On a tendance à l'oublier, mais malgré son indépendance autoproclamée le 17 février 2008, le Kosovo n'est toujours pas membre de l'ONU. En effet, seuls 85 pays sur 193 Etats-membres, dont 3 des 5 membres permanents du Conseil de sécurité, l'ont reconnu alors que la moitié des Etats-membres est requise.Cependant, les dirigeants kosovars espèrent que les révolutions arabes pourront changer la donne.

La Yougoslavie de Tito a toujours été proche du monde arabe depuis le mouvement des non-alignés. La Serbie a ensuite cherché à perpétuer cette tradition et a conservé des relations diplomatiques très fortes. En vertu de ces liens historiques, l'Égypte, la Libye et la Tunisie refusaient de reconnaître l'indépendance du Kosovo. Pire, des mercenaires balkaniques, notamment serbes, ont travaillé au service du colonel Kadhafi avec la complicité d'anciens militaires de l'armée régulière. Ainsi, en septembre, selon le quotidien croate Večernji list, les insurgés libyens auraient exécuté des dizaines de mercenaires étrangers à Misrata, dont 11 serbes et 9 croates. Žarko Radunković, colonel à la retraite de l'Armée de Serbie et Monténégro, aurait, lui, été assassiné à Tripoli le 10 septembre 2011. Ancien attaché militaire en Libye entre 2000 et 2005, il aurait servi d'intermédiaire pour faciliter l'embauche de mercenaires par les kadhafistes.
A présent, le régime de Kadhafi, comme celui de Moubarak et de Ben Ali, n'est plus et le Kosovo compte sur l'envie de rupture des nouveaux dirigeants afin d'avancer ses pions. La diplomatie kosovare s'active depuis quelques mois afin de convaincre les nouveaux dirigeants en place de reconnaître son indépendance, en jouant une carte très importante, celle de la solidarité musulmane.
En visite en Egypte fin septembre, le ministre kosovar des affaires étrangères Enver Hoxhaj - premier responsable balkanique à se rendre en Egypte depuis la chute d'Hosni Moubarak en février- a ainsi obtenu son premier engagement en ce sens de la part d'Amr Moussa , l'un des favoris à l'élection présidentielle qui aura lieu le mois prochain. « Sans aucun doute, l'Egypte reconnaîtra l'indépendance du Kosovo, mais seulement après l'élection présidentielle » a-t-il affirmé.
Pristina aspire également à établir d'étroites relations avec le gouvernement de transition en Libye et avec les nouveaux dirigeants Tunisiens, notamment ceux issus du parti Ennahdha. L'identité musulmane du Kosovo devrait être amplement mise en valeur par Pristina qui bénéficie déjà du soutien de plusieurs points lourds musulmans, comme la Turquie, l'Arabie Saoudite ou encore la Malaisie.
L'Organisation de la Coopération Islamique a d'ailleurs apporté son soutien à Enver Hoxhaj, le 5 Juillet 2011 à Astana (Kazakhstan) en appelant ses membres à reconnaître l'indépendance du Kosovo, un soutien de taille pour la diplomatie kosovare. Le vice-ministre kosovar des affaires étrangères, Petrit Selimi, a d'ailleurs annoncé que son pays allait approfondir ses relations avec l'OCI, peut-être, une fois que le Kosovo sera reconnu par l'ONU, jusqu'à son adhésion, fortement soutenue par l'Arabie Saoudite, un des principaux soutiens de Pristina sur la scène internationale.
En Egypte, Enver Hoxhaj s'est également entretenu avec le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, qui lui a assuré qu'il allait soulever la question de la reconnaissance du Kosovo aux prochaines séances de la Ligue arabe. Pour le moment, 11 Etats sur 22 membres de la Ligue Arabe reconnaissent l'indépendance du Kosovo, et 24 des 57 membres de l'OCI.
Cependant, ce virage pro-arabe et pro-musulman du Kosovo n'est pas au goût de tout le monde. Le journaliste Nduke Ukaj, par exemple estime que le Kosovo ne devrait pas se tourner vers le monde arabe à cause des relations de ces pays avec des Etats « ennemis du Kosovo », comme la Russie ou la Chine, par exemple. Ukaj ajoute que la présence du Kosovo aux côtés de régimes dictatoriaux ou fondamentalistes pourrait affecter les relations du jeune Etat avec les occidentaux.
Le Kosovo se retrouve ainsi entre deux eaux. D'un côté, l'affirmation de son identité musulmane et le rapprochement avec l'OCI et la Ligue Arabe pourrait lui permettre d'engranger de nombreux soutiens parmi ces pays et donc d'adhérer à l'ONU, de l'autre, ses aspirations européennes le poussent à regarder davantage vers l'UE -qui semble pourtant bloquée en ce moment-, voire l'OTAN, aspirations qui ne sont certes pas incompatibles avec son identité musulmane. A l'heure où l'intégration au sein de l'Union Européenne semble au point mort, le Kosovo aurait tout à gagner à se rapprocher du monde arabo-musulman. Comme l'explique l'universitaire Luminije Rifaj, l'Organisation de la conférence islamique a fait un geste en cette direction en refusant d'accorder le statut d'observateur à la Serbie, qui aurait pu permettre à Belgrade -qui s'appuyait sur la présence de musulmans kosovars sur son territoire- d'utiliser ces réseaux pour bloquer le processus de reconnaissance internationale du Kosovo.
Les révolutions arabes offrent donc une chance réelle aux dirigeants kosovars d'accéder au sésame de la reconnaissance internationale. Cependant, Pristina devra veiller à ne pas dépendre d'un seul protecteur, qu'il soit européen, américain, ou arabe.