Où le narrrateur rencontre son premier paon de Tocardville et, spontanément, l'étiquette ainsi.
Résumé des épisodes précédents.
Le phynancier jean-Charles de la Moissoinière s'est fait ventiler façon puzzle dans son île des Bahamas alors qu'il pratiquait son sport favori, le parachute doré ascensionnel. Comme n'importe quel quidam, le narrateur a appris la nouvelle très édulcorée du drame par les journaux le jour où il renouait avec sa jolie cousine qu'il n'avait pas revue depuis au moins un lustre.
II
Beaudoin Prouff fut déclaré mort à 13h21, retrouvé un peu plus tôt dans la matinée en bas du gratte-ciel de 32 étages de la General Banking Consolidated qu’il présidait, par un agent de la voirie. Cela expliquait pourquoi nous dûmes nous retirer à 14h12 et laisser le fiancé en deuil de son copain de promotion, de son associé, de son acolyte, de son comparse faire tout seul dans son pantalon et dans la solennité de sa demeure gothique revisitée par les plus grands décorateurs du moment, au cœur d’un parc de 5 ha boisé de chênes centenaires.
Sur le perron en granit, une fois l’oncle et la tante partis, Cousine me supplia à nouveau de l’aider. Et pis quoi encore, m’avait-elle aidé quand j’avais posé ma joue sur son bas-ventre joliment recouvert d’un slip de bain en polyamide rose et que je lui avais embrassé le nombril ?
Une beigne, les grands chevaux, la honte, l’autocar, oui. Et pour quoi ? Pour 10 ans plus tard s’accoupler avec un paon déplumé de 15 ans son aîné, un gestionnaire de conflits d’intérêt, un mafieux aux mains propres et au cerveau suintant la prétention, un péteux d’arriviste qui s’est servi de l’Etat… Encore heureux que celui-là n’ait jamais prétendu faire un jour la révolution comme certains de ses pitoyables aînés… C’est le, le, le… Et tout en cherchant une formule définitive mon regard glissa vers l’amont du fleuve où se dessinaient au loin les silhouettes des deux ponts à haubans… « C’est le paon de Tocardville », éructé-je.
Ce qui la fit rigoler. Kleber sortit à ce moment précis, l’air vraiment déconfit et fut choqué de voir sa belle s’esclaffer.
« Clébard, le paon », pensai-je
Il se dirigea sans me regarder vers sa voiture garée un peu plus loin sur le parvis et, à mesure qu’il s’en approchait, je voyais son buste se redresser, ses jambes s’affermir et son pas devenir plus alerte. Il déclencha l’ouverture des portes à une bonne vingtaine de mètres et accéléra, il courait presque comme s’il allait retrouver son salut.
Dingue ! Ce type croyait en sa bagnole. Il croyait en la Maserati Granturismo S de couleur argent, sellerie sable et boiseries acajou. Peut-être ne croyait-il qu’à sa Granturismo S immatriculée WX-315-RE avec une longue fiente de mouette à gauche de la lunette arrière ? Comme d’autres avaient cru en leur temps en Horus, Mars, Jupiter, Huitzilopochtli (si), Brama, Moïse, JC et toute la clique… Mais là, lui, il croyait en un tas de ferraille qui finirait très probablement dans moins de trente ans en apéricube pour hauts-fourneaux… (Ce qui m’emplit instantanément d’un doute raisonnable sur les capacités d’anticipation d’un tel expert. Je n’osai envisager l’amplitude réelle de son champ de vision : voyait-il beaucoup plus loin que son capot, soit approximativement 2,30 m ?)
Il démarra dans un rugissement en projetant une volée de gravillons sur les bacs à fleurs tandis que Cousine appelait un taxi pour me ramener à Honfleur.