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Billet de blog 23 janvier 2024

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Préférence nationale : naître du « bon côté du trait »

On ne l'a ni assez dit ni assez entendu, pourtant c'est un élément frappant de la « préférence nationale » votée avec la loi immigration : elle touchera également des enfants français. Simplement car ils n'ont pas la bonne origine. Je vous raconte l'histoire d'Ismaël.

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On ne l'a ni assez dit ni assez entendu, pourtant c'est un élément frappant de la "préférence nationale" votée avec la loi immigration : elle touchera également des enfants français. Simplement car ils n'ont pas la bonne origine.

C'est le cas d'Ismaël. Ismaël a un an, il est français et né en France. Sa mère, libanaise, est née en France et a grandi au Liban, avant de revenir en France avec son mari après le Covid-19. En donnant naissance à Ismaël et à son frère, elle a octroyé la nationalité française à ses petits garçons en vertu de l'article 19-3 du code civil, dit du "double droit du sol", est français un enfant né en France d'un parent lui-même né en France, ., Ismaël aurait aussi pu être français mais élevé dans une des 2 millions de familles monoparentales du pays, par un parent étranger. Dans ces deux cas le résultat serait le même : la loi immigration, si elle entrait en vigueur, priverait son foyer de plusieurs centaines d'euros par mois pour son éducation., 

Car la préférence nationale conditionne le versement des prestations familiales à cinq ans de présence sur le territoire ou à 30 mois de travail de leurs parents. L'enfant n'est pas un sujet de droit, qu'importe son âge, sa pauvreté ou même sa nationalité : on ne le regarde pas. C'est pourtant bien lui qui sera touché.

Ismaël est rigoureusement dans la même situation que Sofia, sa petite copine de la crèche, un an elle aussi : même nationalité, mêmes revenus et cotisations sociales des parents, frère du même âge. Pourtant, son foyer sera privé de droits sociaux conséquents : 140€ d'allocations familiales et de 364€ de prestation d'accueil du jeune enfant par mois.

Illustration 1
Sofia et Ismaël, cas-type calculé par le collectif Nos services publics © Collectif Nos services publics

C'est le sens de la "préférence nationale" : elle trace un trait au milieu de la population. Elle sépare des personnes et des familles qui sont dans la même situation, disant à ceux-ci "vous avez droit" et à ceux-là "vous n'êtes pas avec nous".

Qu'importe précisément où passe ce trait. Qu'importe si le vrai critère est la nationalité, la nationalité des parents, l'origine ou que sait-on encore. Qu'importe si ce trait touche 110 000 personnes dont 30 000 enfants ou jusqu'à sept fois plus., Qu'importe si 15 000 enfants se trouvent en situation de très grande pauvreté après entrée en vigueur de la loi.

Au nom d'un "appel d'air" dont toutes les études montrent qu'il n'a jamais existé, on divise, on exclut, on appauvrit. Et ce trait, qui aujourd'hui vise à séparer les étrangers hors UE et les français, pourrait demain continuer à diviser : ceux qui ont assez travaillé et ceux qui ne sont pas méritants. Ceux qui sont pauvres et ceux qui le sont trop, ou ceux qui ne le sont pas assez.
Une fois brisée l'universalité du droit à la dignité, après tout le plus dur est fait : on peut fragmenter.

Quoi que décide le Conseil constitutionnel ce jeudi, le débat sur la légitimité de cette préférence nationale reviendra. Alors il faut le répéter : quand on commence par montrer du doigt "l'autre", le "sien" n'est jamais loin.
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Calculs et cas-types tirés du dossier "Que changerait la préférence nationale induite par la loi immigration ?" du collectif Nos services publics. Accessible en intégralité en ligne.

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