Ça sent le Sapin
Maire de Argenton sur creuse, petite ville située à 100 km au nord de limoge sur l'ancienne nationale 20. C'est con pour toi mais je connais très bien Argenton. J'allais en vacances voir mes grands parents qui avaient un bar épicerie dans le quartier de saint Étienne.
Les clients et amis de mes grands parents portaient tous des sobriquets, binhenry, grand touset, canard, jacky, ou encore d'autres qui n'en portaient pas comme Yannick et Moreau.
Je n'étais pas très âgé à l'époque entre 8 et 13ans mais la vie de ce quartier était pour moi déjà une source d'inspiration future.
En vacances donc à l'époque, ma mère bien que rétissante de me voir aller dans un endroit de perdition inadéquate pour un enfant, me laissait aller chez mes grands parents.
Servant des canons de blancs à 10h du mat aux ouvriers tous chemineaux, j'avais à l'époque retenu cette confrérie comme de ma famille au sens large.
Beaucoup ne sont pas arrivés à l'âge de la retraite et mon souvenir le plus présent et celui de canard.
Je me souviens d'un homme usé, gris et alcoolique. Cette vie de cheminot polluante et peu intéressante, qui les conduisait tous à une mort programmée d'avance sans pouvoir jouir de leur retraite. C'est indigne, cette condition humaine réservée à une frange de la population. Indigne et criminel. Canard donc était la plus part du temps habillé en costume à deux sous imbibé de cette odeur de tabac gris et son surnom ne venait pas des petits canons qu'il aimait consommer au café de Marc mon grand père. Tous amis et tous unis dans cette misère grise et sans avenir, ce petit café étaient pour eux ce point de ralliement qui les faisaient exister en groupe. Non canard marchait comme Charlie Chaplin et ses grandes chaussures prenaient presque tout le trottoir. Seul et isolé ce café était pour lui la seule source de société à sa portée. Je me souviens de ce jour où ayant perdu ses lunettes, l'information avait occupée une bonne partie de la journée. Puis quelques temps après en maladie, car il s'était perdu sur le chemin de son appartement et avait passé la nuit dans le fossé. Certainement malade, il venait toujours chercher cette petite dose d'humanité. Ce fut la dernière vision que j'ai eu de lui, revenant l'année d'après je questionnais ma grand mère et elle m'avait avouée que canard était décédé et qu'elle portait en elle une forme de responsabilité quand à l'inaction générale. C'était cette vie des cheminots Argentonais, qui n'avaient pas d'avenir et surtout pas le moyen d'y déroger. Alors oui ça sent le sapin et depuis longtemps, et de ces bourgades du centre de la France, s'échappe toujours cette mauvaise odeur. Ça sent le sapin et ce maire élu et parvenu n'y a rien changé.