre à partir sous menace de subir le même sort (Voir le documentaire Stealing a nation, John Pilger) . La nouvelle association La Voix résistance Agaléga entend militer et rendre visible les violations nombreuses des droits humains dans cette affaire afin que les Agaléennes et Agaléens ne subissent pas le même triste sort que les Chagossiens.

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