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Billet de blog 18 octobre 2020

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L'Éducation Nationale m'a tuer.

L'Éducation Nationale est une structure défaillante, verticale jusqu'à l'absurde et lâche. Elle broie ses membres, ignore ses responsabilités envers le personnel qui l'anime. Eux seuls font tourner une machine toute entière tournée vers le silence. L'Éducation Nationale est la nouvelle grande muette.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette semaine, Monsieur Paty est mort. Je n'ose pas imaginer ce qu'il a subi, ressenti. Je sens un frein en moi, certainement pour me protéger. J'en ai pourtant les larmes aux yeux. Je suis désolé, Monsieur Paty. Désolé d'être loin géographiquement de tout ceci. Mais je m'imagine très bien par contre ce qu'a été vos deux dernières semaines. Moi aussi, je fais partie de la grande muette.

Un de mes enseignants m'a mis en jour un garde contre le mot désolation. Il me disait qu'au sens strict, c'est un espace ravagé, semblable à un espace de guerre. On ne l'emploie pas à la légère, cette expression. Je suis donc désolé, Monsieur Paty.

Ça bruisse beaucoup dans l'éducation Nationale. Un son de basse intensité. Pas grand chose n'atteint les oreilles de la hiérarchie. Nos doléances ? Ignorées. Notre solitude ? Niée. Notre engagement ? Moqué. Mais par contre, que des parents diffament, menacent, appellent à dire « stop ». Alors là, la très lâche hiérarchie réagit. Quels sont les faits qui se murmurent ?

  • La hiérarchie aurait appelé la famille diffamatoire. Celle-ci avait menacé d'actions devant le collège, après avoir demandé la démission de Monsieur Paty. Lors de cet appel, il aurait été dit qu'il serait recadré. Sanctionné, peut-être ?

  • La principale aurait demandé à un IPR de venir faire un rappel à Monsieur Paty. Sans doute aux règles déontologiques, celles que vous ne suivez pas lorsqu'elles nous concernent.

  • La principale aurait demandé des excuses à Monsieur Paty. Envers qui ? La famille ?

Je le dis, sans doute est-ce vrai. Car la lâcheté et le mépris sont les deux mamelles de l'éducation Nationale. Notre hiérarchie est complètement hors-sol. La réalité ne la concerne plus, car notre réalité est ce qu'elle tait. Quand nous sommes insultés par un élève, nous avons des inspections surprises, pour nous punir. Ou des stages de gestion de classe imposés. Quand un élève devient infâme, c'est d'abord nous qui sommes accusés. Quand un élève part en vrille, c'est notre bienveillance qui est questionnée. Et je ne parle pas des parents. Mon Dieu, ils sont reçus, eux ! Ils sont écoutés eux ! Peu importe ce qu'ils disent, ils restent des traces. Il n'y a pas de fumée sans feu, n'est-ce pas. Même s'ils diffament, menacent, … Je suis désolé, Monsieur Paty.

J'imagine donc bien ce que vous, Monsieur Patty, avez entendu. Vous n'auriez pas dû faire ce cours, enfin, Monsieur Paty. Votre obligation de neutralité ? Ne vous attaquez-vous pas à vos élèves ainsi ? Vous ne devez pas les brusquer Monsieur Paty. Et puis, franchement, vous ne pouviez pas faire ce cours sans leur montrer ? J'imagine bien qu'on a dû vous reprocher ce que le programme demande de faire. Et oui, les injonctions contradictoires, les demandes irréalistes, les éléments impossibles à tenir ensemble mais que l'on demande bien sûr de rendre miscibles, c'est la spécificité de l'Éducation Nationale. On a dû essayer de vous culpabiliser sans doute, Monsieur Paty. Par un cacique peut-être, de ceux qui ont fui les endroits où nous enseignons, qui ne savent pas ce que nous vivons. Je suis désolé, Monsieur Paty.

Je suis sûr que vous aimiez votre métier, Monsieur Paty. Mais comment l'aimiez-vous, monsieur Paty ? Je ne saurai jamais. Je ne peux que projeter ce que moi, je ressens. Vous m'en excuserez. Cette amertume complète, envers une hiérarchie de lâches qui nous lâche. Envers cette hiérarchie qui nous enjoint de compenser ses absurdités, ses programmes sans queue ni tête. Cette hiérarchie qui nous demande de corriger les effectifs qui montent, les élèves à problèmes esseulés dans des classes trop peuplés, avec des programmes pas adaptés. Cette hiérarchie qui nous laisse nous paupériser, qui nous tient par notre vocation et ce sentiment que, sans nous, nos élèves seront privés de la culture. Que comme nous seuls, sans nous, ils ne recevront pas l'instruction que nous portons. Bref, cette hiérarchie qui utilise notre esseulement et notre haute opinion de l'instruction pour nous tenir, alors qu'elle pousse à tout le contraire, en appauvrissant nos conditions de travail. Et je ne parle pas de ce mépris global de la société, qui nous érige en pilier aujourd'hui, en sangsue hier.

Je suis désolé, Monsieur Paty.

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