C'est évident, le premier sentiment, c'est celui du soulagement. Mais il est de courte durée. À peine on se dit qu'on peut enfin laisser la fatigue retomber qu'une autre nécessité s'impose : ne surtout pas laisser retomber l'urgence.
Cette fois, on est passé à un cheveu. On a tout donné pour cela. On s'est battu pendant des semaines pour comprendre, décortiquer, convaincre. On a gagné des semaines, peut-être des années dans le combat contre l’extrême-droite. Des milliers de personnes ont participé à leur manière une campagne inédite par ses enjeux et son intensité, avec un sentiment de gravité et de responsabilité déterminants. Nous avons arraché un répit.
Responsabilité
Mais nous ne pouvons pas nous contenter de freiner une progression qui pourrait apparaître inéluctable : l'urgence est bien de renverser la tendance qui fait que, depuis des années, les idées de haine et de rejet semblent gagner inexorablement du terrain.
Face à cette marée montante, nous ne pouvons pas nous exonérer de la responsabilité qui est la nôtre. Pendant trois semaines, nous avons connu l'angoisse, la boule au ventre, la colère, la tristesse. Autant d'émotions qui nous ont fait nous lever. Nous ne pouvons pas aujourd'hui nous rasseoir, retourner à notre routine, faire de nouveau notre travail comme si de rien n'était. Il est de notre responsabilité d'agir et d'agir différemment.
Reconstruction
Ce que nous avons gagné en conscience, en réflexion, en mobilisation doit être le point de départ d'un long et indispensable travail de reconstruction. Et dans les services publics, chacune et chacun sait sur quoi il devra reposer :
- Une rupture avec la baisse des moyens comme horizon politique, remplacée par une politique fondée sur la réponse aux besoins.
- Une prise de conscience pleine et collective de la responsabilité qui est la nôtre en tant qu’agents publics, et qui dépasse largement l'enjeu de l'obéissance à la hiérarchie.
- Une sortie de la technicisation des débats pour replacer le champ des politiques publiques entre les mains de la démocratie.
Ce que chaque fonctionnaire ou agent public avait imaginé faire dans le cas d'un gouvernement d'extrême-droite, il nous faut l'appliquer dès aujourd'hui : nous battre lorsqu'une politique proposée ne va pas dans le sens de l'intérêt général, qu'elle sépare les gens plutôt qu'elle les rassemble, qu'elle fracture socialement ou territorialement. Proposer des alternatives. Nous organiser collectivement pour les faire prévaloir.
Action
Il y a trois ans, nous avons monté le collectif Nos services publics pour reprendre la parole de l'intérieur sur le sens de nos missions. Nous avons lancé un travail de construction d'une vision alternative, basée sur les besoins de la population, en faisant confiance aux agents et en construisant des ponts avec la société civile, les syndicats, les citoyens et les citoyennes. Nous avons entamé un travail de fond sur l'organisation du travail, la vision managériale descendante des services publics et la construction d'un modèle alternatif. Nous avons construit un collectif rassemblant désormais plusieurs milliers de personnes sur la totalité du territoire, et qui ne demande qu’à continuer à s’étendre et à s’organiser.
Demain, nous aurons plus que jamais la nécessité d'amplifier ce travail. Nous aurons besoin de l'énergie de chacune et de chacun, de toutes celles et ceux qui, comme nous, sont conscients que l'urgence que nous venons de vivre nous oblige. Il faudra se remettre au travail, amplifier le chantier, et nous l'avons déjà commencé.
Alors oui, si nous le pouvons, laissons retomber l'angoisse, la peur, le stress.
Mais ne laissons pas retomber cette urgence qui nous pousse à l'action.
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