Largement employé dans les médias, notamment par des politiques de droite et d’extrême droite ainsi que le patronat (le Medef en tête), il est un mot qui résonne avec une connotation négative, un fardeau, un poids : "charges" sociales.
Mais interrogeons ce terme. Que signifie "charge" ? Selon le dictionnaire, c'est "ce qui pèse, qui coûte, qui cause une gêne". L'idée d'un poids à alléger est immédiatement perceptible.
À l'inverse, on entend souvent, dans la bouche des politiques de gauche et des syndicalistes, le terme "cotisation sociale". Qu'en est-il du verbe "cotiser" ? Selon le dictionnaire c’est : "Verser une somme en même temps que d’autres afin de financer une dépense commune. Verser une somme de façon régulière à un organisme contre des avantages, des garanties".
Ainsi, pour un même prélèvement sur notre richesse collective, deux concepts diamétralement opposés s'affrontent. L'un, "charge", dépeint la Sécurité sociale, l'assurance chômage, la retraite comme un fardeau financier. L'autre, "cotisation", les présente comme un droit, un investissement solidaire, un bouclier social et solidaire.
Le terme "charge sociale" n'existe pas dans le droit français
Et pour cause, le terme "charge sociale" est une pure invention idéologique. Comme le souligne régulièrement Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, membre de l'Après et défenseur ardent du droit social : "les charges sociales n'existent pas, ce sont des cotisations sociales."
Une rapide vérification le confirme. Si vous consultez le Code Général des Impôts ou même le site officiel legifrance.gouv.fr (qui centralise l'ensemble des textes de loi français), le terme "charge sociale" est introuvable dans ce sens. En revanche, le mot "cotisation sociale" y apparaît maintes et maintes fois. La terminologie officielle est claire et sans équivoque.
Cotisation sociale : une part de notre salaire mutualisé, un acte de solidarité
Cette distorsion sémantique n'est rien d'autre qu'une stratégie de communication, une forme de propagande.
Regardons nos fiches de paie. En haut, le "salaire brut", en bas, le "salaire net". Dans les deux cas, il s'agit bien de notre salaire. Le "salaire net", c'est ce que nous percevons et consommons directement. Mais le "salaire brut", lui, intègre les cotisations salariales. Il représente une part de notre salaire qui n'est pas versée individuellement, mais socialisée, mutualisée, mise en commun dans un grand pot solidaire et redistribuée à chacun selon ses besoins.
Cela signifie concrètement que chacun d'entre nous contribue pour soutenir l'Assurance maladie (maternité, invalidité, accident du travail, décès) ; les retraites ; les Allocations familiales ; la branche autonomie (personne âgées et personnes handicapées) ; l'Assurance chômage …
Ce système est un prélèvement certes, mais il est volontaire (car issu d'un pacte social), souvent progressif (proportionnel aux revenus), et surtout, fondé sur une redistribution solidaire.
Les cotisations patronales : une autre forme de salaire différé
Et que dire des cotisations dites "patronales" ? Trop souvent, elles sont présentées comme un fardeau supplémentaire pour l'entreprise. Pourtant, elles aussi font partie intégrante du « coût » total du travail, de la richesse créée par le salarié. Elles constituent une autre forme de salaire "différé" : une part de rémunération que le salarié ne touche pas directement, mais qui est investie pour lui et pour le collecteur. C'est ce qui financera sa prise en charge en cas de maladie, sa retraite future, et bien d'autres protections sociales.
Le "bonheur social" contre la "charge"
Comme le rappelle avec justesse Gérard Filoche, cette part de salaire mutualisée est ce qu'il y a de plus précieux en France : le cœur de notre modèle social, le plus beau visage de la solidarité et de la protection collective. Ce n'est pas une "charge sociale", mais bien du bonheur social, une garantie de dignité et de sécurité pour tous.
Lorsque la droite, l’extrême droite et le Medef appellent à "alléger les charges sociales", ils utilisent une rhétorique choisie pour brouiller les pistes et décrédibiliser notre système. Leur véritable objectif n'est pas "d'alléger un poids", mais de diminuer la part de salaire mutualisé, souvent au profit d'autres mécanismes comme la TVA sociale, qui pèsent davantage sur les ménages modestes.
Derrière les mots se cachent des choix de société. Ne laissons pas le langage de la "charge" occulter la valeur inestimable de nos "cotisations" et de notre protection sociale.
Les cotisations sociales sont ainsi le pilier du système de protection sociale français. Fondé sur un principe de solidarité où chacun cotise en fonction de ses moyens en recevant des prestations en fonction de ses besoins, garantissant ainsi l'accès à la santé, aux retraites, aux aides pour les familles ou lorsque on est privé d’emploi.
Arnaud MOUILLARD - http://arnaudmouillard.fr